Les Etats membres de l'OHADA - Une avancée importante dans la promotion de l'arbitrage et de la médiation.
Les 23 et 24 novembre 2017, le conseil des ministres de l'Organisation pour
l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a adopté trois
nouveaux textes relatifs à l'arbitrage et la médiation : l'Acte uniforme
relatif à l'arbitrage (Acte uniforme), l'Acte uniforme relatif à la médiation
et le règlement d'arbitrage révisé de la Cour commune de justice et
d'arbitrage de l'OHADA (CCJA).
L'OHADA a adopté en 1999, l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage
en vue de
venir combler l'écart existant entre les différentes législations applicables
à l'arbitrage dans les dix-sept Etats membres d'Afrique de l'Ouest et du
Centre (1), tout en essayant de promouvoir un cadre
juridique efficace pour l'arbitrage. En effet, l'Acte uniforme est applicable
dès lors que le siège de l'arbitrage est situé dans un des Etats membres (2). Le traité OHADA prévoit également la
possibilité de mettre en œuvre l'arbitrage selon le règlement de la CCJA
(3).
Toutefois, l'Acte uniforme ainsi que règlement de la CCJA présentaient de
nombreuses carences, que ce soit dans leur rôle d'harmonisation des lois et
procédures que dans celui de la promotion de l'arbitrage.
D'après le site internet officiel de l'OHADA, les textes relatifs à
l'arbitrage « tendent à renforcer la transparence, la célérité
et l'efficacité des procédures arbitrales dans l'espace OHADA, mais également
à améliorer l'attractivité du centre d'arbitrage de la CCJA »
afin de renforcer « la confiance des investisseurs locaux et
étrangers, et d'améliorer significativement le climat des affaires dans
l'espace OHADA ». (4)
Le règlement révisé de la CCJA ainsi que l'Acte uniforme contiennent de
nombreuses dispositions innovantes qui tendent à rendre l'arbitrage dans la
zone OHADA plus attractif mais également de faire reconnaître la CCJA comme un
centre d'arbitrage plus attractif dans la région.
Le nouvel Acte uniforme, le règlement de la CCJA ainsi que l'Acte uniforme
relatif à la médiation ont été publiés au Journal officiel de l'OHADA le 15
décembre 2017 et entreront en vigueur le 15 mars 2018.
Un champ d'application étendu
Le champ d'application de l'Acte uniforme a été étendu de deux manières.
D'une part, les Etats, les collectivités territoriales, les établissements
publics et toute autre personne morale de droit public peuvent désormais être
parties à un arbitrage. D'autre part, l'Acte uniforme et le règlement CCJA
précisent que l'arbitrage peut être fondé sur une convention d'arbitrage ou un
instrument relatif aux investissements, notamment un code des investissements
ou un traité bilatéral ou multilatéral d'investissement. Ces dispositions sont
compréhensibles dans la mesure où de nombreux Etats membres de l'OHADA sont
parties à des procédures d'arbitrage avec des personnes privées. (5)
Ces deux textes indiquent clairement que l'arbitrage pourrait être initié
sur la base d'une clause d'arbitrage ou d'un instrument relatif aux
investissements tel qu'un code d'investissement, un traité bilatéral ou
multilatéral d'investissements. Cependant, il reste à voir dans la pratique
comment le centre d'arbitrage de la CCJA va promouvoir l'arbitrage
d'investissement dans la région, et prendre des mesures pour gérer ces
procédures d'arbitrage, qui aujourd'hui, sont principalement traitées à
l'étranger.
Augmenter les pouvoirs et l'autonomie du tribunal
arbitral
Une autre modification qui viendra effectivement promouvoir l'arbitrage
dans la zone OHADA, tout en maintenant l'objectif d'harmonisation, réside dans
l'octroi au tribunal arbitral de pouvoirs similaires à ceux qu'on retrouve
dans des législations modernes en matière d'arbitrage.
C'est notamment le cas du pouvoir de nommer des experts (6) et d'accorder des mesures provisoires et
conservatoires à la requête d'une partie.
De plus, les requêtes relatives aux mesures provisoires et conservatoires
peuvent également être portées devant les juges nationaux particulièrement en
cas d'urgence. (7)
Toutefois, les saisies conservatoires et les sûretés judiciaires sont
exclues de la compétence des arbitres. En effet, cette exclusion s'explique
par le fait que ces mesures nécessitent l'usage de pouvoirs coercitifs,
pouvoirs qui relèvent impérativement des juges étatiques, en raison de
considérations d'ordre public. Par conséquent, ces mesures ne peuvent pas
relever de la compétence du tribunal arbitral. (8)
Une procédure accélérée
Le nouvel Acte uniforme impose désormais un délai de trois mois aux juges
nationaux pour statuer sur les recours en annulation des sentences arbitrales,
à défaut de statuer dans ce délai, la juridiction est dessaisie et le recours
pourra être porté par l'une des parties devant la CCJA dans un délai de quinze
jours. (9)
La CCJA quant à elle devra rendre sa décision statuant sur les recours en
annulation dans une période de six mois. (10) Les motifs pour demander l'annulation
de la sentence arbitrale sont les mêmes dans les deux textes. Le
raccourcissement des délais pour statuer sur les recours en annulation tend à
régler un problème récurrent. En effet, les procédures de recours en
annulation ont la réputation d'être longues dans l'espace OHADA.
