Rolande Kammogne : la Voix de VoxAfrica
Elle est la gagnante des Trophées des Français de l’Étranger
organisés par lepetitjournal.com dans la catégorie « Anciens élèves des
lycées français ». Rencontre.
(lepetitjournal) La
fondatrice de VoxAfrica qu’est Rolande Kammogne (en Photo) fait partie des jeunes
leaders africains dont la voix porte. Décliner une opportunité à Wall
street pour « accepter
un stage à Killer films : une maison de production de films
indépendants » cela porte un nom : vocation. À la tête de VoxAfrica et
productrice exécutive de « The Voice Afrique Francophone », cette jeune
femme donne à l’Afrique les moyens de se penser, se réfléchir et ainsi,
écrire sa propre histoire. Dans un univers mondialisé où pourtant moult
contre-vérités relatives au continent perdurent ; par ses initiatives,
Rolande Kammogne « s’est donné pour mission de présenter cette
image plurielle et réelle du Continent » faisant de la télé, un média de
divertissement, d’édification et de construction du Moi et Surmoi
africains. What else ?
Pouvez-vous vous présenter ?
Je
m’appelle Rolande Kammogne, je suis la fondatrice de VoxAfrica,
productrice exécutive de « the Voice Afrique francophone » de la
télévision panafricaine VoxAfrica. J’ai 35 ans je suis de nationalité
camerounaise et américaine.
Pour
nombre de jeunes filles vous êtes un rôle model. Cela met-il une
pression supplémentaire sur vos épaules ou au contraire vous galvanise
t-il ?
Je
n’ai aucune pression parce que justement, le plus important c’est
d’être utile car lorsqu’on s’enferme dans un canevas, cela devient
difficile de s’y maintenir. Donc au quotidien, on essaie simplement de
faire ce qu’on aime et d’être utile à la société.
Vous
avez effectué une partie de votre scolarité au sein d’un établissement
français en Afrique. En ce sens, qu’est ce que l’école française vous a
apporté ?
L’école
française est une école qui m’a donné l’opportunité d’être dans un
environnement international depuis ma ville natale. J’ai
eu l’opportunité de fréquenter les enfants de différentes nationalités :
France, Espagne, Italie, et Afrique. Cette diversité culturelle est à
la base de ce que je suis devenue aujourd’hui.
J’ai écrit cette année-là une thèse pour un cours de "civilisation contemporaine" sur la nécessité de la création d`un média qui connecterait toutes les diasporas noires du monde
Pouvez-vous nous parler de votre cursus scolaire et professionnel ?
J’ai
étudié à l’Université de Columbia aux Etats-Unis où j’ai obtenu en 2004
mon diplôme d'ingénieur en mathématiques, statistiques et systèmes de
gestion. J’ai écrit cette année-là une thèse pour un cours de
"civilisation contemporaine" sur la nécessité de la création d`un média
qui connecterait toutes les diasporas noires du monde. Cette thèse a été
publiée dans le journal de l`Université.
Par
la suite, j’ai dû écarter une offre d’emploi à Wall Street pour
accepter un stage à Killer films : une maison de production de films
indépendants.
En
2006, j’ai rejoint une équipe d`analystes afin de préparer le business
plan pour la création d`une télévision panafricaine et en septembre
2007, j’ai accepté de m`installer à Londres afin de réaliser le projet
VoxAfrica.
Quelles sont la philosophie et la vision de cette télé ? Son ambition ?
10
ans en arrière, l’image de l’Afrique que les medias présentaient était
figée. Il fallait donc présenter une image authentique de l’Afrique.
VoxAfrica s’est donné pour mission de présenter cette image plurielle
et réelle du Continent. Notre ambition demeure la même depuis 10 ans,
celle de devenir la référence africaine en termes de news et de
divertissements.
Élue en Angleterre 3 années successives « Meilleure Chaîne de Télévision Africaine au Royaume-Uni »
Sous votre houlette, aujourd’hui et chiffres à l’appui, peut-on dire qu’elle est une success story ?
Oui,
VoxAfrica est une success story. Nous l’avons débuté en couvrant la CAN
2008 au Ghana. C’était notre premier signal et nous étions sur
internet. Aujourd’hui nous sommes sur 4 continents avec 3 signaux
différents, soit :
- Afrique francophone,
- Diaspora francophone
- Afrique anglophone et la diaspora anglophone.
Élue
en Angleterre 3 années successives Meilleure Chaîne de Télévision
Africaine au Royaume-Uni, nous gagnons du terrain et je pense qu’en
Afrique francophone, nous faisons partie des chaînes importantes dont
l’opinion compte. J’ai conscience que le challenge est énorme mais nous
sommes sur le bon chemin et nous travaillons pour atteindre nos
objectifs.
Au
tout début, avez-vous accepté ce poste - Directrice de VoxAfrica -
comme un challenge à relever ? Avez-vous eu des moments de doute,
d’appréhension ?
A
l’époque, c’était moins un challenge personnel mais plutôt une
mission. Celle d’offrir non seulement une plateforme d’expression aux
africains mais surtout une voix pour l’Afrique. Il y a certes des
moments de doute mais nous gardons les yeux fixés sur nos objectifs car
nous croyons profondément en l’avenir du continent.
Quelles sont les personnes qui ont pensé et mis VoxAfrica en place?
VoxAfrica
est née par le canal de plusieurs africains de divers pays qui ont
voulu offrir à l’Afrique une voix et certaines de ces personnes y sont
actionnaires.
Que représente la télévision pour vous ? Un médium d’éducation ou de divertissement ?
Pour moi, la télévision est à la fois un médium d’éducation et de divertissement.
