Impôts: « Il nous faudra continuer à explorer les pistes d’élargissement de l’assiette »
Mopa Modeste Fatoing, Directeur général des Impôts.
(Cameroon Tribune)Monsieur le directeur général, vos objectifs 2018 se chiffrent à 1 845 milliards de F. Quels leviers comptez-vous actionner pour les atteindre ?
En 2018, la DGI devra mobiliser 1 845 milliards de F au titre des recettes fiscales non pétrolières et 91,5 milliards de F pour le compte de l’impôt sur les sociétés pétrolières. Soit un total de 1 936 milliards de F. Ce montant représente 61% des recettes propres de l’Etat qui se chiffrent à 3 175 milliards de F.
Ce que nous comptons faire, toute l’équipe de la DGI et moi-même,
avec l’appui de notre hiérarchie, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, c’est d’abord de consolider les acquis, notamment les réformes qui nous ont permis de réaliser les résultats positifs de ces dernières années. A titre d’illustration, pour l’exercice 2017 qui vient de s’achever, dans un environnement particulièrement difficile, la DGI a collecté des recettes fiscales non pétrolières de 1 734 milliards de F contre un objectif de 1 719 milliards de F. L’administration fiscale de notre pays a ainsi réussi à dépasser les objectifs de collecte de recettes qui lui étaient assignés. C’est la traduction de la solidité de notre système fiscal. Pour l’avenir, il nous faudra, outre les acquis, continuer à explorer les nouvelles pistes d’élargissement de l’assiette fiscale, à améliorer le contrôle fiscal pour mieux lutter contre la fraude et à renforcer notre capacité à recouvrer les arriérés fiscaux. Mais par dessus tout, il faudra améliorer la qualité du service rendu à l’usager.
Comment se mettent en œuvre les nouvelles mesures en matière d'élargissement de l'assiette fiscale, sachant par exemple que pour le droit de timbre d’aéroport, ceux qui ont payé les billets avant 2018 se demandent si le surplus leur sera réclamé au moment du voyage cette année ?
Jusqu’en décembre 2014, le droit de timbre d’aéroport était payé avant embarquement dans les différents aéroports du Cameroun par les passagers. Ce mode de perception était source de longues files d’attente, de retards et de nombreux désagréments préjudiciables aux voyageurs et aux compagnies aériennes. Afin de simplifier le mécanisme de collecte de cette taxe et de sécuriser les recettes y afférentes, le législateur a, dans le cadre de la loi de finances 2015, confié aux compagnies de transport aérien la responsabilité de la collecte de cette taxe lors de l’achat du billet d’avion. Je crois que tous les acteurs de bonne foi ont été unanimes pour saluer la qualité de cette réforme. Pour 2018, la nouveauté porte sur le tarif du droit de timbre d’aéroport qui passe en effet à 25 000 F. Comme cela a été le cas par le passé pour des changements de cette nature, les autorités ont mis en place des mesures transitoires pour ne pas pénaliser ceux des voyageurs qui avaient déjà acquis leur titre de transport avant le 1er janvier 2018. Leurs billets sont utilisables sans coûts additionnels jusqu’à la fin du 1er trimestre 2018. C’est-à-dire que jusqu’au 31 mars 2018, est ouverte une période transitoire au cours de laquelle aucun paiement supplémentaire ne sera réclamé à un voyageur qui se trouverait dans ce cas de figure. Les équipes de la DGI ont eu des séances de travail avec les compagnies aériennes à la fin du mois de décembre pour le leur indiquer. C’est en outre le sens de la Circulaire du 15 janvier 2018 qui confirme le principe d’une période transitoire au cours de laquelle aucun voyageur ne devrait être pénalisé. A compter du 1er avril 2018 cependant, tout titre de transport sur les vols internationaux, quelle que soit sa date d’achat, devra justifier d’un droit de timbre d’aéroport au tarif en vigueur de 25 000 F. Comme vous les voyez, tout est mis en œuvre pour éviter les désagréments aux voyageurs.
A propos du paiement de la taxe foncière, compte tenu des désagréments enregistrés l’an dernier, comment améliorer la collecte cette année ?
