Ma vie d’entrepreneur : l’héroïsme n’est pas mort !


Pauline Laigneau, (@plaigneau), créatrice d'entreprise, Lechos, 04-07-2014
Qui peut être assez fou pour créer son entreprise ? Qui souhaite se condamner à des années de travaux forcés, parfois sans congés, souvent sans salaire confortable, et toujours sans assurance chômage ? La vie de Pauline Laigneau, cofondatrice de la joaillerie Gemmyo, lui a apporté une réponse qu’elle aimerait partager avec vous.

Pourquoi des milliers de déments, les créateurs d’entreprise, déposent chaque année leurs statuts au Greffe et s’enthousiasment à l’idée de se frotter aux tourments de la fiscalité, de l’absence de ventes, des désaccords entre associés ou simplement de la liquidation judiciaire ? Ma vie d’entrepreneur m’a inspiré quelques réponses…
L’entreprise le moteur de la prospérité de la société
Comme je l’expliquais dans mon dernier article, avant de créer ma société, je me destinais à l'enseignement. En six ans d'études à l’Ecole Normale Supérieure, aucun stage, aucune relation avec le monde de l’entreprise. J'étais censée former des jeunes à entrer dans la vie active et moi-même je ne l'avais jamais approchée. Quelle contradiction ! Une contradiction tellement intenable qu’elle m’a fait quitter le monde de l'enseignement pour me tourner vers l’entrepreneuriat.
En créant mon entreprise, je savais que j’allais vivre une expérience enrichissante à tous points de vue : compétences techniques, aventure humaine, management. Néanmoins, en gagnant en maturité, mon aventure m’a appris une chose encore bien plus importante que ce que j’avais initialement anticipé.
Avec le temps – et beaucoup de travail ! - j’ai compris quelque chose qui a redéfini mes convictions et même ma vie toute entière : l’entreprise est le moteur de prospérité pour notre société.
Beaucoup dépeignent notre monde moderne comme une société où l’entreprise est un outil d’asservissement au service de patrons et d’actionnaires. Ceux-là auront vite oublié que les vêtements qu’ils portent, la nourriture qu’ils mangent et l’iPhone 5 sur  lequel ils jouent compulsivement à Candy Crush sont tous les fruits d’une entreprise et du courage de ses fondateurs.
Pour qui l’entreprise crée-t-elle de la valeur ?
Tout cela ne m’a malheureusement pas été appris à l’école. Je l’ai découvert en créant ma propre entreprise : Gemmyo.  Si Gemmyo devient bien rentable, l’entreprise créera de la valeur pour moi bien sûr, en rémunération de mes efforts et de mes nuits blanches, mais aussi pour :
- Mes clients d’abord, qui bénéficient d’une expérience d’achat unique en joaillerie avec des bijoux de la plus grande qualité, fabriqués en France et le confort d’un achat en ligne
- Mes employés qui de 22 à 32 ans sont des jeunes qui échappent au chômage et apprennent à s’épanouir professionnellement dans un environnement stimulant et bienveillant
- La société française, qui reçoit 80 centimes de cotisations sociales à chaque fois que mon entreprise dépense 1€ de salaire net pour un de mes excellents employés
- Enfin seulement, mes actionnaires en rémunération de l’immense risque qu’ils ont pris en confiant à des jeunes sans expérience le fruit de leurs économies dans un projet terriblement incertain
C’est ce principe de base que le monde du travail m’a appris : l’entreprise finance les outils du progrès social. Rien de moins. C’est elle qui permet à nos assurances chômage, maladie et autres retraites d’exister.
Créer une entreprise n’est pas une fin en soi
Que vous soyez entrepreneur ou pas, n’y change rien… après tout l’entrepreneuriat n’est qu’une infime partie du monde de l’entreprise, une partie souvent perçue comme « cool » et enivrante mais qui malheureusement ne crée pas toujours autant de valeur qu’il n’y paraît.
Cela pourra paraître un brin provocateur mais pour moi créer une entreprise n’est pas une fin en soi. Le but de tout de tout entrepreneur doit être de faire fructifier son entreprise, la faire grandir, et ainsi participer à la croissance de son pays. Une startup sous perfusion de fonds n’est guère plus qu’un feu de paille. L’Entreprise, la vraie, celle qui a réussi, celle que j’admire, est libre et indépendante ; elle s’autofinance et peut décider de l’utilisation du surplus comme elle le souhaite. Elle crée de l’emploi et redistribue les fruits de sa croissance. Tous ses salariés participent à cet effort et à ce succès.
La « startup nation » oui mais…
Etre entrepreneur ne suffit donc pas, bien au contraire. Personnellement, je considère que Gemmyo, mon entreprise, a encore un long chemin à parcourir avant que je puisse en être réellement fière. Tant qu’elle ne sera pas solidement rentable, tant qu’elle ne pourra pas être indépendante, ce ne sera pas un vrai succès.
Les militants de la « startup nation » française ne doivent pas s’y tromper. Beaucoup trop de nos jeunes entreprises sont malheureusement dans ce cas. Et trop peu ont l’humilité de l’admettre.

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