Une reconnaissance flatteuse

ct090614.jpgLe moment choisi par l’Union panafricaine des avocats (UPA) pour décerner le prix de la Résolution pacifique des conflits au président de la République du Cameroun est tout sauf anodin. Alors qu’au Mali, les cendres de la guerre sont encore toutes tièdes, que les Occidentaux peinent à réconcilier les deux Soudan, et qu’en Libye, c’est la paix elle-même qui semble en déroute, l’Afrique centrale – hors RDC – préservée jusqu’ici, s’est embrasée. De la Centrafrique au Nigeria, résonnent les bruits de bottes des bandes armées qui se réclament du djihad ou de la purification ethno religieuse.
La déflagration aussi soudaine que dommageable pour des économies sous-régionales en plein essor, ébranle toute la région et menace de déstabiliser un patchwork politique et social fragile, jusqu’aux confins du Cameroun et du Tchad. Pourtant, après les convulsions des premières décennies post- indépendances, la sous-région paraissait relativement apaisée, même si dans certains cas, il ne s’agissait que de la paix des braves ! Tout compte fait, une certaine forme de combat politique avait vécu ; les combats de rue avaient, dans l’ensemble, fait place au débat d’idées et aux élections démocratiques. Jusqu’au tourbillon compulsif qui entraîne depuis peu la Centrafrique dans l’abîme.
Dans un tel contexte, la profession de foi pacifique du chef de l’Etat camerounais ne pouvait que détonner et susciter l’admiration. Son choix obstiné du dialogue, de la concertation patiente et méthodique, son respect des instances judiciaires internationales et de l’arbitrage onusien, pour régler les conflits entre pays, son refus de recourir systématiquement à la force armée, font de lui une espèce à part, dans le concert des dirigeants du monde. Car comme écrivait un auteur britannique, Samuel Butler : « A une juste guerre, préférons une injuste paix ».
Le prix de la Résolution pacifique des conflits est d’autant plus précieux qu’il vient de la société civile africaine, l’Union panafricaine des avocats, donc de l’élite dépolitisée, entreprenante et éduquée, celle qui porte l’ambition d’une Afrique conquérante, celle qui travaille chaque jour à l’éveil des consciences. C’est elle, le chien de garde de l’Etat de droit et des valeurs démocratiques. Son appréciation de la conduite du conflit frontalier de Bakassi est une reconnaissance flatteuse des qualités de leadership et de sagesse de trois hommes d’Etat. Car le président Paul Biya partage sa récompense avec l’ancien président du Nigeria, Olesugun Obasanjo, et l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Koffi Atta Annan.
Pour nous Camerounais, il est naturel, légitime même, de partager la joie et la fierté que le chef de l’Etat a déclaré ressentir à la remise de sa distinction. Le choix de l’UPA est en effet la preuve que les qualités dont les Camerounais créditent l’homme d’Etat qu’ils ont élu et réélu ont frappé les esprits hors de nos frontières. Fierté d’autant plus légitime que comme l’on sait, l’option pacifique pour la résolution du conflit frontalier avec le Nigeria ne fut pas si facile. Les Camerounais, piqués dans leur fierté, n’étaient pas forcément d’avis que c’était le meilleur choix. Et il n’est pas exclu que l’armée elle-même n’eût pas préféré en découdre, pour tenter d’inverser un rapport de force militaire qui paraissait de façon trop évidente – sur le papier – en leur défaveur… Paul Biya l’a quand même choisie et tenue, contre vents et marées.

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