La taxe sur la propriété foncière (TPF) a connu de nombreuses mutations ces dernières années. L’objectif recherché est de trouver la formule qui tout à la fois sécurise les recettes issues de cette taxe et simplifie la vie au redevable. A ce titre, d’une taxe dont l’initiative de paiement incombait entièrement au contribuable, nous sommes passés à un système de déclaration pré-remplie où l’administration offrait toutes les facilités de déclaration à domicile aux contribuables. De même, une amnistie a été concédée à tous les contribuables pour ce qui concerne les arriérés au titre de cette taxe. Par ailleurs, des facilités de paiement à travers le téléphone portable ont également été mises à la disposition des redevables. Toutes ces réformes ont conduit à une amélioration record à la fois du nombre de redevables et des montants collectés en matière de taxe foncière. La réflexion se poursuit pour continuer à améliorer l’efficacité de cette taxe ainsi que les modalités de son recouvrement car, dans les années à venir, elle sera en termes de ressources, le pivot de la décentralisation. Je rappelle, en effet, que le produit de cette taxe est entièrement dédié aux Collectivités territoriales décentralisées (CTD).
Quelle appréciation faites-vous de la collecte du droit de timbre automobile (vignette automobile) par les assureurs ?
Si comme le reconnaissent les spécialistes, la qualité d’un impôt s’apprécie à la maîtrise de son coût de collecte et donc à son rendement net ainsi qu’à la simplicité de son mode de paiement, la réforme du droit de timbre automobile (DTA) est assurément de ceux-là. Cette réforme a permis aux autorités de faire, à partir de 2017, des économies considérables sur les dépenses de commande et de gestion des figurines encore appelées vignettes qui faisaient par ailleurs l’objet de contrefaçons. Au delà de cette économie, les performances de cette taxe, collectée à hauteur de fcfa 8,2 milliards en seulement onze mois au titre de l’exercice 2017, ont largement dépassé les montants collectés sur des exercices pleins de douze mois, avant la réforme. Si on ajoute qu’en plus la réforme a induit une exonération complète des véhicules administratifs et donc un manque à gagner important, on saisit la portée positive de cette réforme pour laquelle les projections pour 2018, année de sa pleine application, sont de fcfa 9,5 milliards. Il n’est pas inutile non plus de rappeler le gain de temps réalisé par les automobilistes grâce à cette réforme qui combine le paiement de la prime d’assurance à celui de la vignette automobile. C’est l’occasion pour moi ici, au nom des autorités, de remercier les compagnies d’assurance qui, dans le cadre d’un partenariat constructif, comme nous souhaitons en bâtir avec le secteur privé, ont collaboré de façon satisfaisante à la réussite de cette réforme. Nous continuerons à travailler avec elles pour que les objectifs de celle-ci soient totalement atteints, à la satisfaction de toutes les parties.
Maintenant, l’autre défi de la DGI c’est au niveau de la sécurisation des recettes. Comment organisez-vous cela ?
La sécurisation des recettes est une préoccupation majeure de l’administration fiscale. Nous y travaillons en adressant tous les risques qui peuvent mettre en danger la sécurité de nos recettes. Qu’il s’agisse de l’enregistrement des contribuables qui sont désormais répertoriés sur le site web de la DGI mis à jour mensuellement ; qu’il s’agisse des déclarations des contribuables qui font l’objet de croisement avec les données de la douane et d’autres administrations grâce à l’outil FUSION ; qu’il s’agisse des paiements d’impôts et taxes pour lesquels les espèces sont dorénavant quasi-prohibées, je rappelle que 98% de nos recettes sont collectées par virement bancaire ; qu’il s’agisse du mode de collecte même des impôts dont l’approche moderne consiste à privilégier le recours aux redevables légaux, tout est mis en œuvre pour sécuriser les recettes l’Etat. L’avènement prochain d’un système d’information intégré de gestion des impôts et taxes viendra parachever nos efforts de sécurisation du dispositif actuel. S’il fallait résumer notre stratégie de sécurisation de recettes, ce serait « plus de coopération pour avoir l’information pertinente en matière fiscale et moins de contacts physiques entre les services et les contribuables pour limiter les mauvaises pratiques grâce à la dématérialisation des procédures. »
Sur l’amélioration du climat des affaires, que répondez-vous aux opérateurs économiques qui estiment que la pression fiscale est de plus en plus forte au Cameroun ?
