La réforme du droit des sociétés de l'OHADA
Une
évolution majeure du régime du droit des sociétés en Afrique sub-saharienne .
Avec une
population qui devrait passer de 1 milliard aujourd'hui à 1,5 milliard d'ici
2035, le potentiel économique de l'Afrique est en plein essor. Selon la Banque
Mondiale, le PIB global en Afrique sub-saharienne atteignait 1,29 milliards de
dollars en 2012, et le Fonds Monétaire International prévoit que son taux de
croissance atteindra 6 pour cent en 2014. L'Afrique francophone, et plus
particulièrement la zone OHADA qui couvre 17 pays d'Afrique de l'Ouest et
d'Afrique Centrale, a le potentiel pour attirer l'intérêt grandissant des
investisseurs.
A la suite
de son adoption par le Conseil des Ministres de l'OHADA, la réforme de l'Acte
Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et au Groupement d'Intérêt
Economique (« R-AUSC ») a été publiée au Journal Officiel de l'OHADA
le 4 février 2014 et entrera en vigueur le 5 mai 2014.
Le R-AUSC
est très largement inspiré du droit des affaires français et de sa pratique et
va fortement renforcer la fiabilité et la flexibilité de la structuration des
investissements au sein des pays membres de l'OHADA. Il sera particulièrement
intéressant pour la structuration des joint-ventures, mais aussi des opérations
sur le capital. Il pourra être combiné aux outils et mécanismes historiques
généralement utilisés dans le contexte des transactions internationales.
Tour
d'horizon des points clés de la réforme
Améliorations législatives
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Exemples d'outils innovants et de futures pratiques
facilitées
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Création
d'une nouvelle forme de société, élaborée sur le modèle d'une société à
responsabilité limitée contractuelle française, la SAS, plus flexible
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Différentes
structurations contractuelles possibles, ex. : gouvernance, transfert
d'actions, etc.
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Mise en
place d'un nouveau régime d'actions de préférence
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Possibilité
de créer différentes catégories d'actions avec différentes catégories de
droits préférentiels, ex. : droits politiques, droits économiques, etc.
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Création
de nouvelles catégories de valeurs mobilières : obligations convertibles
et autres valeurs mobilières composées
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Nouvelles
possibilités en termes de financement, qui se rapprocheront de ce qui existe
déjà sur d'autres marchés.
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Attribution
d'actions gratuites aux dirigeants et employés
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Possibilité
d'attribuer des actions gratuites selon leurs performances à des dirigeants
ou employés. Cela se rapproche de ce qui existe déjà sur d'autres marchés et
pourra attirer des employés ou dirigeants expatriés.
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Modernisation
de certaines règles de gouvernance, y compris la présence à des réunions par
vidéoconférence
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Amélioration
du processus décisionnel, en particulier pour les investisseurs étrangers aux
conseil d'administration et assemblées générales.
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1. Une
nouvelle société contractuelle plus souple : la « SAS »
Le R-AUSC
introduit une nouvelle forme de société à responsabilité limitée, la SAS, qui,
de notre point de vue, constitue une avancée dans la structuration des sociétés
en droit OHADA et une amélioration significative pour les investisseurs. Cela
devrait permettre l'établissement de structures similaires à celles existant déjà
sur d'autres marchés plus matures.
En effet, la
SAS offre une grande liberté aux associés dans l'organisation de la gouvernance
de la société et leur permet d'adapter les statuts de la SAS à leurs besoins
précis (tels que la structure des organes de gouvernance, les règles qui leurs
sont applicables et les pouvoirs des actionnaires). Il n'y a qu'une seule
condition, la SAS doit être représentée par son Président.
Outre cette
possibilité d'adapter les statuts de la SAS, le R-AUSC prévoit que la violation
d'une stipulation essentielle des statuts de la SAS se traduira par la nullité
de l'action ayant causé la violation ainsi qu'un droit à une exécution forcée
(plutôt qu'un simple droit à des dommages et intérêts), ce qui signifie que les
associés pourront ainsi compter sur leur accord contractuel initial. Cela peut,
dans une certaine mesure, limiter l'intérêt d'un recours à un pacte
d'actionnaires sauf si certains points spécifiques doivent demeurer
confidentiels. Il est d'ailleurs à noter que la validité des pactes
d'actionnaires est désormais reconnue expressément sous réserve de leur
conformité au R-AUSC et aux statuts (qui doivent eux-mêmes se conformer aux
dispositions du R-AUSC, sauf disposition contraire).
