L'Inde ou la force de l'entrepreneuriat résilient -
La Banque mondiale prévoit un taux de croissance de 6,2 % (en baisse) en
2014 pour l'Inde. Malgré l'incertitude à court terme liée aux
prochaines élections législatives de mai, le pays du micro crédit
devrait, d'après la banque Goldman Sachs, continuer à voir son taux de
croissance progresser de 3 à 5 % par an jusqu'en 2050, dominant
l'économie mondiale avec la Chine pour les 40 ans à venir. Quels sont
les secteurs d'activité en croissance en Inde, où se situent
l'innovation et les startups dans ce grand pays ? Quelles sont les
forces de l'Inde du point de vue entrepreneurial ?
Un écosystème numérique porté par des incubateurs performants
C'est à Bangalore, capitale de l'Etat du Karnataka au sud de l'Inde, qu'a commencé l'aventure du numérique en Inde dans les années 70, portée par des entreprises américaines attirées par une main d'œuvre qualifiée et bon marché. Aujourd'hui, le « Silicon plateau » ou « Silicon valley indienne » est le quatrième centre technologique du monde[1], il participe à hauteur de 36 % aux exportations de logiciels du pays. Des entreprises françaises sont présentes (dans l'informatique, l'aéronautique, le transport, le traitement de l'eau ou des infrastructures urbaines…) aux cotés des géants (Google, Microsoft, Yahoo, Amazon, Dell, HP, IBM…). Des universités prestigieuses (au premier rang desquelles se trouve l'Institute of Management and Entrepreneurship), environ 500 startups et de nombreux incubateurs d'entreprises aident ces dernières à faire leurs premiers pas.
Dans l'Etat du Kérala au sud-ouest de l'Inde, le numérique grandit dans la ville de Kochi où se trouve le Startup Village, un centre d'incubation technologique ouvert en mars 2012 qui ambitionne d'aider 1 000 startups dans les 10 prochaines années. Plus au sud, dans la capitale Thiruvananthapuram se trouve le Technopark Technology Business Incubator (T-TBI) qui a été élu en 2011 meilleur incubateur d'entreprises de logiciels au monde[2].
Sur le plan national, on compte près de 100 centres d'incubation, souvent adossés à des business schools, qui bénéficient du soutien de l'Indian STEP and Business Incubator Association (ISBA), l'organisme représentatif des incubateurs d'entreprises indiens.
L'écosystème numérique indien est donc particulièrement dynamique et le savoir-faire de ses entrepreneurs très apprécié, notamment aux Etats-Unis qui voient aujourd'hui Satya Nadella, d'origine indienne, accéder à la direction générale du géant de la high-tech Microsoft, après y être entré en tant qu'ingénieur en 1992. Cette nomination n'est pas anecdotique. En effet, selon AnnaLee Saxenian, de l'université de Berkeley en Californie, 7 % des startups de la Silicon valley ont été fondées par des Indiens entre 1980 et 1998 tandis qu'aujourd'hui, plus du tiers des entreprises y possèdent au moins un dirigeant originaire du sous-continent. Parallèlement, certains Américains d'origine indienne font le chemin inverse de leurs parents et créent leur société en Inde (cf « Entreprendre demain en Inde »).
Les grandes tendances du numérique en Inde
Le Cloud computing et le Big data, l'éducation, la santé, le mobile et les médias sociaux font partie des grandes tendances du moment en Inde tandis que celles de demain seraient le commerce en ligne et, toujours, les réseaux sociaux selon l'agence de marketing indienne Ignitee. C'est visiblement aussi le sentiment de Facebook qui voit dans l'Inde son relais de croissance pour les 5 prochaines années : alors qu'il commence à lasser au Nord, près de 70 % des internautes indiens sont enregistrés sur ce réseau (soit environ 80 millions d'utilisateurs d'après Ignetee). Le succès des réseaux sociaux réside notamment dans l'explosion du téléphone portable, qui est le principal moyen d'accès à Internet pour les Indiens.
Des infrastructures énergétiques peu fiables, une pollution record : c'est là qu'interviennent les green startups !