La pression fiscale définit l’importance relative des prélèvements obligatoires dans l’économie nationale. Elle est une grandeur macroéconomique qui s’obtient en faisant un rapport entre le montant des prélèvements obligatoires et la richesse nationale. Sur cette base, à partir des données disponibles en la matière, on ne peut objectivement dire que le taux de pression fiscale est élevé au Cameroun. Tous les experts en fiscalité vous le confirmeront. Maintenant, est-il possible qu’une frange de la population fiscale supporte plus d’impôt qu’une autre ? Cela a toujours été le grand débat dans toutes les démocraties. Pour ce qui nous concerne, la question n’est nullement tabou de savoir est-ce que notre système d’imposition du revenu garantit une équité parfaite notamment dans la répartition de la charge fiscale entre les personnes morales et les personnes physiques, les taxes indirectes étant par principe indolores ? De même, on pourrait aussi interroger la pertinence des niches fiscales telles qu’elles existent dans notre système fiscal. Il y a assurément, au vu de tout cela, des progrès à l’horizon non pas pour dire que le taux de pression fiscale est élevé dans notre pays mais davantage pour explorer des pistes volontaristes d’élargissement de l’assiette qui, contrairement à ce que certains pensent ne signifie pas simplement aller rechercher les contribuables qui se cachent. L’élargissement de l’assiette fiscale au regard des acquis de notre fiscalité suppose une répartition équilibrée et plus vaste de la charge fiscale qui remette entre autres en question les privilèges fiscaux légalement consacrés. A titre d’illustration, les autorités ont depuis quelque temps amorcé un mouvement de décrue des taux d’imposition qui a touché l’impôt sur les sociétés, la taxe spéciale sur les revenus et les droits d’enregistrement. Toutefois, ce mouvement de décrue ne serait total que si le secteur privé acceptait de son côté de renoncer aux avantages fiscaux exorbitants qui amenuisent l’assiette fiscale. Mais ce qui est difficilement admissible dans un système fiscal qui se veut viable, c’est de combiner des taux faibles avec une assiette presque entièrement érodée. Au total, il y aurait lieu sur ce sujet de trouver un équilibre entre la préservation des nécessaires ressources pour la couverture des charges publiques qui se sont accrues ces dernières années à cause des contraintes évidentes auxquelles fait face l’Etat et l’accompagnement du secteur privé en termes d’incitations fiscales. Cela participe de la dynamique normale de tout système fiscal ; les autorités en décideront le moment venu.
Pour ce qui est de la fraude fiscale, quelle stratégie avez-vous mise en place pour combattre efficacement le problème au Cameroun ?
Pour faire le lien avec la question précédente, je dirais que la fraude fiscale peut être une autre explication de l’impression de pression fiscale que peut légitimement exposer la frange de la population fiscale conforme. Pour cette raison, il faut la combattre vigoureusement afin d’édifier un système fiscal toujours plus juste. Notre stratégie en matière de lutte contre la fraude est axée sur la coopération tant au plan interne qu’au plan international.
Au plan interne, la coopération accrue que l’administration fiscale développe depuis quelque temps avec sa consœur des douanes, entre autres, permet d’entrevoir des pistes intéressantes de lutte contre la fraude et de sa réduction drastique à moyen terme. De même au plan international, l’intense activité de notre administration dans le cadre des regroupements dédiés à la lutte contre ce phénomène et la détermination de nos autorités à cet égard sont manifestes. Je voudrais rappeler à ce titre la tenue récente à Yaoundé au mois de novembre 2017, sous le Très Haut Patronage du Président de la République, Son Excellence Paul Biya, de la 10e édition de la Conférence du Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, qui, dois-je le souligner, est le plus grand regroupement en matière fiscale au monde, pour traiter de ces questions. Cette conférence, organisée en coopération avec l’OCDE, a donné lieu à « l’Appel de Yaoundé » qui fera certainement date dans le mouvement mondial de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales.