Voici
quelques unes des caractéristiques de la SAS que nous utilisons fréquemment
dans la pratique :
- Capital social et valeurs mobilières : aucun capital minimum n'est requis, et il n'y a pas de valeur nominale minimale des actions. La SAS peut émettre diverses formes de valeurs mobilières, y compris des actions de préférence et des valeurs composées (voir ci-dessous). Contrairement à la SA, la SAS ne peut ni faire appel public à l'épargne ni être cotée.
- Représentation de la SAS : la SAS doit avoir un Président, qui peut être une personne morale (représentée par une personne physique) ou une personne physique, investie des pleins pouvoirs de gestion. Ces pouvoirs de gestion peuvent être limités par les statuts, mais comme pour une SA, lesdites restrictions ne sont pas opposables aux tiers.
- Questions relatives à la gouvernance : à l'exception de certains domaines réservés aux associés, tels que l'approbation des comptes, les augmentations ou les réductions de capital et les fusions, les statuts peuvent librement répartir les pouvoirs entre les associés et les organes sociaux et déterminer les conditions de quorum et de majorité requises pour les assemblées générales. Ceci permet la mise en place de domaines de compétences réservés et de droits de véto qui ne seraient pas permis dans une SA, autrement que par le biais de règles de majorité au conseil d'administration. En outre, les statuts peuvent également prévoir des droits de vote multiples attachés à certaines actions, sans restriction du nombre de droits de vote accordés. A l'inverse, seuls des droits de vote double sont autorisés dans une SA (voir ci-dessous).
- Restrictions à la cession des actions : les restrictions à la cession d'actions sont librement déterminées par les statuts. Permettant d'adapter le capital de la société à ses investissements et à sa stratégie, ce mécanisme est fréquemment utilisé en pratique, notamment dans les joint-ventures, consortiums, ou prises d'intérêts minoritaires et ce, que ce soit dans le cadre d'opérations de « private equity » ou de placements privés.
- Gouvernance : enfin, les statuts peuvent prévoir d'autres organes de gouvernance, comme un conseil d'administration, des comités, un directeur général ou encore un directeur général adjoint. Mais le Président demeure dans tous les cas le représentant légal, il est doté des pleins pouvoirs pour engager la société, nonobstant toute disposition contraire prévue dans les statuts.
2.
Introduction de nouveaux types de titres pour les SA et les SAS
2.1 Actions
de préférence1
L'introduction
d'actions de préférence permettra de couvrir un large éventail de structures
adaptées à des investissements spécifiques. La notion d'action de préférence
recouvre notamment les actions sans droit de vote, les actions avec droit de
vote double, les actions conférant des avantages particuliers relatifs aux
dividendes (dividende prioritaire, dividende non proportionnel) ou un droit
spécial à l'information, de manière temporaire ou permanente. Les actions de
préférence peuvent ne bénéficier qu'à certains actionnaires, sous réserve d'une
procédure spécifique. Cependant, le nombre d'actions sans droit de vote ne peut
excéder plus de la moitié du capital social. Outre la structuration de
transactions d'investissements privés telles qu'observées dans d'autres
juridictions, le mécanisme des actions de préférence devrait être un instrument
utile pour les participations gratuites dites de « free-carry »
(non-contributive, non diluable) accordées aux entités publiques, notamment
pour les projets de ressources naturelles.
2.2 Valeurs
mobilières composées
Le R-AUSC
introduit diverses formes de valeurs mobilières composées pouvant être émises à
la fois par une SA et une SAS et clarifie une position qui avait été déduite du
précédent Acte Uniforme sur les Sociétés. Ceci devrait être un outil important
pour le financement des sociétés de droit OHADA, notamment dans le contexte des
prédictions de croissance du « private equity » au sein de la région.
Un certain
nombre de titres convertibles en actions ou autre sont désormais clairement
envisagés tels que les obligations convertibles en actions, les obligations à
bons de souscription d'actions et les obligations remboursables en actions. La
structuration des financements complexes qui existent sur les marchés matures
impliquant des dettes mezzanine et des dettes subordonnées sera ainsi facilitée
; en cas de situation d'insolvabilité, les obligations bénéficient d'un droit
de priorité sur les actions, et il est désormais possible de prévoir, dans les
statuts, différents rangs pour les catégories de titres émis.
2.3 Une
gouvernance motivée par l'allocation gratuite d'actions
Les SA et
les SAS peuvent désormais attribuer des actions gratuites aux salariés et aux
dirigeants, en vertu d'un régime proche de celui du droit français. Le nombre
total d'actions gratuites pouvant être attribuées ne peut excéder 10 pour cent
du capital social de la société. Les salariés doivent conserver leurs actions
pendant au moins deux ans ou pendant une durée supérieure prévue par une
décision d'assemblée générale des actionnaires, alors que les dirigeants
doivent conserver l'intégralité, ou dans certains cas une partie, de leurs
actions jusqu'à la cessation de leurs fonctions.