Or, dès lors que l'arbitre ne prononce pas l'exécution provisoire de sa
sentence arbitrale, les parties peuvent utiliser le recours en annulation pour
initier des pratiques dilatoires dans le but de ne pas exécuter la sentence
arbitrale. Toutefois, imposer un délai de six mois à la CCJA pour se prononcer
sur les recours en annulation semble être ambitieux. Il faut espérer qu'aussi
bien les juges étatiques que la CCJA seront en mesure de tenir leurs
calendriers.
Par ailleurs, il est important également de noter que les délais
d'introduction du recours en annulation sont différents dans l'Acte uniforme
et le règlement de la CCJA. En effet, l'Acte uniforme prévoit que le recours
en annulation devra être introduit dans le mois qui suit la signification de
la sentence arbitrale, tandis que le règlement de la CCJA impose quant à lui
un délai de deux mois à compter de cette date.
En outre, le règlement de la CCJA et l'Acte uniforme permettent désormais à
toute partie de renoncer expressément à exercer un recours en annulation
contre les sentences arbitrales, à condition que cette renonciation ne soit
pas contraire à l'ordre public international. Or, la notion d'ordre public
international varie d'un pays à l'autre, et reste un des motifs les plus
utilisés par les parties pour refuser d'exécuter les sentences arbitrales.
Concernant les requêtes en exécution des sentences arbitrales (Exequatur),
les deux textes imposent un délai de quinze jours aux juges étatiques et à la
CCJA pour l'accorder ou le refuser. Désormais l'exequatur sera réputé accordé
si aucune décision n'est rendue durant cette période de quinze jours (11). En outre, l'exequatur accordé par la
CCJA rend la sentence exécutoire dans tous les Etats membres.
Dès lors qu'une sentence arbitrale est rendue sous l'égide de l'Acte
uniforme, une décision octroyant l'Exequatur doit être rendue par l'autorité
compétente de l'Etat partie avant de rendre la sentence exécutoire. Toutefois,
le manque de cohérence entre les procédures des différents Etats membres
pourrait demeurer un problème important rendant l'exécution des sentences
difficile.
Le règlement CCJA prévoit que dès lors qu'une sentence est rendue sous
l'égide des règles de la CCJA, l'exequatur, permet que la sentence arbitrale
soit exécutoire dans les dix-sept Etats membres. Ce système d'exequatur propre
à la CCJA est une solution pour exécuter plus rapidement les sentences et
permet de régler le sort des Etats membres qui ne sont pas parties à la
Convention de New York.
Au niveau local, il sera important de voir comment les juridictions
étatiques vont permettre une exécution efficace des sentences arbitrales qui
ont fait l'objet d'un exequatur par la CCJA sans causer de troubles
additionnels aux parties qui cherchent à faire exécuter leurs sentences
arbitrales.
Il est important de noter que le délai de quinze jours pour octroyer ou
refuser l'exequatur vient harmoniser les différentes législations en matière
d'arbitrage des Etats membres. Ce raccourcissement des délais tend à faciliter
l'efficacité et la rapidité en matière d'exécution des sentences arbitrales et
contribuera certainement au succès de l'arbitrage comme mode de résolution des
différends. Toutefois, il faut aussi espérer que ce court délai de quinze
jours empêchera le débiteur d'organiser son insolvabilité.
Des dispositions relatives au mécanisme
« Med-Arb ou Arb-Med »
Comme discuté dans un article précédent, le mécanisme
« Med-Arb » offre une certaine flexibilité aux
parties de recourir à la médiation prioritairement au début de la procédure
d'arbitrage (12). La procédure arbitrale sera mise en
place seulement à condition que la médiation échoue.
L'introduction explicite d'un tel mécanisme peut rendre le règlement des
différends plus efficace. (13) De plus, l'Acte uniforme et le
règlement de la CCJA prévoient clairement la possibilité pour les arbitres
d'émettre des sentences d'accord-partie, qui seront exécutoires en tant que
sentences arbitrales ordinaires (14).
