L'entrepreneuriat social : une autre façon d'entreprendre

Par Jérôme Boncler et al, lesechos.fr, 14-01-2014

Face à une économie de marché secouée par les crises engendrant des problèmes sociaux accrus, face à un Etat qui ne peut et ne veut tout faire et donc se désengage, l’entrepreneuriat social constitue-t-il une solution économique et sociétale viable ? Comment se caractérise l’entrepreneuriat social ? Quelles sont les conventions à l’œuvre ? Eléments de réponse.

Partout dans le monde et depuis désormais une trentaine d'années, des initiatives apparaissent, sous des formes toujours très différentes : entreprises d'économie sociale (EES) en Espagne ou au Québec, coopératives sociales en Italie, coopératives SCOP ou SCIC, associations et entreprises en France, Community Interest Compagnies (CIC)- intermédiaire entre l'entreprise privée et l'association de bénévoles (charities) en Angleterre, entreprises sociales aux Etats-Unis, financées par des fondations, initiatives populaires et solidaires en Amérique Latine, etc. Pourtant, le phénomène est difficilement mesurable en raison de l'absence de statistiques et de données chiffrées sur un concept relativement nouveau et aux contours encore flous.
A la jonction de trois mondes distincts
Le concept d'entrepreneuriat social renvoie à deux termes dotés de connotations riches : d'un côté le terme « entrepreneur », associé généralement à la recherche de profit, à la logique économique, de l'autre côté le terme « social », davantage relatif à la sphère non marchande. Aucune définition officiellement arrêtée, mais une réalité plurielle, à la croisée de l'initiative privée et de l'intérêt collectif.
Entreprises d'insertion par l'activité économique, jardins familiaux, crèches parentales, services d'aides à domicile, associations de restauration du patrimoine, etc., autant d'initiatives dont la particularité est de contribuer au renforcement local de la cohésion sociale et à la création d'un nombre d'emplois aujourd'hui significatif. Ces initiatives sont portées par des entrepreneurs sociaux qui mettent leurs qualités entrepreneuriales au service de la résolution d'un problème social et/ou environnemental, en collaboration étroite avec les institutions publiques. Les particularités de l'entrepreneuriat social relèvent ainsi de son rattachement à trois mondes fondamentalement distincts : le monde du social, le monde du marchand et le monde des institutions.
Management collectif et participatif
Il s'agit pour les entrepreneurs de défendre des valeurs de solidarité parfois en conflit direct avec la recherche de performance économique. Il s'agit ensuite pour ces entrepreneurs citoyens de gérer leur entreprise selon des valeurs de solidarité tout en étant rentables.
Le management est collectif et participatif, en co-dépendance avec un grand nombre de parties prenantes, qui peuvent être par exemple des institutions (services déconcentrés de l'Etat et des régions), des partenaires territoriaux (centres de ressources et d'information sur un territoire), des partenaires sociaux (conseillers et associations d'insertion) ou encore des entreprises d'insertion affiliées à diverses fédérations (régionales et nationales), relevant de contextes aux normes très distinctes les unes des autres. Les objectifs de chaque structure sont singuliers et les acteurs se retrouvent en situation de coopération, de dépendance et d'interdépendance forte.
Un concept en développement
Le réseau EMES (réseau européen de chercheurs sur l'économie sociale et l'entrepreneuriat social), caractérise l'entreprise sociale à l'aide de  trois dimensions :
une dimension économique comportant une activité continue de production de biens et de services, impliquant un niveau significatif de risque et un niveau minimum d'emploi rémunéré ;
une dimension sociale avec un objectif explicite de service à la communauté, une initiative émanant d'un groupe de citoyens et une limitation de la distribution de bénéfices ;
une dimension politique fondée sur une structure de gouvernance visant un degré élevé d'autonomie, un pouvoir de décision non basé sur la détention de capital et une dynamique participative impliquant différentes parties concernées par l'activité. >>>

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