(Cameroon Tribune)Monsieur le directeur général, vos objectifs 2018 se chiffrent à 1 845 milliards de F. Quels leviers comptez-vous actionner pour les atteindre ?
En 2018, la DGI devra mobiliser 1 845 milliards de F au titre des recettes fiscales non pétrolières et 91,5 milliards de F pour le compte de l’impôt sur les sociétés pétrolières. Soit un total de 1 936 milliards de F. Ce montant représente 61% des recettes propres de l’Etat qui se chiffrent à 3 175 milliards de F.
Ce que nous comptons faire, toute l’équipe de la DGI et moi-même,
avec l’appui de notre hiérarchie, le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, c’est d’abord de consolider les acquis, notamment les réformes qui nous ont permis de réaliser les résultats positifs de ces dernières années. A titre d’illustration, pour l’exercice 2017 qui vient de s’achever, dans un environnement particulièrement difficile, la DGI a collecté des recettes fiscales non pétrolières de 1 734 milliards de F contre un objectif de 1 719 milliards de F. L’administration fiscale de notre pays a ainsi réussi à dépasser les objectifs de collecte de recettes qui lui étaient assignés. C’est la traduction de la solidité de notre système fiscal. Pour l’avenir, il nous faudra, outre les acquis, continuer à explorer les nouvelles pistes d’élargissement de l’assiette fiscale, à améliorer le contrôle fiscal pour mieux lutter contre la fraude et à renforcer notre capacité à recouvrer les arriérés fiscaux. Mais par dessus tout, il faudra améliorer la qualité du service rendu à l’usager.
Comment se mettent en œuvre les nouvelles mesures en matière d'élargissement de l'assiette fiscale, sachant par exemple que pour le droit de timbre d’aéroport, ceux qui ont payé les billets avant 2018 se demandent si le surplus leur sera réclamé au moment du voyage cette année ?
Jusqu’en décembre 2014, le droit de timbre d’aéroport était payé avant embarquement dans les différents aéroports du Cameroun par les passagers. Ce mode de perception était source de longues files d’attente, de retards et de nombreux désagréments préjudiciables aux voyageurs et aux compagnies aériennes. Afin de simplifier le mécanisme de collecte de cette taxe et de sécuriser les recettes y afférentes, le législateur a, dans le cadre de la loi de finances 2015, confié aux compagnies de transport aérien la responsabilité de la collecte de cette taxe lors de l’achat du billet d’avion. Je crois que tous les acteurs de bonne foi ont été unanimes pour saluer la qualité de cette réforme. Pour 2018, la nouveauté porte sur le tarif du droit de timbre d’aéroport qui passe en effet à 25 000 F. Comme cela a été le cas par le passé pour des changements de cette nature, les autorités ont mis en place des mesures transitoires pour ne pas pénaliser ceux des voyageurs qui avaient déjà acquis leur titre de transport avant le 1er janvier 2018. Leurs billets sont utilisables sans coûts additionnels jusqu’à la fin du 1er trimestre 2018. C’est-à-dire que jusqu’au 31 mars 2018, est ouverte une période transitoire au cours de laquelle aucun paiement supplémentaire ne sera réclamé à un voyageur qui se trouverait dans ce cas de figure. Les équipes de la DGI ont eu des séances de travail avec les compagnies aériennes à la fin du mois de décembre pour le leur indiquer. C’est en outre le sens de la Circulaire du 15 janvier 2018 qui confirme le principe d’une période transitoire au cours de laquelle aucun voyageur ne devrait être pénalisé. A compter du 1er avril 2018 cependant, tout titre de transport sur les vols internationaux, quelle que soit sa date d’achat, devra justifier d’un droit de timbre d’aéroport au tarif en vigueur de 25 000 F. Comme vous les voyez, tout est mis en œuvre pour éviter les désagréments aux voyageurs.
A propos du paiement de la taxe foncière, compte tenu des désagréments enregistrés l’an dernier, comment améliorer la collecte cette année ?
