Au secours du cinéma en salle
La 18e
édition du festival du film Ecrans noirs s’est achevée samedi 26
juillet dernier à Yaoundé. Le temps d’une semaine, cinéastes et
cinéphiles, tout en visionnant les quelques productions en compétition
ont,
pour la énième fois, débattu autour du mal-être du cinéma africain.
Comme à l’accoutumée, sont demeurées sans réponses les sempiternelles
interrogations sur les freins au développement du 7e art sous
nos tropiques.
Pour le public en général et les cinéphiles de la
capitale en particulier, au regard du peu d’engouement suscité par les
manifestations programmées, l’événement cinématographique de cette année
n’a pas véritablement laissé de souvenirs indélébiles. Et pour cause !
Le secteur du cinéma camerounais répond depuis bien longtemps aux
abonnés absents.
Le
festival Ecrans noirs 2014 a sans doute voulu secouer la torpeur de
notre cinéma, en faisant la part belle au cinéma africain qui marche.
D’où le thème choisi cette année : « Cinéma marocain et nigérian :
quelle voie pour l’Afrique centrale ? ». Pour ne citer que l’exemple du
cinéma nigérian, les succès engrangés par ce modèle jettent une lumière
encore plus crue sur les faiblesses qu’accuse notre cinéma. Avec plus de
10.000 films en 15 ans avec, en 2009, un chiffre d’affaires de 30
milliards de F pour l’industrie de la vidéo nigériane, le cinéma pèse
aujourd’hui 1,2 % du Produit intérieur brut de notre voisin de l’ouest.
Le Nigeria, la plus puissante économie d’Afrique, tire donc une bonne
part de sa richesse de son cinéma qui se développe sans cesse.
Irrésistiblement, voire insidieusement, les films « home video »
produits à Nollywood – sérieux concurrent du Bollywood indien et du
Hollywood américain – confortent l’hégémonie de la culture nigériane à
l’échelle continentale. Il n’est que de considérer l’engouement de
nombreux foyers camerounais pour les chaînes de télévision nigérianes
proposant en anglais, français et autres langues locales, des séries
produites par Nollywood.
Comme
il peut être frustrant de voir le cinéma camerounais se chercher
désespérément, tandis qu’une véritable industrie du cinéma fait plus que
son bonhomme de chemin à nos portes. Les réalisateurs et les comédiens
camerounais ont beau jeu de justifier la faiblesse de leurs productions
cinématographiques par le manque de moyens financiers, le peu
d’empressement des producteurs, le manque de salles de cinéma et la
difficile distribution des films. Il est clair que le problème pourrait
bien se situer, pour une bonne part, au niveau de la qualité technique
et artistique des œuvres proposées. L’histoire du cinéma camerounais a
pourtant connu de meilleurs jours, dans les années 70 et 80. Sauf que la
crise économique est passée par là. Des 32 salles de cinéma que le
Cameroun comptait en 1973, les trois qui ont survécu cahin-caha jusqu’au
au début de ce siècle – Abbia à Yaoundé, Le Wouri à Douala, L’Empire à
Bafoussam – ont cessé de fonctionner en janvier 2009. Dans le même
temps, le Fonds de développement de l’industrie cinématographique
(FODIC), créé en 1973, dans une volonté de l’Etat de structurer la
filière en soutenant financièrement et techniquement la production
cinématographique nationale, a sombré en 1991, suite au désengagement de
l’Etat.
Est-il
trop tard pour sauver le cinéma camerounais ? Sans doute pas. Pour
autant que les protagonistes tiennent chacun le rôle qui est le sien. De
la part des professionnels du cinéma (scénaristes, réalisateurs,
comédiens etc.), on attend des prestations de qualité au plan technique
et artistique, et une aptitude à s’approprier l’outil numérique comme
d’autres le font avec bonheur. De la part des opérateurs économiques
d’envergure, on est en droit d’attendre un franc soutien à la production
et à la distribution des films dans des multiplex ou salles de qualité
où le public ait du plaisir à venir visionner des films de qualité.>>>
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