Renforcer les sentences arbitrales
Le règlement de la CCJA prévoit désormais que toute sentence arbitrale
devra être motivée (15). En effet, les arbitres ont désormais
l'obligation de motiver leurs sentences arbitrales, le défaut de motivation
est désormais un motif pour introduire un recours en annulation de la sentence
arbitrale.
La CCJA a également le pouvoir d'examiner préalablement les sentences
arbitrales. Ce pouvoir est proche de celui de la Chambre de commerce
internationale (CCI).
La CCJA ne pourra que faire des modifications de pure forme de la sentence,
attirer l'attention du tribunal arbitral sur des demandes sur lesquelles il
n'a pas répondu, ou sur des mentions obligatoires manquantes dans le projet de
sentence. Cependant, la Cour ne pourra pas suggérer une solution au litige. (16)
L'introduction de la médiation dans l'espace
OHADA
L'Acte uniforme relatif à la médiation est directement applicable dans tous
les Etats membres dès lors qu'une procédure de médiation sera initiée après
son entrée en vigueur, peu importe la date à laquelle la convention de
médiation a été signée.
La médiation ad hoc comme la médiation conventionnelle sont couvertes par
les dispositions de l'Acte uniforme, indépendamment de la partie qui décide de
la médiation, qui peut être un juge, un tribunal arbitral, une autorité
compétente ou les parties elles-mêmes. (17)
L'article 1 définit la médiation conventionnelle (initiée par les parties
elles-mêmes) et la médiation judiciaire (initiée par le juge avec l'accord
préalable des parties), et l'article 2 prévoit que : « le
présent acte uniforme ne s'applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un
arbitre, pendant une instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliter un
règlement amiable directement avec les parties ». Ces deux
articles peuvent sembler contradictoires et risquent de générer des
discussions. Par conséquent, nous espérons qu'une clarification sera apportée
par la CCJA quant à ces deux articles.
En bref, cette réforme permet de soutenir que l'Acte uniforme et le
règlement de la CCJA pourraient fortement contribuer à fortifier et encourager
l'arbitrage dans l'espace OHADA, tout en permettant à ces textes de devenir
une « loi qui marque une étape clé dans le processus de création
d'une véritable loi africaine en matière d'arbitrage, sans s'écarter des
principes largement reconnus dans la pratique moderne de
l'arbitrage ». (18)
Au cours de ces dernières années, l'Afrique est devenue de plus en plus
importante en matière de développement des affaires internationales. Ces
textes vont certainement contribuer à accroître l'attractivité de l'espace
OHADA.
Dans le même temps, les procédures et centres d'arbitrage ne peuvent être
efficaces que s'ils sont soutenus par des moyens adéquats et des ressources
humaines adaptées, c'est donc une condition sine qua non pour le succès
du mécanisme d'arbitrage dans l'espace OHADA.
Benoit Le Bars,
Associé-fondateur de Lazareff Le Bars
Associé-fondateur de Lazareff Le Bars
1)
Benin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Tchad, Comores, Côte d'Ivoire,
République Démocratique du Congo, Guinée-Equatoriale, Gabon, Guinée,
Guinée-Bissau, Mali, Niger, République du Congo, Togo, Sénégal
2)
Article 1, Acte uniforme 2017
3)
Article 1.1, règlement d'arbitrage de la CCJA 2017
4)
Voir, http://www.ohada.org/index. php/fr/actualite/dernieres- nouvelles/2293-mise-en-ligne- des-nouveaux-textes-ohada-sur- l-arbitrage-et-la-mediation
5)
Articles 2 et 3, Acte uniforme 2017 ; Article 2.1 § 2, règlement CCJA
2017
6)
Article 19-2, règlement CCJA 2017 ; Article 14 § 1 Acte uniforme 2017
7)
Article 10-1 règlement CCJA 2017
8)
Article 14 Acte uniforme 2017
9)
Article 27 Acte uniforme 2017
10)
Article 29.4 règlement CCJA 2017
11)
Article 30.2 règlement de la CCJA 2017 ; Article 31 § 5 Acte uniforme
2017
12)
Voir, http:// internationalarbitrationlaw. com/blog/med-arb-and-arb-med- arb-as-means-for-the- resolution-of-commercial- disputes
13)
Article 8-1 Acte uniforme 2017
14)
Article 20 règlement CCJA 2017 ; Article 19 Acte uniforme 2017
15)
Article 22.1 règlement CCJA 2017
16)
Article 23 règlement CCJA 2017
17)
Article 1 Acte uniforme relatif à la médiation 2017
18)
Voir, Francis Ulrich Ndinga-Yocka, The features of the arbitration proceedings
under the OHADA Uniform Act on arbitration law, Global Scholars Journal of Law
and Conflict Resolution, 2014, Vol.1, p.1, Available at : http://www. globalscholarsjournals.org/ LCR/pdf/2014/december/Francis% 20Ulrich%20.pdf
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