La taxe sur la propriété foncière (TPF) a connu de nombreuses mutations ces dernières années. L’objectif recherché est de trouver la formule qui tout à la fois sécurise les recettes issues de cette taxe et simplifie la vie au redevable. A ce titre, d’une taxe dont l’initiative de paiement incombait entièrement au contribuable, nous sommes passés à un système de déclaration pré-remplie où l’administration offrait toutes les facilités de déclaration à domicile aux contribuables. De même, une amnistie a été concédée à tous les contribuables pour ce qui concerne les arriérés au titre de cette taxe. Par ailleurs, des facilités de paiement à travers le téléphone portable ont également été mises à la disposition des redevables. Toutes ces réformes ont conduit à une amélioration record à la fois du nombre de redevables et des montants collectés en matière de taxe foncière. La réflexion se poursuit pour continuer à améliorer l’efficacité de cette taxe ainsi que les modalités de son recouvrement car, dans les années à venir, elle sera en termes de ressources, le pivot de la décentralisation. Je rappelle, en effet, que le produit de cette taxe est entièrement dédié aux Collectivités territoriales décentralisées (CTD).
Quelle appréciation faites-vous de la collecte du droit de timbre automobile (vignette automobile) par les assureurs ?
Si comme le reconnaissent les spécialistes, la qualité d’un impôt s’apprécie à la maîtrise de son coût de collecte et donc à son rendement net ainsi qu’à la simplicité de son mode de paiement, la réforme du droit de timbre automobile (DTA) est assurément de ceux-là. Cette réforme a permis aux autorités de faire, à partir de 2017, des économies considérables sur les dépenses de commande et de gestion des figurines encore appelées vignettes qui faisaient par ailleurs l’objet de contrefaçons. Au delà de cette économie, les performances de cette taxe, collectée à hauteur de fcfa 8,2 milliards en seulement onze mois au titre de l’exercice 2017, ont largement dépassé les montants collectés sur des exercices pleins de douze mois, avant la réforme. Si on ajoute qu’en plus la réforme a induit une exonération complète des véhicules administratifs et donc un manque à gagner important, on saisit la portée positive de cette réforme pour laquelle les projections pour 2018, année de sa pleine application, sont de fcfa 9,5 milliards. Il n’est pas inutile non plus de rappeler le gain de temps réalisé par les automobilistes grâce à cette réforme qui combine le paiement de la prime d’assurance à celui de la vignette automobile. C’est l’occasion pour moi ici, au nom des autorités, de remercier les compagnies d’assurance qui, dans le cadre d’un partenariat constructif, comme nous souhaitons en bâtir avec le secteur privé, ont collaboré de façon satisfaisante à la réussite de cette réforme. Nous continuerons à travailler avec elles pour que les objectifs de celle-ci soient totalement atteints, à la satisfaction de toutes les parties.
Maintenant, l’autre défi de la DGI c’est au niveau de la sécurisation des recettes. Comment organisez-vous cela ?
La sécurisation des recettes est une préoccupation majeure de l’administration fiscale. Nous y travaillons en adressant tous les risques qui peuvent mettre en danger la sécurité de nos recettes. Qu’il s’agisse de l’enregistrement des contribuables qui sont désormais répertoriés sur le site web de la DGI mis à jour mensuellement ; qu’il s’agisse des déclarations des contribuables qui font l’objet de croisement avec les données de la douane et d’autres administrations grâce à l’outil FUSION ; qu’il s’agisse des paiements d’impôts et taxes pour lesquels les espèces sont dorénavant quasi-prohibées, je rappelle que 98% de nos recettes sont collectées par virement bancaire ; qu’il s’agisse du mode de collecte même des impôts dont l’approche moderne consiste à privilégier le recours aux redevables légaux, tout est mis en œuvre pour sécuriser les recettes l’Etat. L’avènement prochain d’un système d’information intégré de gestion des impôts et taxes viendra parachever nos efforts de sécurisation du dispositif actuel. S’il fallait résumer notre stratégie de sécurisation de recettes, ce serait « plus de coopération pour avoir l’information pertinente en matière fiscale et moins de contacts physiques entre les services et les contribuables pour limiter les mauvaises pratiques grâce à la dématérialisation des procédures. »
Sur l’amélioration du climat des affaires, que répondez-vous aux opérateurs économiques qui estiment que la pression fiscale est de plus en plus forte au Cameroun ?
