Quitter son job pour devenir consultant : retour d'expériences

Par Muriel Jasor, entrepreneur.lesechos.fr, 07-10-1013

Vouloir faire d'une expertise un gagne-pain n'ouvre pas nécessairement les portes du consulting. Pour devenir consultant, l'expérience est un prérequis, la fibre entrepreneuriale une nécessité.

Devenir consultantC'est une deuxième partie de carrière et une efficace façon de valoriser une expertise. C'est aussi le rêve de beaucoup : quitter son job et développer son propre business dans un domaine que l'on maîtrise de bout en bout. Devenir consultant... L'idée est tentante pour nombre de quadras et quinquas désireux de recouvrer une forme de liberté. Pour certains, le fait déclencheur est un licenciement qui pousse à vite réintégrer le marché du travail. Pour beaucoup d'autres, c'est la concrétisation d'un projet longtemps mûri de changer de braquet pour dynamiser une carrière. Encore faut-il effectuer le virage au moment opportun, trouver un bon positionnement et savoir se vendre.

Dialogue et capacité d'adaptation

Problème : les aspirants consultants n'ont pas tous cette capacité à conseiller des dirigeants et à accompagner une entreprise dans ses besoins. « On peut être expert et très mauvais pédagogue », prévient Dominique Druon, du cabinet Aliath. Se limiter à valoriser ou vendre son talent (RH, ingénierie, finance, communication, etc.) ne suffit pas, le consultant doit pouvoir dialoguer avec des dirigeants et prendre suffisamment de recul pour façonner une solution ad hoc. Sans fibre entrepreneuriale et un relationnel de qualité, point de salut.

Nouvelle forme de liberté

Tous s'accordent pour le dire : la liberté est un bien inestimable qui compense largement l'incertitude et, dans un premier temps, de moindres revenus. « On est dans le registre de l'ivresse », confie Pascal Jouxtel, le fondateur de l'Internome, un cabinet de conseil en évolution culturelle des entreprises. « C'est aussi une façon de s'engager en faveur de valeurs en lesquelles on croit », poursuit le consultant « méméticien ». Comme lui, Pierre Tapie a franchi le pas. L'ancien dirigeant de l'Essec a démarré en septembre Paxter, son cabinet de conseil académique. « J'en suis à mon quatrième métier, après avoir été chercheur, directeur d'une école ingénieur et de l'Essec ces douze dernières années », relate-t-il.

D'autres rejoignent des structures existantes : des cabinets, ou bureaux d'études qui embauchent des profils seniors au compte-gouttes. Comme Philippe Vivien, ex-DRH du groupe Areva, recruté par Alixio. « Il y a aussi le cas spécifique des seniors advisors », avertit le président d'un cabinet de conseil français. Ce sont d'anciens dirigeants de grandes sociétés et autres personnalités médiatisées qui prodiguent des conseils... aux consultants et à leurs clients : Didier Quillot, ancien président du directoire de Lagardère Active chez Bain & Company ou encore Bernard Borigeau, ancien patron d'Axime, devenu « operating partner » auprès d'un fonds d'investissement. « Ils ouvrent des portes, coachent des dirigeants et/ou interviennent en mission », confie un familier du milieu. « ll arrive que certains, très connus, aient même des mandats secrets. » Ces expériences ne sont pas toutes couronnées de succès, loin s'en faut ; le milieu compte des échecs cuisants ou en demi-teinte pour ceux qui ont eu la sagesse de se limiter à du consulting... de transition.

Enfin, il y a aussi ces consultants qui s'affranchissent de grandes structures pour retrouver les coudées franches via la création de leur propre structure. Affranchis de la notoriété du « big four » EY, Frédéric Duponchel (Accuracy) et Pascal Raidron (Eight Advisory) ont dû gagner la confiance de leurs clients sur leur seule réputation et leur propre marque.

Fibre entrepreneuriale

Une activité sans routine et offrant une grande capacité d'action, des contacts de haut niveau, un travail intellectuel d'analyse constant susceptible, malgré la crise, de générer de très confortables revenus... « Le métier offre cette liberté d'action, de flexibilité et le commercial m'amuse », s'enthousiasme Dominique Druon. Pourtant, vendre des missions de conseil est un art difficile, sur fond de stress permanent et d'horaires chargés. Des contraintes que ne semble pas redouter Pierre Tapie : « Quand on a été doyen d'une "business school", on s'adonne à du démarchage commercial pour lever des fonds ou proposer une chaire. Je ne suis jamais resté dans ma tour d'ivoire, je sais convaincre », confie-t-il en pointant toutefois être passé de quatre secrétaires à l'Essec à zéro aujour- d'hui et d'un budget de 100 millions à 20.000 euros chez Paxter.

Décrocher des missions nécessite, en amont, un important déploiement d'énergie, qui induit une grosse dose de bouche-à-oreille, une présence dans les réseaux sociaux ainsi qu'à quantité de conférences, du marketing direct et l'adhésion à nombre de réseaux d'influence.

Changement de paradigme

Passer de l'univers de l'entreprise à celui du consulting, c'est aussi changer de mentalité et de façon de travailler. « Le conseil est une alchimie de tant d'éléments », rappelle Hervé Baculard, le président de Syntec Conseil en management. « Les seniors qui veulent capitaliser sur leur expérience pour continuer de s'épanouir dans leur engagement professionnel ne doivent pas oublier que le marché, hypercompétitif, ne les attend pas », prévient-il. Outre élaborer un « business plan » convaincant, savoir traduire des compétences en une offre différenciée et innovante est un atout inestimable.

« Cibler les clients et les traduire en mandats potentiels est une tâche ardue », alerte un ex-DRH, qui a connu un échec cuisant au sein d'un cabinet de chasse de têtes avant de retourner en entreprise. Autre nécessité : posséder l'art d'ajuster la tarification des prestations ; cela d'une façon acceptable par chaque partie prenante, sachant que le temps de rédaction de propositions commerciales ou d'édification d'un site Web ne génère pas de revenus directs. A tous les coups, l'heure de vérité finit par sonner : certains se découvrent indéniablement faits pour le métier, d'autres se tournent vers un autre genre d'activité, le management de transition par exemple.

 

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