Sous-consommation du BIP : Pesanteurs et résistances
Par Rousseau-Joël FOUTE, Cameroon Tribune, 08-08-2013
Défaillances
L’adoption du budget programme, qui matérialise la gestion axée sur
les résultats, dès le 1er janvier 2013, en remplacement du budget de
moyens, est présentée comme un tournant décisif, du fait des
améliorations escomptées sur la gestion publique.
En effet, les 50 années de pratique de budgétisation axée sur les
moyens (ordonnance de 1962) ont mis en évidence de nombreuses limites.
Parmi lesquelles la sous-consommation des crédits d’investissement
public. A cela s’ajoutaient entre autres la faible articulation entre le
budget et les priorités nationales ; l’insuffisante prise en compte des
besoins des populations à la base ; la difficulté de mesurer l’impact
de la dépense publique sur le terrain, etc.
Le budget programme est donc
censé inverser la tendance, en permettant aux administrations de
« faire mieux avec peu ». La combinaison de l’efficacité et de l’efficience devrait accroître la performance dans la réalisation des
objectifs des politiques publiques. Conformément aux exigences de cette
nouvelle approche de la gestion des finances publiques, des
autorisations d’engagement sont sollicitées par le gouvernement pour
exécuter un « ambitieux » programme qui s’étale sur la période
2013-2015. C’est ainsi que le Bip ou budget d’investissement public a
crû, ces dernières années, preuve que le gouvernement met l’accent sur
l’amélioration des conditions de vie des populations, à travers la
construction des écoles, des centres de santé, des adductions d’eau
potable, l’électrification rurale, l’entretien routier, etc. En plus de
la réalisation des grands projets d’infrastructure (projets structurants
dans le domaine énergétique et des voies de communication), catalyseurs
d’une croissance économique plus forte. En conséquence, on observe
qu’en 2012, le Bip a été porté à 792,2 milliards de F, contre 677
milliards en 2011, soit une augmentation de 115 milliards. En 2013, ce
sont 957 milliards de F qui sont consacrés aux dépenses en capital.
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Rendu au sixième mois de l’année 2013, l’exécution du Bip n’a pas
décollé, pour dire le moins. La moyenne du taux d’exécution à l’échelle
du pays, qui varie d’une région à l’autre et d’un département
ministériel à l’autre, semble tourner autour de 20%. C’est ce qu’on a
appris en juillet dernier à Yaoundé au terme des travaux de la deuxième
session du Comité interministériel d’examen des programmes (Ciep),
présidés par le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey. Au cours de
l’exercice, ont été abordées les faiblesses dans la conception des
programmes ministériels sous revue et les difficultés de mise en œuvre.
Des solutions ont également été préconisées. « Nous avons traité des
problèmes qui font qu’aujourd’hui, notre économie n’a pas encore tiré
bénéfice de tout ce qui a été prévu en matière d’investissement et de
fonctionnement…Pour ce qui est des pourcentages, ils diffèrent en
fonction des ministères et des programmes mis en œuvre, selon qu’il
s’agisse du budget de fonctionnement ou de celui dédié à
l’investissement. Globalement, il faut se dire que le Cameroun aurait pu
mieux faire au premier semestre. Nous ne sommes pas à 50%. Nous sommes
loin de ce taux attendu après les six premiers mois de l’année », a
déclaré le ministre des Finances à la fin des travaux du Ciep.
Quelques
indicateurs donnent une idée de la faiblesse du taux d’exécution du Bip
sur le terrain. Le Bip du ministère des Finances affiche, par exemple,
un taux d’exécution, au 30 juin 2013, de seulement 4,13%. Au niveau des
régions, selon nos correspondants, les nouvelles ne sont pas bonnes.
Réunis le 29 juillet dernier à Bafoussam, les membres du Comité régional
de suivi du Bip dans la région de l’Ouest ont constaté un taux
d’exécution physique sur crédit de paiement de 5,37% à cette date, « le
plus faible taux d’exécution jamais enregistré dans cette partie du pays
depuis des décennies ». Dans la région du Nord, l’exécution piétine
également, avec un taux de 5,13% rendu au mois de juillet 2013. Quelles
sont les pesanteurs qui aggravent la sous-consommation du Bip? Dans une
posture défensive, un haut responsable du ministère des Marchés publics a
rappelé lors des récents travaux du Ciep, qu’avant la réforme
intervenue le 9 décembre 2011, le Code des marchés publics du 24
décembre 2004 était en vigueur et responsabilisait à outrance les
maîtres d’ouvrage. D’après l’orateur, « ce Code avait lui-même montré
ses défaillances. A titre d’illustration, entre 2006 et 2008, le Bip a
été exécuté à hauteur de 50%. Plus grave, dans le secteur des
infrastructures et de l’énergie, nous étions à 32%. Cela veut dire que
le problème se trouve ailleurs. Le problème est moins la nouvelle
réforme que certainement d’autres difficultés qu’il faut essayer de
résoudre », à son avis. Que faire donc pour briser le signe indien ?
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