La pression fiscale définit l’importance relative des prélèvements obligatoires dans l’économie nationale. Elle est une grandeur macroéconomique qui s’obtient en faisant un rapport entre le montant des prélèvements obligatoires et la richesse nationale. Sur cette base, à partir des données disponibles en la matière, on ne peut objectivement dire que le taux de pression fiscale est élevé au Cameroun. Tous les experts en fiscalité vous le confirmeront. Maintenant, est-il possible qu’une frange de la population fiscale supporte plus d’impôt qu’une autre ? Cela a toujours été le grand débat dans toutes les démocraties. Pour ce qui nous concerne, la question n’est nullement tabou de savoir est-ce que notre système d’imposition du revenu garantit une équité parfaite notamment dans la répartition de la charge fiscale entre les personnes morales et les personnes physiques, les taxes indirectes étant par principe indolores ? De même, on pourrait aussi interroger la pertinence des niches fiscales telles qu’elles existent dans notre système fiscal. Il y a assurément, au vu de tout cela, des progrès à l’horizon non pas pour dire que le taux de pression fiscale est élevé dans notre pays mais davantage pour explorer des pistes volontaristes d’élargissement de l’assiette qui, contrairement à ce que certains pensent ne signifie pas simplement aller rechercher les contribuables qui se cachent. L’élargissement de l’assiette fiscale au regard des acquis de notre fiscalité suppose une répartition équilibrée et plus vaste de la charge fiscale qui remette entre autres en question les privilèges fiscaux légalement consacrés. A titre d’illustration, les autorités ont depuis quelque temps amorcé un mouvement de décrue des taux d’imposition qui a touché l’impôt sur les sociétés, la taxe spéciale sur les revenus et les droits d’enregistrement. Toutefois, ce mouvement de décrue ne serait total que si le secteur privé acceptait de son côté de renoncer aux avantages fiscaux exorbitants qui amenuisent l’assiette fiscale. Mais ce qui est difficilement admissible dans un système fiscal qui se veut viable, c’est de combiner des taux faibles avec une assiette presque entièrement érodée. Au total, il y aurait lieu sur ce sujet de trouver un équilibre entre la préservation des nécessaires ressources pour la couverture des charges publiques qui se sont accrues ces dernières années à cause des contraintes évidentes auxquelles fait face l’Etat et l’accompagnement du secteur privé en termes d’incitations fiscales. Cela participe de la dynamique normale de tout système fiscal ; les autorités en décideront le moment venu.
Pour ce qui est de la fraude fiscale, quelle stratégie avez-vous mise en place pour combattre efficacement le problème au Cameroun ?
Pour faire le lien avec la question précédente, je dirais que la fraude fiscale peut être une autre explication de l’impression de pression fiscale que peut légitimement exposer la frange de la population fiscale conforme. Pour cette raison, il faut la combattre vigoureusement afin d’édifier un système fiscal toujours plus juste. Notre stratégie en matière de lutte contre la fraude est axée sur la coopération tant au plan interne qu’au plan international.
Au plan interne, la coopération accrue que l’administration fiscale développe depuis quelque temps avec sa consœur des douanes, entre autres, permet d’entrevoir des pistes intéressantes de lutte contre la fraude et de sa réduction drastique à moyen terme. De même au plan international, l’intense activité de notre administration dans le cadre des regroupements dédiés à la lutte contre ce phénomène et la détermination de nos autorités à cet égard sont manifestes. Je voudrais rappeler à ce titre la tenue récente à Yaoundé au mois de novembre 2017, sous le Très Haut Patronage du Président de la République, Son Excellence Paul Biya, de la 10e édition de la Conférence du Forum Mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, qui, dois-je le souligner, est le plus grand regroupement en matière fiscale au monde, pour traiter de ces questions. Cette conférence, organisée en coopération avec l’OCDE, a donné lieu à « l’Appel de Yaoundé » qui fera certainement date dans le mouvement mondial de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales.
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