L'entrepreneur et ses premiers clients : les secrets de l'effectuation
Par Philippe Silberzahn, auteur, business.lesechos.fr, 18-03-2014
Un exemple simple, appelé « grue », permet d'illustrer l'intérêt de ces deux principes combinés. Imaginez que vous êtes dirigeant(e) d'une startup, et que vous venez de passer plusieurs mois à développer un produit. Disons un gadget un peu compliqué, de couleur verte. Dès la disponibilité du produit, vous décrochez un rendez-vous chez un client que vous ciblez depuis longtemps. La réunion se déroule plutôt bien, la démo fonctionne, le client est intéressé. Finalement, il conclut : « Votre produit est très intéressant. Je suis prêt à le prendre, mais il me le faudrait en bleu, pas en vert. »
Que faites-vous ? Vous avez en réalité quatre possibilités.
Vous retournez chez votre ingénieur et lui demandez de modifier le produit pour
qu'il devienne bleu. Cela prendra du temps, consommera des ressources,
mais après tout, le client est roi, non ? Et puis ce n'est pas
grand-chose, on peut retourner le voir d'ici deux mois, rendez-vous est
pris. Nous sommes là dans le paradigme de l'adaptation ou de l'apprentissage sur la base de l'expérience.
L'entreprise réagit aux données de son environnement, adapte son offre
ou son fonctionnement, et revient à la charge (voir figure 8.1).
Vous estimez que votre client n'a rien compris, que l'avenir est au produit vert, que le vouloir en bleu est stupide et n'a aucun sens. L'avenir est au vert, de toute évidence, et pas au bleu. Vous revenez à la charge. Vous développez vos actions de communication, faites parler des experts pour défendre et promouvoir l'idée d'un produit vert, et pas bleu. Il s'agit ici du paradigme visionnaire (voir figure 8.3).
Ça peut passer : Marc Benioff, fondateur de salesforce.com, a passé des années à promouvoir ce qu'on appelle le cloud, c'est-à-dire l'accès à des solutions informatiques distantes, aujourd'hui très répandu. Souvent ça casse, cependant, et les cimetières sont remplis de visionnaires comme General Magic, que nous avons évoqué au début de ce livre.
Vous êtes d'accord sur le principe de modifier la couleur du produit,
mais vous êtes conscient des coûts et du délai. Vous êtes surtout
conscient que lorsque vous reviendrez avec le produit bleu, votre client
aura peut-être changé d'avis. Demander une modification du produit, en
effet, ne lui a rien coûté. Peut-être n'était-il pas vraiment sérieux
quand il vous a demandé la modification. Peut-être même qu'il aura
changé de poste, et que son successeur ne croira lui qu'aux produits
rouges, et en matière recyclable, en plus.
Vous décidez donc d'accepter la modification du produit à condition que le client s'engage également, de son côté, d'une manière ou d'une autre. Par exemple en signant une précommande pour le produit bleu, en mettant un ingénieur à votre disposition, ou en vous avançant des fonds. En bref, le paradigme ici est celui de la co-création par l'engagement réciproque des deux parties (voir figure 8.4).
La quatrième approche montre l'intérêt de la co-création. L'engagement du client (il consomme des ressources, donc il démontre sa motivation) garantit son intérêt pour le futur produit, et assure également que ce futur produit correspond bien à un besoin, puisque le client paie déjà pour cela. >>>
Découvrir une nouvelle manière de créer ? C'est le coeur de l'ouvrage"L'effectuation, les principes de l'entrepreneuriat pour tous". Une méthode originale, dont voici un extrait.