Plus qu'ailleurs, les questions du business et de l'environnement s'entrechoquent. La croissance de l'économie, notamment numérique, au sein de villes très peuplées fait exploser les besoins électriques dans un contexte de rareté énergétique.
L'Inde encourage donc les entreprises qui investissent dans les énergies renouvelables par des aides publiques et prévoit que d'ici 2020, 1,4 million de professionnels travailleront dans ce domaine. A côté des grandes entreprises nationales et internationales (comme EDF qui développe au sein d'une co-entreprise des infrastructures solaires), des centaines de petites entreprises transforment la contrainte environnementale en opportunité d'affaires (qui a souvent une forte résonnance sociale). A commencer par Greenway Grameen, qui produit depuis 2 ans près de Bombay des réchauds écologiques qui ne dégagent pas de gaz toxique. Greenway développe actuellement un nouveau modèle qui générera de l'électricité pour recharger son portable par exemple.
Autre startup verte, Green Light Planet, commercialise des lampes à énergie solaire depuis 2007 dans le cadre d'un gigantesque marché potentiel : actuellement, le réseau électrique n'est pas fiable pour 500 millions d'Indiens, qui s'éclairent pour la plupart avec des lampes à kérosène. Installée à Bombay, la société vend ses produits jusqu'en Afrique de l'Est.
STEPS (Sustainable Technologies and Environmental Projets), petite société de 24 personnes installée en banlieue de Bombay, transforme les sacs plastiques, le caoutchouc et les déchets organiques en carburant sans produire de déchet supplémentaire grâce à un procédé breveté. Les commandes affluent du monde entier (Italie, Turquie, Pays-Bas, Tunisie, Slovénie). 7 ans ont été nécessaires pour développer ce projet. « En Inde, les coûts de développement sont très limités par rapport à d'autres pays, c'est pour cela que notre pays représente un terreau aussi fertile pour ce genre d'innovations », analyse le créateur de STEPS.
Ces entrepreneurs pratiquent une forme d'innovation frugale, pratiquée par de nombreux pays en développement, que l'on appelle le « jugaad » (terme hindi signifiant « une solution ingénieuse et originale, fruit d'une improvisation astucieuse ») ! Et cette forme d'innovation n'est pas l'apanage des entrepreneurs des grandes villes.
Dans son village reculé de l'Etat du Gujarat, Mansukh Prajapati, a ainsi conçu MittiCool, un réfrigérateur en argile, entièrement biodégradable, fonctionnant sans électricité et permettant de conserver des produits frais pendant plusieurs jours. Son invention est vendue dans toute l'Inde, et au-delà.
L'entrepreneuriat, une chance pour les Intouchables
Au niveau social, les défis de l'Inde, marquée par la malnutrition et des inégalités persistantes, restent immenses. Parmi les 170 millions d'Indiens intouchables, beaucoup vivent encore en marge de la société, surtout dans les milieux ruraux. Mais la libéralisation de l'économie (qui supprime leurs emplois traditionnels dégradants) donne une chance aux dalits de s'enrichir, notamment grâce à l'entrepreneuriat, malgré l'absence de relations et de réseau d'affaires. Un petit nombre d'entre eux sont devenus de riches hommes (et femmes) d'affaires.
Par ailleurs, le gouvernement a adopté en 2011 une mesure ouvrant les marchés publics aux PME indiennes : 20 % des achats doivent être réalisés auprès de ces PME et sur ces 20 %, 4 % reviennent aux entreprises appartenant aux « Scheduled Tribes », c'est-à-dire les membres des anciennes tribus du pays.
Quelles inspirations pour la France et l'Europe ?
D'après Navi Radjou, Français d'origine indienne, consultant à la Silicon valley et auteur du livre « L'innovation jugaad : redevenons ingénieux ! », les sociétés européennes doivent adopter l'innovation frugale pour préserver leur prospérité et produire plus de valeur pour les citoyens dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Des résistances, notamment dans le domaine pharmaceutique, ont déjà commencé à s'exprimer.
