Pour contrôler votre vie, contrôlez ce à quoi vous prêtez attention
Ne laissez pas les distractions venir à bout de vos aspirations. Plusieurs techniques permettent de reprendre le chemin de la concentration.
Maura Thomas
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(HBR France) Pour bien comprendre ce qu’est véritablement la productivité au XXIe
siècle, rien de mieux que de remonter à 1890 et de se référer à
l’ouvrage de William James (psychologue et philosophe américain qui a
forgé la notion de pragmatisme, NDLR) intitulé « Principes de
Psychologie, Vol. 1 » dans lequel il a écrit cette phrase, riche de
sens : « Mon expérience est ce sur quoi je décide de me concentrer ».
Votre attention détermine vos expériences qui,
à leur tour,
déterminent la vie que vous menez. Autrement dit : pour contrôler votre
vie, contrôlez votre attention. Aujourd’hui, dans un monde où tant
d’expériences se mêlent – où nous pouvons travailler de chez nous (ou
dans un train, un avion ou encore à la plage), regarder ce que font nos
enfants par le biais d’une caméra de surveillance quand nous sommes au
bureau et où des myriades distractions sont à portée de pouce – cette
affirmation ne prend-elle pas plus que jamais tout son sens ?Gestion de l’attention
Pour être en permanence productifs et mieux gérer notre stress, nous devons renforcer nos compétences en gestion de l’attention.
La gestion de l’attention est la pratique qui consiste à contrôler les
distractions, à vivre dans l’instant présent, à savoir trouver le « flow » et à maximiser sa concentration afin de pouvoir libérer son génie.
C’est faire les choses de manière intentionnelle et non pas réactive.
C’est la capacité à prendre conscience du moment où votre attention se
détourne (ou peut l’être) et de réussir à la garder concentrée sur les
activités de votre choix. Plutôt que de laisser les
distractions vous égarer, c’est vous qui, à tout moment, choisissez
l’objet de votre attention en fonction de vos priorités et de vos
objectifs.
Cependant, cette meilleure gestion de l’attention dans le but
d’améliorer sa productivité va bien plus loin que le simple fait de
cocher des cases sur une liste de choses à faire. L’objectif final est
bien plutôt de vous mettre en position de choisir la vie que
vous voulez, en fonction de ce qui vous importe. C’est plus qu’un simple
exercice de concentration : cela implique de reprendre le contrôle de
son temps et de ses priorités.
Aspirations versus expériences
Les dirigeants avec lesquels je travaille me disent tous : « La chose
la plus importante que je puisse faire en tant que manager est de
soutenir et d’encourager le développement des membres de mon équipe. Je
crois en mon rôle de mentor et de coach.
C’est là que je peux faire la différence et c’est ce qui fait que
j’aime mon travail ». Mais après, voilà ce qu’ils me disent sur la façon
dont leurs journées se déroulent vraiment : « Je consacre une
bonne partie de mon temps à traiter mes e-mails et à éteindre des
incendies. J’ai débuté l’année avec un programme de coaching pour mon
équipe, mais étant donné tout ce qu’il y a à faire par ailleurs, il est
passé à la trappe. Mes entretiens en tête-à-tête avec des membres de mon
équipe ne sont pas aussi fréquents que je le souhaiterais et l’on finit
toujours par trop parler des “arbres” et pas assez de la “forêt” ».
Même si vous vous considérez comme un défenseur passionné du coaching
et du mentorat, vous n’aurez pas l’impact espéré si vos actions et vos
expériences ne reflètent pas ces valeurs. Comme l’a si bien résumé
James, ce sur quoi vous concentrez votre attention détermine votre
expérience. Et ces expériences deviennent votre vie. Ainsi, si votre
attention ne cesse d’être détournée et vos journées phagocytées par les
courriels, les réunions et les extinctions d’incendies, les semaines et
les mois passant, bientôt votre vie ne sera plus remplie que par des
« expériences » que vous n’aurez jamais vraiment choisies .
Alors, pourquoi ne pas tout simplement sélectionner nos expériences
pour pouvoir vivre la vie que nous désirons ? Pourquoi y a-t-il un fossé
douloureux entre le moi auquel nous aspirons et la façon dont nous
passons notre temps ?
Le fait que James, un homme du XIXe siècle, réfléchissait déjà à ce
sujet montre que cela fait un bon moment que nous sommes en proie au
conflit qui oppose nos objectifs et nos valeurs au leurre des
distractions. Bien entendu, nous vivons dans un monde qui en compte bien
plus qu’il n’en existait dans les années 1890. Quand James a publié
« Principes de psychologie », le téléphone venait d’être inventé.
Aujourd’hui, nos téléphones et autres appareils connectés à Internet ne
nous quittent pas de la journée, nous délivrant un volume d’informations
inimaginable pour le psychologue. La compétition pour notre attention
s’est accrue de manière exponentielle.
Mais reprenons notre exemple de mentorat et de coaching.
Commenceriez-vous chaque journée résolu à vous concentrer sur le
développement de votre équipe, il y a fort à parier que vos bonnes
intentions se retrouveraient rapidement balayées par l’avalanche de
demandes quotidiennes caractéristiques de la vie professionnelle.
