Québec: L’innovation sociale est une réponse aux aspirations de la société
22-03-2014 |
Si, dans les années 1980, les innovations sociales
s’inscrivaient dans une reconfiguration du rapport à l’État, elles sont
aujourd’hui plutôt liées au développement durable et à la recherche
d’une autre mondialisation.
L’innovation n’est pas l’apanage de la science et des technologies. Elle est aussi sociale. Pensons aux centres de la petite enfance, aux grands fonds de retraite, aux centres locaux de développement, aux tables de quartier, aux jardins communautaires, à la finance sociale et responsable, au microcrédit… Des initiatives qui ont fait boule de neige avant de transformer notre société.
« Les innovations sociales émergent souvent dans des contextes de crise et forment de nouvelles avenues permettant de régler certains problèmes sociaux. Elles répondent à des besoins, mais plus encore, à des aspirations. Prenez les services de garde. Il y avait un besoin, certes, mais aussi un désir d’émancipation des femmes, de socialisation des enfants et d’insertion sociale des familles plus démunies », explique Benoît Lévesque, professeur émérite au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal et spécialiste mondialement reconnu de l’innovation et des transformations sociales. Il a cofondé le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et est professeur associé à l’École nationale d’administration publique. Dès les années 80
Toutes les époques ont eu leurs innovations sociales, mais l’expression consacrée est surtout utilisée depuis les années 1980, poursuit l’expert. « Au cours de cette décennie, on parlait de bureaucratisation, d’automatisation, de robotisation, ce qui laissait l’impression que tout tournait autour des technologies. Le modèle du travail fordiste et monotone, la société de consommation et l’État-providence étaient remis en question. Au même moment, la société civile est apparue comme porteuse d’initiatives. Toutes ces influences ont nourri l’intérêt pour les innovations sociales qui en étaient alors à leur première vague. »
Des projets prennent racine dans trois domaines bien distincts que l’État n’est plus en mesure de soutenir comme il le faisait : les services collectifs, le territoire et l’emploi. Le gouvernement continue d’y intervenir, mais en partenariat avec des groupes communautaires et des initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire. « Ces groupes finissent par se rassembler et deviennent par exemple des corporations de développement économique communautaire, des centres locaux de développement, des entreprises d’insertion,précise le professeur Lévesque. Entre 1976 et 2012, le Québec a ainsi vu son nombre d’associations sans but lucratif grimper de 23 000 à 57 000. »
La deuxième vague
Selon Benoît Lévesque, cette « impulsion innovatrice » a perduré jusqu’au tournant des années 2000. La déferlante de la mondialisation et de la financiarisation, le capitalisme en crise et la montée des inégalités incitent alors la société à imaginer de nouvelles solutions. Si la première vague d’innovations sociales s’inscrivait dans une reconfiguration du rapport à l’État, la deuxième vise plutôt à répondre aux défis du développement durable et d’une autre mondialisation.
« On a vu apparaître différentes initiatives dans les domaines de l’économie locale, des transports, de l’énergie et de la sécurité alimentaire, entre autres, énumère-t-il. Les jardins communautaires, les principes de consommation responsable, la mise en valeur des produits du terroir et la promotion d’une économie de proximité n’en sont que quelques exemples. Il ne faut pas oublier le secteur financier. Soucieux du bien commun, du développement durable, de la responsabilité sociale et de l’éthique, les acteurs relevant de l’économie sociale ont créé de nouveaux outils financiers telle la Fiducie du Chantier de l’économie sociale. »
Ces innovations semblent à première vue moins massives que celles de la vague précédente, mais elles n’en sont pas moins importantes aux yeux de M. Lévesque, qui rappelle « que nous ne sommes qu’au début d’un deuxième cycle d’innovation sociale ».
Le modèle québécois
Le professeur Lévesque souligne que le Québec a su, au cours des 20 dernières années, forger « un écosystème d’innovation sociale » qui se démarque sur la scène internationale. « Nos efforts se sont développés autour d’une vision relativement commune et se déploient dans pratiquement toutes les sphères : la recherche universitaire, la formation, le réseautage entre les groupes sectoriels et intersectoriels, les politiques publiques, sans compter le financement. Autant d’éléments qui constituent un véritable système d’innovation sociale. »
Rien n’est acquis cependant dans cet écosystème. L’innovation sociale ne peut donner lieu à une grande transformation sans une vision partagée entre la société civile et les élus.>>>
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