Etablissements de microfinance: l’Etat veut réduire les risques

(Cameroon Tribune) Une centrale dédiée à cette mission sera officiellement lancée ce jour par le ministre des Finances.
La centrale des risques des établissements de microfinance (CREMF). Voici une appellation à laquelle il faudra désormais s’habituer au Cameroun. Fruit de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner les établissements de microfinance (EMF), qui malgré leur montée en puissance dans l’économie camerounaise, font encore face à de nombreuses difficultés. La centrale sera officiellement mise en service ce jeudi 21 juin à Yaoundé.
Les mésaventures liées à la fermeture de certains
EMF se poursuivent à ce jour. L’une des principales causes, selon le Conseil national du crédit, c’est la difficulté pour les EMF d’apprécier la capacité d’un emprunteur à rembourser ses dettes, au moment de l’octroi du crédit, du fait du manque d’informations financières sur son niveau total d’engagement envers l’ensemble du système financier.
A titre d’illustration, au 31 décembre 2017, les créances en souffrance des EMF cumulaient à 106, 40 milliards de F, soit près de 23% de leur portefeuille de crédits.
Cette centrale a donc pour objectif d’améliorer la qualité des informations financières sur les emprunteurs en vue de permettre aux prêteurs (EMF) de mieux apprécier le niveau total d’engagement des demandeurs de crédit envers le système financier, et par conséquent de mieux évaluer leur capacité de remboursement.
De manière spécifique, il sera question d’affiner leurs décisions d’octroi de crédits en disposant d’un outil additionnel d’aide à la décision, de réduire les créances en souffrance  et améliorer le taux de crédits sains octroyés et de limiter le surendettement de leurs clients.
Il faut dire que de nos jours, le rôle des établissements de microfinance dans l’économie nationale n’est plus à démontrer, et les chiffres du secteur sont assez parlants. Au 31 décembre 2017, ce sont 3,03 millions de comptes qui étaient ouverts dans les 76 EMF de deuxième catégorie que compte le pays, contre 2,14 millions dans les établissements de crédit.
A la même date, les dépôts des EMF représentaient 16,66 % du total des dépôts enregistrés dans le pays,  tandis que les crédits accordés par eux valaient 13,98 % du total des crédits des établissements de crédit.
Jocelyne NDOUYOU-MOULIOM

« La Centrale permettra de détecter les mauvais payeurs »


Jean-Marie Benoît, Directeur national de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, Secrétaire général du Conseil national du crédit.
Monsieur le directeur, le ministre des Finances lance ce jeudi la centrale des risques des établissements de microfinance. A quoi renvoie cette appellation ?
La Centrale des Risques des Etablissements de Microfinance, en abrégé CREMF, est une base de données qui enregistre les informations sur les engagements de la clientèle des banques, des établissements financiers et de microfinance. La CREMF est structurée autour de deux principaux fichiers : le fichier des créances saines, et le fichier des créances en souffrance. Le fichier des créances saines contient les informations sur l’encours des crédits sains accordés à la clientèle, dont le remboursement s’effectue normalement (découverts, facilités de caisse, crédits à court terme, crédits à moyen terme, crédits à long terme, cautions et avals), en nombre et en valeur. Les informations contenues dans le fichier des créances en souffrance quant à elles concernent les créances impayées, les créances immobilisées, les créances douteuses couvertes par la garantie de l’Etat ou par des sûretés réelles, et les autres créances douteuses.
On sait que cette structure vient accompagner les établissements de microfinance. Y aura-t-il choix ou obligation pour les EMF d’y adhérer ?
Les EMF ont l’obligation d’alimenter la CREMF à travers la plateforme CIP-FIBANE-CASEMF officiellement lancée par le ministre des Finances le 23 juin 2016. Cette entrée en relation avec les EMF est encadrée par un protocole d’échanges de données qui fixe les modalités de télé-déclaration suivant la nature des informations collectées. Il appartiendra dès lors aux EMF d’éclairer leurs décisions de crédit à la lumière de ces informations partagées et consultables suivant certaines modalités.
Peut-on espérer que la centrale apporte plus de transparence dans la gestion des EMF et aide ainsi à éradiquer sinon diminuer le phénomène de banqueroute?
C’est là le but ultime de la Centrale des Risques des EMF: réduire le pourcentage des crédits non performants, qui le plus souvent dans notre contexte, sont à l’origine de la faillite des établissements de crédit, notamment le fait que ceux qui s’endettent dans ces établissements ne remboursent pas leurs crédits, au détriment des déposants qui ne peuvent plus de cette façon disposer des fonds qu’ils ont déposés. Car, il faut bien le comprendre, lorsqu’une banque donne des crédits à des clients, c’est sur la base des dépôts qu’ont faits d’autres clients. Or, il se trouve que ce sont souvent les mêmes mauvais payeurs qui écument de nombreux établissements. La Centrale permet par conséquent de les détecter et de les mettre au ban du système financier, tant qu’ils ne remboursent pas les crédits qu’ils doivent. Ainsi donc, dès que vous êtes fichés comme mauvais payeur dans un établissement, vous ne pouvez plus prendre de crédit dans aucun autre.
 

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