La Suède, prix Nobel de l'innovation entrepreneuriale ?

Par APCE, 18-12-2013
Au pays du Nobel, en chaque fin d'année, l'Académie Royale des sciences de Suède délivre ses récompenses primant les contributions les plus remarquables en matière de physique, de littérature ou de paix… (à quand un prix Nobel de l'entrepreneuriat ?!). Si la Suède est la terre d'accueil de ces parcours exceptionnels, c'est qu'elle représente d'abord un pays d'inventeurs : Alfred Nobel donc, inventeur de la dynamite, Carl Wilhelm Scheele, découvreur de l'oxygène, Anders Celsius, qui a donné son nom à l'échelle de température, pour ne citer qu'eux.
En 2013, le tissu entrepreneurial suédois est d'abord constitué de grands groupes de réputation mondiale : Volvo, Ericsson, Scania, H&M, Ikea, Securitas…Alors comment les Suédois sont-ils parvenus à passer du stade de l'invention à celui de l'innovation pour créer ces grandes entreprises ? Sur quels vecteurs de diffusion s'appuient-ils ?

triangle.gif L'innovation au cœur des préoccupations

Le tableau de bord de l'innovation 2013 de la Commission européenne classe la Suède au 1er rang des pays européens. Elle est accompagnée dans le peloton de tête des autres pays « leaders » en la matière par l'Allemagne, le Danemark et la Finlande (la France est classée parmi les pays « suiveurs » au 11ème rang). Pas étonnant pour un pays qui a notamment vu naître sur son territoire ces dix dernières années, le téléphone gratuit par internet avec Skype, la musique en ligne avec Spotify ou les interfaces micro IP qui permettent aux objets de communiquer entre eux.

Dans la pratique, la réussite suédoise en matière d'innovation est d'abord le résultat d'un choix stratégique : favoriser une collaboration étroite entre le monde universitaire et de la recherche, celui des entreprises et les pouvoirs publics. C'est ce que l'on appelle le modèle de la « triple hélice »[1]. Expérimenté à partir du début des années 80, il porte aujourd'hui pleinement ses fruits. Pour illustrer ce propos, prenons l'exemple du parc scientifique de Jönköping (à 300 km de Stockholm).

Ce parc regroupe depuis 2002, un « Business lab », une pépinière d'entreprises et des bureaux pour les entreprises souhaitant s'installer près de l'Université de Jönköping. Cet écosystème entrepreneurial à part entière mise sur la complémentarité des services offerts : le Business Lab est principalement destiné aux étudiants, diplômés et personnels de l'Université qui souhaitent travailler sur leur idée d'affaires sur une durée de six mois (coaching par de jeunes diplômés de l'Université, travail en équipe et à la carte en fonction de l'état d'avancement des projets). La pépinière est quant à elle ouverte (pour 1500 couronnes par mois, soit moins de 200 euros) à 15 entreprises en phase de croissance qui sont encadrées par un développeur d'affaires personnel pendant deux à trois ans (coaching individualisé, accès à des experts du droit, de la fiscalité, du marketing…). Les entreprises de la pépinière peuvent collaborer avec les quelques 80 sociétés et unités de R&D installées dans la section « Business Growth » du parc scientifique. Toujours dans le but de renforcer l'effet écosystème, le parc scientifique en collaboration avec plusieurs entités territoriales, a créé un site internet destiné à identifier les sources de financement possibles sur le plan local et ce en fonction du stade de développement de l'entreprise (idée, démarrage, développement, croissance). Quant aux étudiants de la Jönköping International Business School, ils tirent profit de ce creuset d'initiatives entrepreneuriales grâce aux retours d'expérience et à l'expertise des employés du parc scientifique qui participent à leurs cours. L'ensemble bénéficie d'un large soutien financier : de la municipalité locale, de l'université, de Vinnova (l'agence gouvernementale suédoise pour l'innovation), de la collectivité régionale et de l'Union européenne. Le Parc revendique aujourd'hui avoir contribué à la création de plus de 900 entreprises.

Jönköping n'est qu'un exemple parmi d'autres de ce modèle collaboratif qui a permis l'émergence et le développement de grandes entreprises suédoises mondialement connues. Aujourd'hui, les dix premiers groupes nationaux tirent la croissance suédoise en réalisant près d'un tiers des exportations du pays ! Ce modèle a également permis le développement de TPE-PME dans des domaines très spécialisés comme ceux de l'imagerie médicale ou de la micro-électronique. Certains observateurs considèrent d'ailleurs que l'essor de ces TPE-PME est plus la conséquence de leur dépendance à l'égard des grands groupes que d'une véritable politique ciblée en leur faveur. Il s'agit là sans doute d'un enjeu primordial pour l'écosystème suédois de demain : développer les entreprises de moins de 500 salariés afin de réduire la dépendance de son économie envers les grandes entreprises (et notamment leurs résultats à l'export).

triangle.gif Un pays qui mise sur le mentorat

En 2006, le gouvernement suédois a lancé un programme intitulé « Mentor your business ».
Il en a confié la mise en œuvre à deux entités : « Almi Företagspartner » (Agence pour le développement commercial et stratégique des entreprises) et « Jobs and society » (fondation présente dans 200 municipalités suédoises grâce à ses agences locales et qui conseillent plus de 10 000 porteurs de projet chaque année). Largement inspiré du dispositif américain « Score » (« Service Corps of Retired Experts), il vise à accompagner en priorité les entrepreneurs qui n'ont pas les moyens financiers de bénéficier d'un soutien professionnel. Les deux entités qui participent au programme se partagent ensuite les rôles : « Jobs and Society » aident les porteurs de projet prêts à démarrer leur activité tandis qu'« Almi » misent sur les entreprises à potentiel de croissance, notamment à l'international. La participation financière demandée aux mentorés est proportionnelle à la taille de leur entreprise (entre 100 et 200 euros). Une dizaine de rencontres mentor-mentoré ont lieu dans l'année, des évènements de networking sont organisés et des experts du mentorat des deux organisations peuvent aussi intervenir. Depuis 2010, les entrepreneurs d'origine étrangère ont accès à un programme de mentorat particulier. « Mentor your business » poursuit sa montée en puissance depuis sa création il y a sept ans en permettant d'accompagner plus de 1000 entrepreneurs chaque année et en étant communément reconnu comme la principale réussite suédoise en la matière.

Ce programme de mentorat illustre d'ailleurs la stratégie suédoise en matière de soutien public à l'entrepreneuriat puisque le gouvernement en délègue très largement la responsabilité à des Agences publiques. L'Almi Företagspartner donc (Agence pour le développement commercial et stratégique des entreprises), Tillväxtverket (Agence pour le développement de l'entrepreneuriat et le développement industriel), et Tillväxtanalys (Agence pour l'évaluation et l'analyse des politiques de croissance).

triangle.gif L'école comme berceau de l'esprit entrepreneurial

La diffusion de l'esprit d'entreprise chez les jeunes est en Suède un enjeu national. Elle mobilise les grandes institutions du pays qui unissent leurs moyens afin de renforcer la place de l'école, pilier du modèle social suédois et régulièrement citée en exemple sur le plan international.
>>>

Commentaires