Cet outil,
utilisé sur le marché français, permet aux sociétés d'attirer et de motiver
certains dirigeants et employés, y compris les cadres et dirigeants accoutumés
à ce type d'incitations.
3. Extension
des restrictions à la cession d'actions au sein de la SA
Outre le cas
de la SAS, où les restrictions à la cession d'actions sont librement
déterminées par les statuts, les limites à la libre cession des actions au sein
d'une SA sont élargies.
La validité
des clauses d'inaliénabilité est expressément reconnue, à la condition que la
durée n'excède pas dix ans et que le recours à une telle clause soit justifié
par un motif sérieux et légitime. Cette dernière exigence n'existant pas en
droit français, sa signification et son impact restent à évaluer.
De plus,
alors que la possibilité de prévoir un droit d'agrément n'est maintenue que
pour les sociétés non cotées, la validité des clauses de préemption est
désormais reconnue.
L'un des
apports les plus importants du R-AUSC est la clarification du régime d'opposabilité
de ces clauses : tout transfert fait en violation de ces dispositions sera
annulé si la stipulation concernée figure dans les statuts ou s'il est démontré
que le cessionnaire en avait ou aurait dû en avoir connaissance en vertu d'un
pacte d'actionnaires. Il était soutenu que cela était déjà le cas auparavant,
mais en l'absence de disposition expresse ou de jurisprudence, une incertitude
régnait. La réforme fournit donc une certitude quant à l'opposabilité de ces
clauses, souvent utilisées en pratique.
4. Autres
apports du R-AUSC
- Utilisation de la vidéoconférence : la possibilité de recourir aux nouvelles technologies pour convoquer des réunions, participer et voter aux assemblées d'actionnaires et aux réunions du conseil d'administration est désormais admise pour toutes les catégories de sociétés à condition que les statuts le permettent et sous réserve de certaines restrictions. Cette reconnaissance vient consacrer la pratique et est particulièrement appréciable dans un contexte d'investissements internationaux.
- Extension du contrôle des conventions règlementées : le champ des conventions réglementées est étendu, dans les SA et SAS, aux conventions entre la société et les actionnaires détenant une participation supérieure à dix pour cent du capital de la société ainsi qu'aux conventions auxquelles ces actionnaires pourraient être intéressés.
- Augmentation de capital et délégation de pouvoirs : les actionnaires d'une SA peuvent déléguer au conseil d'administration la compétence de décider de l'augmentation de capital (dans les limites et conditions fixées par les actionnaires et pendant une durée limitée).
- Formalités de création : le R-AUSC prévoit que les formalités peuvent être accomplies en ligne. L'application concrète de ces dispositions reste à démontrer dans la mesure où les divers registres des sociétés (tels que le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier) n'ont pas encore été informatisés alors même que cette possibilité est déjà autorisée par les Actes Uniformes. Toutefois, le recours à un notaire reste obligatoire pour établir et modifier les statuts de la société2.
Perspectives
Le R-AUSC
constitue indubitablement une étape significative démontrant la volonté des
Etats membres de l'OHADA d'adopter un régime juridique plus moderne en faveur
des sociétés.
Afin que le
nouveau régime juridique du R-AUSC soit un succès, certaines étapes
supplémentaires sont nécessaires. Le RCCM, qui sera responsable de
l'immatriculation des créations de sociétés et des transformations de sociétés
existantes, jouera un rôle clé. La jurisprudence et la pratique joueront
également un rôle important pour clarifier certaines dispositions nouvelles.
[1] Auparavant et sous le régime de
la SA, il n'existait que des droits de vote double pour les actions détenues
depuis au moins deux années. Les catégories d'actions conférant des avantages
particuliers étaient également prévues mais il existait une incertitude quant
au caractère opposable de certains montages en l'absence de précisions sur la
nature des droits susceptibles d'être accordés. Le R-AUSC offre donc plus de
possibilités et réduit les incertitudes.
[2] Il s'agit de l'une des raisons
du retard dans l'adoption de la réforme, puisque cette obligation avait d'abord
été supprimée avant d'être réintroduite à la suite de vives contestations des
parties intéressées. C'est un point à garder à l'esprit compte tenu des frais
ad valorem qu'il implique.
Source :
Linklaters.com/Ohada
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