Les quatre façons de gérer votre premier client
La logique effectuale recommande aux entrepreneurs d'entrer le plus tôt possible en action, en partant du principe que seule l'action est véritablement source de nouveauté. Elle recommande également de susciter l'engagement de parties prenantes envers le projet, car seul cet engagement crée une dynamique et en démontre la viabilité.Un exemple simple, appelé « grue », permet d'illustrer l'intérêt de ces deux principes combinés. Imaginez que vous êtes dirigeant(e) d'une startup, et que vous venez de passer plusieurs mois à développer un produit. Disons un gadget un peu compliqué, de couleur verte. Dès la disponibilité du produit, vous décrochez un rendez-vous chez un client que vous ciblez depuis longtemps. La réunion se déroule plutôt bien, la démo fonctionne, le client est intéressé. Finalement, il conclut : « Votre produit est très intéressant. Je suis prêt à le prendre, mais il me le faudrait en bleu, pas en vert. »
Que faites-vous ? Vous avez en réalité quatre possibilités.
1re possibilité : adaptation
Vous retournez chez votre ingénieur et lui demandez de modifier le produit pour
qu'il devienne bleu. Cela prendra du temps, consommera des ressources,
mais après tout, le client est roi, non ? Et puis ce n'est pas
grand-chose, on peut retourner le voir d'ici deux mois, rendez-vous est
pris. Nous sommes là dans le paradigme de l'adaptation ou de l'apprentissage sur la base de l'expérience.
L'entreprise réagit aux données de son environnement, adapte son offre
ou son fonctionnement, et revient à la charge (voir figure 8.1).2e possibilité : segmentation
Vous concluez que le client a raison et que le produit vert ne lui convient effectivement pas. Vous tentez de comprendre pourquoi, et identifiez une nouvelle catégorie de clients qui, eux, seront intéressés par le vert. Vous laissez tomber le premier client, et partez visiter ces derniers. Le paradigme est ici celui de la segmentation : être capable d'identifier les clients qui seront intéressés par les produits. Le produit ne change pas, ce sont les clients visés qui changent (voir figure 8.2). Ce paradigme est celui généralement proposé par les méthodes de marketing.
3e possibilité : vision
Vous estimez que votre client n'a rien compris, que l'avenir est au produit vert, que le vouloir en bleu est stupide et n'a aucun sens. L'avenir est au vert, de toute évidence, et pas au bleu. Vous revenez à la charge. Vous développez vos actions de communication, faites parler des experts pour défendre et promouvoir l'idée d'un produit vert, et pas bleu. Il s'agit ici du paradigme visionnaire (voir figure 8.3).
Ça peut passer : Marc Benioff, fondateur de salesforce.com, a passé des années à promouvoir ce qu'on appelle le cloud, c'est-à-dire l'accès à des solutions informatiques distantes, aujourd'hui très répandu. Souvent ça casse, cependant, et les cimetières sont remplis de visionnaires comme General Magic, que nous avons évoqué au début de ce livre.
4e possibilité : co-création
Vous êtes d'accord sur le principe de modifier la couleur du produit,
mais vous êtes conscient des coûts et du délai. Vous êtes surtout
conscient que lorsque vous reviendrez avec le produit bleu, votre client
aura peut-être changé d'avis. Demander une modification du produit, en
effet, ne lui a rien coûté. Peut-être n'était-il pas vraiment sérieux
quand il vous a demandé la modification. Peut-être même qu'il aura
changé de poste, et que son successeur ne croira lui qu'aux produits
rouges, et en matière recyclable, en plus.Vous décidez donc d'accepter la modification du produit à condition que le client s'engage également, de son côté, d'une manière ou d'une autre. Par exemple en signant une précommande pour le produit bleu, en mettant un ingénieur à votre disposition, ou en vous avançant des fonds. En bref, le paradigme ici est celui de la co-création par l'engagement réciproque des deux parties (voir figure 8.4).
La quatrième approche montre l'intérêt de la co-création. L'engagement du client (il consomme des ressources, donc il démontre sa motivation) garantit son intérêt pour le futur produit, et assure également que ce futur produit correspond bien à un besoin, puisque le client paie déjà pour cela. >>>
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