Les nouveaux modèles pour le développement de l'Afrique

Par Tony Elumelu, huffingtonpost, 4-10-2013 
Tony ElumeluLe temps est venu pour une nouvelle approche du développement en Afrique. A contre-courant de la tendance mondiale, les perspectives économiques des pays du continent sont très favorables pour les prochaines années. Les modèles de développement fondés sur l'aide extérieure, le secteur caritatif, la dette souveraine, ou encore l'export des produits primaires, ne sont plus adaptés à l'Afrique qui se construit. Nous devons nous montrer à la hauteur de ces évolutions et adopter une approche innovante, fondée sur un changement durable et transformateur et reposant sur des investissements à long terme qui assureront la prospérité économique et sociale du continent. C'est la raison d'être de deux concepts qui guident ma vision du développement de l'Afrique : la philanthropie catalytique et l'Africapitalisme.

La philanthropie catalytique - Soutenir un changement durable qui valorise et responsabilise ses bénéficiaires
La philanthropie traditionnelle repose généralement sur une institution ou un individu qui mettent leurs moyens au service d'une cause définie. Dans cette optique, l'accent est mis sur l'identification d'un problème dont la résolution dépendra du financement qui lui est dédié. Si la philanthropie présente un intérêt indiscutable, notamment dans les situations d'urgence, on peut néanmoins regretter l'absence d'impact durable lié au fait que l'approche philanthropique classique ne vise pas à modifier la chaîne causale à l'origine du problème. C'est la raison pour laquelle la philanthropie catalytique redéfinit le but de la philanthropie et élargit sa définition. Elle ne vise pas à "réparer", mais plutôt à "construire" à créer des solutions durables au bénéfice des communautés. Sa contribution dépasse la simple mise à disposition de moyens financiers, elle permet mobilisation de ceux qui ont le savoir, la connaissance, l'expérience et les relations nécessaires. Dans la définition même de la philanthropie catalytique, l'accent est mis sur son impact sur ​​le développement.
L'Africapitalisme - Valoriser le rôle du secteur privé africain dans la conduite du développement économique
L'Africapitalisme est une philosophie économique visant à renforcer le rôle du secteur privé africain dans la transformation durable du continent et la création de valeur à long terme L'Africapitalisme est également un appel à l'action pour les Africains, afin que nous prenions tous la responsabilité de notre propre développement. Pour les non-Africains, l'objet de l'Africapitalisme est de faire évoluer les réflexions sur les activités d'investissement dans la région, afin de tourner les mentalités et comportements vers des progrès de long terme, non seulement en termes de bénéfices financiers pour les investisseurs mais aussi en termes de développement économique, social et humain pour le continent. En permettant la création de richesses économiques nouvelles répondant à une priorité de développement, l'Africapitalisme propose des solutions durables aux différents défis auxquels fait face l'Afrique aujourd'hui: la santé, l'éducation, la sécurité alimentaire, ou encore la sécurité nationale et la stabilité sociale. Plus le secteur privé jouera un rôle dans l'amélioration de ces problématiques, plus l'Afrique bénéficiera d'un environnement économique stable et productif, ainsi que d'une autonomie accrue dans la résolution de ses problèmes socio-économiques.
L'avenir de la philanthropie
Je veux partager avec vous ma vision de l'avenir de la philanthropie. Aujourd'hui, nous pensons que la philanthropie est séparée de l'activité du secteur privé, que vous ne pouvez être que d'un côté ou de l'autre. Selon moi, cette dichotomie n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Bill Gates, par exemple, est la figure emblématique de l'entreprenariat. Il est ensuite devenu philanthrope, traitant des questions de santé et de développement. Pour autant, je dirais que Bill Gates était tout aussi philanthrope lorsqu'il a créé Microsoft, qu'il ne l'est aujourd'hui dans son combat pour éradiquer la polio et la malaria. La révolution technologique dont il est à l'origine a non seulement créé du travail, de l'innovation mais aussi une nouvelle façon de penser et de travailler à travers le monde. Le résultat des années qu'il a passées à la construction de Microsoft a ainsi eu autant d'impact sur la richesse sociale et la prospérité économique dans le monde que sa fondation pour la santé mondiale. Ma vision pour le développement de l''Afrique repose sur cette vision entrepreneuriale.
Mon expérience avec United Bank for Africa (UBA) m'a donné conscience de l'immense potentiel des entreprises privées pour le développement. La croissance et le succès d'UBA sur la scène internationale sont pour moi un exemple fort de ce que l'Africapitalisme permet d'accomplir. Aujourd'hui, nous répétons ce que nous avons déjà fait dans le secteur des services financiers dans d'autres domaines prioritaires, notamment l'énergie, l'un des secteurs clés du développement en Afrique. Récemment, nous avons engagé 2,5 milliards de dollars pour réaliser l'initiative 'Power Africa' lancée par le Président Barack Obama lors de sa récente tournée africaine. Nous investissons dans l'énergie non seulement parce qu'il représente un secteur d'investissement lucratif, mais également parce qu'il est indispensable au mieux-être et au développement du peuple africain. Ces investissements permettront aux enfants de faire leurs devoirs une fois le soleil couché, aux écoles d'entretenir des ordinateurs, aux familles de stocker de la nourriture, aux médecins de conserver des vaccins actifs dans un réfrigérateur, aux entrepreneurs de gérer leurs entreprises à moindre frais, de pouvoir innover et développer.
Mon vœu le plus cher est que le milieu des affaires en Afrique adopte des approches africapitalistes. Les dirigeants politiques et les gouvernements ont un rôle critique à jouer dans ce domaine. Il est de leur responsabilité de créer un environnement favorable dans lequel le secteur privé peut s'engager dans une activité économique qui génère de la richesse. Les gouvernements doivent appliquer des politiques solides et stables de sorte que les chefs d'entreprise puissent investir pour le long terme.
La réalisation d'une meilleure Afrique ne doit pas être l'apanage de riches philanthropes et de pays développés qui cherchent à étendre leur influence. Le développement de l'Afrique devrait, au contraire, être dans l'ADN de tous les Africains. C'est l'objet de philanthropie catalytique et de l'Africapitalisme. Ensemble, ces deux approches peuvent contribuer à stimuler la diversification économique et la transformation structurelle en créant des emplois et en assurant la formation de la prochaine génération d'entrepreneurs et d'innovateurs, tout en contribuant à la construction des infrastructures essentielles sur le continent.
C'est la vision que j'applique dans toutes mes activités, que ce soit en tant que Président de Heirs Holdings ou au sein de la Fondation Tony Elumelu.
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