Les
populations africaines sont de grandes consommatrices de programmes
télévisuels. Pensez-vous qu’avec des programmes appropriés, il est
possible de redonner du sens, raviver des valeurs, la conscience de
soi, la fierté de soi, à des populations qui pour la plupart ont
tendance à copier l’occident et les USA dans quasi tous les domaines y
compris dans leurs pires dérives ?
Je
ne sais pas si les Africains copient les USA et l’occident dans quasi
tous les domaines. La colonisation a une influence culturelle et
naturelle certes, mais en ce moment, nous sommes à un siècle de la
mondialisation et, il est essentiel que les medias africains existent
pour raconter le quotidien des Africains avec des regards africains,
pour donner des héros et modèles africains à la jeunesse du monde.
…nous sommes la seule région à obtenir des droits pour 17 pays. De manière générale, les droits sont cédés pour un seul pays
Comment avez-vous obtenu les droits de the Voice ?
C’était
au festival de Cannes. Nous avons pris des contacts avec le
propriétaire de droits et il y avait quelques personnes qui les avaient
abordées au préalable et même pendant qu’on discutait. La différence
s’est faite parce que nous avons essayé de faire comprendre au
propriétaire notre message car « The Voice » est un phénomène planétaire
mais l’idée est que chaque pays puisse se l’approprier et donner l’âme
qui est la sienne à ce show. Nous leur avons fait des propositions très
concrètes et ils ont compris que nous voulions réellement
« africaniser » le show, le faire à la sauce africaine. Je précise
également que nous sommes la seule région à obtenir des droits pour 17
pays. De manière générale, les droits sont cédés pour un seul pays. Nous
leur avons expliqué que le modèle serait très difficile si on
n’incluait pas une grande partie des pays d’Afrique Francophone.
Le marché des médias africains a-t-il des spécificités propres ? Quels en sont les atouts et inconvénients ?
Je
parle pour l’Afrique francophone. Donc pour moi, l’atout, c’est qu’il y
a du potentiel et l’inconvénient, c’est qu’il est en pleine
structuration.
Est-il
aisé de trouver des sources de financement pour des émissions de grande
envergure ? Puis, surtout, avoir un suivi dans les partenariats noués ?
Le
combat réellement difficile est celui du financement d’une telle
production parce que comme vous le savez, elle coûte très chère.
Aujourd’hui encore, nous sommes des pionniers parce que je crois que les
sponsors, les annonceurs ne sont pas encore habitués à dépenser
beaucoup d’argent pour des shows de télé et je comprends ; avec la
conjoncture économique que ce n’est pas évident pour une région comme la
nôtre de se lancer dans une aventure comme The Voice. Mais, nous
restons confiants dans le potentiel du continent.
Pensez-vous
que les gouvernements africains aient pris la pleine mesure de
l’importance de la Culture dans leurs sociétés ? Comment celle-ci peut
galvaniser toute une population et la porter vers le haut, le noble et
une véritable croissance ?
Je
pense les gouvernements africains font du mieux qu’ils peuvent même si
de manière générale, nous attendons beaucoup plus d’eux.
Les
sociétés africaines demeurent profondément machistes. Être une femme,
jolie de surcroit, ne vous a-t-il pas posé de problèmes avec et la gent
masculine et les autres femmes ?
Rires.
Le problème Weinstein n’est pas un problème unique à Hollywood car
certaines personnes abusent de leur pouvoir, mais maintenant, au
quotidien, on évite de se retrouver dans des situations potentiellement
compromettantes et on se concentre sur l’essentiel même si ce n’est pas
toujours évident.
Sans
compter les problèmes avec les personnes plus âgées que vous, sur ce
continent où la compétence est souvent corrélée aux cheveux blancs, même
si les « digital native » et ceux de la génération d’avant viennent
chahuter cette hiérarchie multi-séculaire .
Oui,
c’est un challenge comme les autres parce qu’il faut se battre pour
montrer de quoi est capable la jeunesse africaine et la représenter au
mieux.
cette année, nous avons décidé de nous focaliser sur des histoires humaines, sur des profils que je dirais « anodins »
Des innovations dans la seconde édition de The Voice ?
Cette
saison, nous avons essayé de faire les choses différemment, notamment
au niveau de la réalisation. En effet, les coachs ne se retourneront pas
pour les talents qui n’auront pas été choisis. Nous avons voulu tester
cela cette année. Par ailleurs, nous avons été beaucoup ‘’critiqués’’
pour avoir pris beaucoup de stars et un peu moins d’amateurs. Ainsi,
cette année, nous avons décidé de nous focaliser sur des histoires
humaines, sur des profils que je dirais « anodins » des personnes qui
n’ont pas forcement l’habitude de la scène.
Si
la première année, nous avons révélé à l’Afrique son potentiel de
stars, cette année, nous allons fabriquer des stars et on pourra voir,
au fur-et-à-mesure, ce que ces jeunes talents qui arrivent en n’ayant
jamais fait de scène, deviennent à la fin de la saison.
Concernant VoxAfrica ?
Nous
accroîtrons notre présence dans tous les différents pays africains que
nous couvrons, à travers la production de programmes spécifiques sur le
terrain.
Que peut-on vous souhaiter ?
La persévérance dans mes actions.
Que vous souhaitez vous ?
(Rires). La paix
Quelle est la plus importante leçon que la vie vous a enseignée ?
La vie est un cadeau qui se renouvelle chaque jour donc il faut en profiter.
Moment de vie préféré (hier, aujourd’hui ou demain) : Quand je suis en famille.
Par Irène Idrisse
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