Il recommande aux chefs d'entreprises de se rapprocher des autres entreprises, des universités, startups, associations et décideurs, et de repenser les modèles d'innovation et d'opter pour des dispositifs d'innovation locaux : « au lieu de s'appuyer sur des projets de recherche & développement onéreux, sur des structures de décision pyramidales et des procédures rigides ». Il imagine des ingénieurs de grandes écoles capables de « faire plus avec moins » et des « studios de création » installés sur l'ensemble du territoire où de jeunes entrepreneurs concoctent avec les collectivités locales des solutions locales venues « de la base ». Bref, il propose ni plus ni moins qu'une révolution !>>>
Un écosystème numérique porté par des incubateurs performants
C'est à Bangalore, capitale de l'Etat du Karnataka au sud de l'Inde, qu'a commencé l'aventure du numérique en Inde dans les années 70, portée par des entreprises américaines attirées par une main d'œuvre qualifiée et bon marché. Aujourd'hui, le « Silicon plateau » ou « Silicon valley indienne » est le quatrième centre technologique du monde[1], il participe à hauteur de 36 % aux exportations de logiciels du pays. Des entreprises françaises sont présentes (dans l'informatique, l'aéronautique, le transport, le traitement de l'eau ou des infrastructures urbaines…) aux cotés des géants (Google, Microsoft, Yahoo, Amazon, Dell, HP, IBM…). Des universités prestigieuses (au premier rang desquelles se trouve l'Institute of Management and Entrepreneurship), environ 500 startups et de nombreux incubateurs d'entreprises aident ces dernières à faire leurs premiers pas.
Dans l'Etat du Kérala au sud-ouest de l'Inde, le numérique grandit dans la ville de Kochi où se trouve le Startup Village, un centre d'incubation technologique ouvert en mars 2012 qui ambitionne d'aider 1 000 startups dans les 10 prochaines années. Plus au sud, dans la capitale Thiruvananthapuram se trouve le Technopark Technology Business Incubator (T-TBI) qui a été élu en 2011 meilleur incubateur d'entreprises de logiciels au monde[2].
Sur le plan national, on compte près de 100 centres d'incubation, souvent adossés à des business schools, qui bénéficient du soutien de l'Indian STEP and Business Incubator Association (ISBA), l'organisme représentatif des incubateurs d'entreprises indiens.
L'écosystème numérique indien est donc particulièrement dynamique et le savoir-faire de ses entrepreneurs très apprécié, notamment aux Etats-Unis qui voient aujourd'hui Satya Nadella, d'origine indienne, accéder à la direction générale du géant de la high-tech Microsoft, après y être entré en tant qu'ingénieur en 1992. Cette nomination n'est pas anecdotique. En effet, selon AnnaLee Saxenian, de l'université de Berkeley en Californie, 7 % des startups de la Silicon valley ont été fondées par des Indiens entre 1980 et 1998 tandis qu'aujourd'hui, plus du tiers des entreprises y possèdent au moins un dirigeant originaire du sous-continent. Parallèlement, certains Américains d'origine indienne font le chemin inverse de leurs parents et créent leur société en Inde (cf « Entreprendre demain en Inde »).
Les grandes tendances du numérique en Inde
Le Cloud computing et le Big data, l'éducation, la santé, le mobile et les médias sociaux font partie des grandes tendances du moment en Inde tandis que celles de demain seraient le commerce en ligne et, toujours, les réseaux sociaux selon l'agence de marketing indienne Ignitee. C'est visiblement aussi le sentiment de Facebook qui voit dans l'Inde son relais de croissance pour les 5 prochaines années : alors qu'il commence à lasser au Nord, près de 70 % des internautes indiens sont enregistrés sur ce réseau (soit environ 80 millions d'utilisateurs d'après Ignetee). Le succès des réseaux sociaux réside notamment dans l'explosion du téléphone portable, qui est le principal moyen d'accès à Internet pour les Indiens.
Des infrastructures énergétiques peu fiables, une pollution record : c'est là qu'interviennent les green startups !
Plus qu'ailleurs, les questions du business et de l'environnement s'entrechoquent. La croissance de l'économie, notamment numérique, au sein de villes très peuplées fait exploser les besoins électriques dans un contexte de rareté énergétique.
