Cinéma camerounais: d’où viendra la lumière ?
Par Yvette MBASSI, Cameroon Tribune
La 19e
édition du festival de cinéma Ecrans Noirs s’ouvre à Yaoundé le 18
juillet prochain. Véritable lieu de rencontres, de création
d’opportunités entre différents acteurs du monde cinématographique venus
d’horizons divers, cette grand-messe culturelle permet de jauger
les progrès réalisés dans le secteur du cinéma au Cameroun. Et aussi de débattre de ses problèmes. D’année en année, Basseck ba Kobhio, promoteur dudit festival, ne cesse de multiplier les films camerounais, de tous les formats, à l’affiche. De zéro à la première édition des Ecrans Noirs, ils étaient trente en 2008. Une augmentation qui traduit la volonté pour le comité d’organisation de permettre aux cinéastes camerounais de présenter leurs productions afin de se faire connaître, se remettre en question et de mieux s’outiller pour évoluer. Cette production traduit aussi la vitalité du secteur, même si pour nombre d’observateurs c’est une illusion. Tellement ce secteur est englué dans différentes difficultés, allant du matériel à la distribution, en passant par les finances et les ressources humaines.
Malgré
l’augmentation et la diversification de la production audiovisuelle, on
ne peut pas sérieusement parler d’une industrie du cinéma au Cameroun en
l’absence d’exploitation formelle. Au mois de janvier 2009, les trois
dernières salles de cinéma du Cameroun ont successivement fermé leurs
portes : l’Abbia à Yaoundé, le Wouri à Douala et l’Empire à Bafoussam.
Aujourd’hui, l’exploitation conventionnelle est en crise, pour ne pas
dire inexistante. L’annonce de la fermeture de l’ensemble du réseau en
moins d’une semaine avait suscité de nombreuses émotions et réactions
des réalisateurs, producteurs et comédiens, qui ont alors sollicité une
intervention de l’Etat et des collectivités territoriales. La ministre
des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna avait, par conséquent, déclaré
qu’elle « ferait tout ce qui est en son pouvoir pour remédier à la
situation ». Quelques années plus tard, le Centre culturel camerounais a
été réhabilité avec une salle de projection de 160 places assises,
extensibles au besoin. De même, une salle d’une capacité de 120 places,
baptisée Salle Sita Bella, a été mise en service au Minac.
Du
reste, le premier problème évoqué par les cinéastes est celui du manque
de moyens financiers. Alors que la crise économique perdure dans le pays
et que les ressources se font rares, les premiers à subir ses
contrecoups sont les industries culturelles. Elles représentent des
risques que très peu de personnes veulent bien prendre. Actuellement,
les principaux débouchés des films africains en général, et camerounais
particulier, sont les festivals et les télévisions en raison de la
disparition des salles. Les productions camerounaises ne trouvent pas de
rentabilité suffisante dans le circuit cinématographique classique, que
ce soit en Afrique ou à l’étranger. Dans ce contexte, les coproductions
Nord-Sud représentent le seul moyen de produire un long métrage de
cinéma dans des conditions professionnelles au Cameroun, selon les
acteurs du secteur. L’exemple du film « Les Saignantes » de Jean-Pierre
Bekolo (2007) est révélateur à cet égard. On assiste toutefois à une
profusion de productions avec l’avènement du numérique et la
multiplication des chaînes de télévisions privées. Une nouvelle
génération de cinéastes camerounais émerge avec notamment Joséphine
Ndagnou, dont le film « Paris à tout prix » a enregistré 70 000 entrées
en 2008. Il faut désormais compter sur des circuits alternatifs de
projection en numérique et les ventes de DVD et VCD pour rentabiliser la
production des films et faire face à l’invasion des productions de
Nollywood. À défaut d’une filière organisée, de nouvelles dynamiques
industrielles s’imposent au Cameroun.
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