Coup de chaud sur le gouvernement
Par Marie Claire NNANA, Cameroon Tribune, 02-01-2014
De quoi coincer les bouchées des mets du réveillon en travers de la
gorge. Les vœux de nouvel an du président de la République aux
Camerounais avant-hier ont laissé un goût aigre-doux à certains.
Malgré la voix égale et le ton contenu, le jugement du premier
Camerounais sur les performances économiques nationales est sévère. Il a
ainsi délivré un discours ambivalent : d’un côté, la satisfaction –
brève – sur l’œuvre globale accomplie en 2013, en particulier le bilan
positif de l’organisation de trois scrutins majeurs et les belles
avancées en termes d’accès de la population aux soins de santé. De
l’autre, l’incompréhension, voire l’exaspération, face au constat de
l’incapacité de l’équipe de mission au service des Grandes Réalisations à
impulser un élan plus vigoureux à l’économie, condition sine qua non
pour la création d’emplois et le relèvement du pouvoir d’achat.
Fait
inédit, Paul Biya a renoncé à établir un bilan systématique et
sectoriel, pas plus qu’il n’a annoncé de projet à venir, sans doute pour
mieux marteler sa déception et fustiger les inerties qui réduisent le
rêve d’expansion à un espoir évanoui. Du moins pour l’heure.
Ce faisant, le président de la République est tout à fait dans son
rôle, qui est de porter la vision et l’ambition, de définir les
orientations de la politique de la nation, et d’en confier la mise en
œuvre au gouvernement, à travers une feuille de route et un chronogramme
précis. L’évaluation périodique qu’il en fait, et qu’il livre
partiellement ici, n’est pas seulement légitime. Elle est une exigence,
une méthode qui permet de corriger les insuffisances et de sanctionner
les dérapages et les défaillances. Ça et là, on lit et on entend dire
en effet que le président se porte l’estocade à lui-même, dans cet
exercice critique de l’action de ses ministres. Ce ne peut être qu’une
erreur d’appréciation, car le chef de l’exécutif dans notre système
n’est pas un super ministre, omniprésent et omniscient, à l’ombre duquel
les membres du gouvernement se meuvent comme de bons pantins. Les
ministres sont bel et bien des plénipotentiaires, désignés pour mettre
en musique les politiques définies, sous la férule du Premier ministre.
Cela dit, on aurait tort de croire que l’insuffisance de résultats
ainsi constatée et décriée est le seul fait du gouvernement. Dans la
ligne de mire de Paul Biya, se trouvent aussi bien des
coordonnateurs de projets et programmes, que des secrétaires généraux,
directeurs généraux, directeurs d’administrations centrales,
fonctionnaires et même prestataires de services de l’Etat dont l’âpreté
au gain grève les budgets sans enrichir le pays. L’individualisme que le
chef de l’Etat flétrit est-il le seul fait des ministres ?
Evidemment non. Tout employé de l’Etat qui exige des dessous de table
pour faire son travail est sans aucun doute un fossoyeur de l’Etat, car
les critères de performance administratifs incluent aussi bien la
pertinence du traitement des dossiers que leur temps d’exécution.
Mais en mettant le doigt sur la question cruciale de la coordination
de la stratégie économique, portée par plusieurs ministères et
institutions étatiques, ce message de fin d’année établit, ou rappelle
en sourdine, que ce qui fait le plus mal ici, c’est l’action humaine, à
travers les petits combats de chefs ; les doublons nés des egos
surdimensionnés, le manque de vigilance ; l’inertie ; la lenteur dans la
prise de décision ; les dissonances, les énergies centrifuges. Seule
une coordination et une mise en cohérence minutieuse pourraient
permettre de déceler et de corriger ces dysfonctionnements dont les
conséquences sur l’aboutissement des dossiers sont inestimables,
notamment en termes de surenchérissement des coûts et de retards
d’exécution.>>>
Commentaires
Enregistrer un commentaire