L'Inde encourage donc les entreprises qui investissent dans les énergies renouvelables par des aides publiques et prévoit que d'ici 2020, 1,4 million de professionnels travailleront dans ce domaine. A côté des grandes entreprises nationales et internationales (comme EDF qui développe au sein d'une co-entreprise des infrastructures solaires), des centaines de petites entreprises transforment la contrainte environnementale en opportunité d'affaires (qui a souvent une forte résonnance sociale). A commencer par Greenway Grameen, qui produit depuis 2 ans près de Bombay des réchauds écologiques qui ne dégagent pas de gaz toxique. Greenway développe actuellement un nouveau modèle qui générera de l'électricité pour recharger son portable par exemple.
Autre startup verte, Green Light Planet, commercialise des lampes à énergie solaire depuis 2007 dans le cadre d'un gigantesque marché potentiel : actuellement, le réseau électrique n'est pas fiable pour 500 millions d'Indiens, qui s'éclairent pour la plupart avec des lampes à kérosène. Installée à Bombay, la société vend ses produits jusqu'en Afrique de l'Est.
STEPS (Sustainable Technologies and Environmental Projets), petite société de 24 personnes installée en banlieue de Bombay, transforme les sacs plastiques, le caoutchouc et les déchets organiques en carburant sans produire de déchet supplémentaire grâce à un procédé breveté. Les commandes affluent du monde entier (Italie, Turquie, Pays-Bas, Tunisie, Slovénie). 7 ans ont été nécessaires pour développer ce projet. « En Inde, les coûts de développement sont très limités par rapport à d'autres pays, c'est pour cela que notre pays représente un terreau aussi fertile pour ce genre d'innovations », analyse le créateur de STEPS.
Ces entrepreneurs pratiquent une forme d'innovation frugale, pratiquée par de nombreux pays en développement, que l'on appelle le « jugaad » (terme hindi signifiant « une solution ingénieuse et originale, fruit d'une improvisation astucieuse ») ! Et cette forme d'innovation n'est pas l'apanage des entrepreneurs des grandes villes.
Dans son village reculé de l'Etat du Gujarat, Mansukh Prajapati, a ainsi conçu MittiCool, un réfrigérateur en argile, entièrement biodégradable, fonctionnant sans électricité et permettant de conserver des produits frais pendant plusieurs jours. Son invention est vendue dans toute l'Inde, et au-delà.
L'entrepreneuriat, une chance pour les Intouchables
Au niveau social, les défis de l'Inde, marquée par la malnutrition et des inégalités persistantes, restent immenses. Parmi les 170 millions d'Indiens intouchables, beaucoup vivent encore en marge de la société, surtout dans les milieux ruraux. Mais la libéralisation de l'économie (qui supprime leurs emplois traditionnels dégradants) donne une chance aux dalits de s'enrichir, notamment grâce à l'entrepreneuriat, malgré l'absence de relations et de réseau d'affaires. Un petit nombre d'entre eux sont devenus de riches hommes (et femmes) d'affaires.
Par ailleurs, le gouvernement a adopté en 2011 une mesure ouvrant les marchés publics aux PME indiennes : 20 % des achats doivent être réalisés auprès de ces PME et sur ces 20 %, 4 % reviennent aux entreprises appartenant aux « Scheduled Tribes », c'est-à-dire les membres des anciennes tribus du pays.
Quelles inspirations pour la France et l'Europe ?
D'après Navi Radjou, Français d'origine indienne, consultant à la Silicon valley et auteur du livre « L'innovation jugaad : redevenons ingénieux ! », les sociétés européennes doivent adopter l'innovation frugale pour préserver leur prospérité et produire plus de valeur pour les citoyens dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. Des résistances, notamment dans le domaine pharmaceutique, ont déjà commencé à s'exprimer.
Il recommande aux chefs d'entreprises de se rapprocher des autres entreprises, des universités, startups, associations et décideurs, et de repenser les modèles d'innovation et d'opter pour des dispositifs d'innovation locaux : « au lieu de s'appuyer sur des projets de recherche & développement onéreux, sur des structures de décision pyramidales et des procédures rigides ». Il imagine des ingénieurs de grandes écoles capables de « faire plus avec moins » et des « studios de création » installés sur l'ensemble du territoire où de jeunes entrepreneurs concoctent avec les collectivités locales des solutions locales venues « de la base ». Bref, il propose ni plus ni moins qu'une révolution !>>>
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