Dans cet environnement de travail frénétique, réussir à accomplir les
choses qui vous importent le plus n’arrivera pas tout seul. Et vous ne
pouvez pas non plus compter sur le hasard. Votre surcharge de travail
vous oblige quotidiennement à choisir les sujets qui feront l’objet de
votre attention – et donc les expériences que vous vivrez.
Choisir ce dont vous vous occuperez de façon délibérée
C’est là que la gestion de l’attention vous offre une solution. C’est
une approche délibérée qui vous permet de reprendre le contrôle en
luttant contre les distractions et en créant des occasions de soutien à
vos priorités tout du long de la journée. Commencez par les facteurs externes :
– Contrôlez votre technologie. Rappelez-vous qu’elle
est là pour vous servir, et non l’inverse ! Reprenez le contrôle en
désactivant les notifications de votre courriel ainsi que toutes les
notifications « push » spécifiquement conçues
pour détourner votre attention. Cela vous permettra de vous concentrer
plus longtemps sur des tâches et des activités de votre choix. Aussi
souvent que possible et en particulier lorsque vous travaillez, mettez
votre téléphone sur silencieux et tenez-le hors de vue.
– Contrôlez votre environnement. Fixez des limites
par rapport aux autres, surtout si vous travaillez dans un open space.
Par exemple, mettez des écouteurs ou affichez une pancarte « Ne pas
déranger » lorsque vous devez vous concentrer. Si cela ne fonctionne
pas, installez-vous si possible ailleurs dans votre bureau, ou même à un
autre étage de votre immeuble. Et si cela ne suffit toujours pas, vous
pouvez proposer à vos collègues de faire d’une certaine heure de la
journée ou d’un jour de la semaine un moment « sans distractions » pour
que tout le monde puisse se concentrer.
Mais il ne faudrait pas oublier une autre vérité : notre productivité
ne souffre pas seulement parce que des sollicitations externes nous
distraient, mais aussi parce que notre cerveau, surchargé par nos
rythmes effrénés de travail, est lui-même devenu source de distraction.
Par exemple, le problème n’est pas seulement que les e-mails nous
interrompent dans notre travail, c’est aussi le fait que comme nous
sommes enchaînés à notre boîte de réception, nous sommes conditionnés à
être interrompus toutes les cinq ou dix minutes, ce qui diminue d’autant
notre capacité de concentration. Vous craignez alors tellement
d’oublier de faire une tâche mineure – par exemple envoyer un mail ou
faire suivre un document – que vous vous mettez à faire les choses
aussitôt que vous y pensez ; et c’est là que vous vous retrouvez happé
par votre boîte de réception pleine à craquer avant même de comprendre
ce qui vous arrive. De plus, le fait de savoir que l’ensemble des
connaissances du monde se trouve “à portée de doigts” – via votre
smartphone et Internet – rend l’ignorance très inconfortable et la
tentation d’y remédier difficile à résister. Il vous faut donc apprendre
aussi à contrôler les facteurs internes.
– Contrôlez votre comportement.
Mettez à profit ces moments où vous aurez pris le dessus sur la
technologie et où vous aurez sorti votre pancarte « Ne pas déranger »
pour vous exercer à ne vous consacrer qu’à une seule tâche à la fois :
n’ouvrez qu’un programme sur votre ordinateur et concentrez-vous sur une
tâche et une seule jusqu’à ce que vous en soyez venu à bout ou jusqu’à
ce que vous ayez atteint votre objectif intermédiaire. Faites des pauses
au cours de la journée durant lesquelles vous vous tenez à distance de
votre ordinateur. Essayez de vous déconnecter complètement (aucune
technologie) pendant au moins une heure ou plus, aussi souvent que
possible. Commencez par des périodes de quinze à vingt minutes puis
augmentez progressivement les plages de temps jusqu’à une heure ou même
quatre-vingt-dix minutes.
– Contrôlez vos pensées. Pour nombre d’entre nous,
c’est l’étape la plus difficile à franchir et c’est pourquoi je l’aborde
en dernier. L’esprit est conçu pour divaguer .
Entraînez-vous à prendre conscience du moment où vos pensées s’engagent
d’elles-mêmes sur des voies de traverse et à les ramener en douceur
dans la direction souhaitée. Si une tâche minime mais importante vous
vient à l’esprit alors que vous êtes concentré sur votre travail,
notez-la sur un carnet et occupez-vous en plus tard. Faites de même avec
les informations que vous souhaitez chercher sur Internet.
S’entraîner à contrôler son attention n’éliminera pas les
distractions de votre journée. Mais à mesure que vous apprendrez à
prendre conscience des moments où vous devenez distraits et à « muscler
votre attention » en prenant le réflexe d’utiliser les techniques
décrites ci-dessus, vous commencerez à reprendre le contrôle de votre
vie et à vous concentrer sur ce qui compte vraiment pour vous. Ne
laissez pas les distractions avoir le dessus sur vos aspirations et vos
intentions. Contrôlez plutôt votre attention pour contrôler votre vie.
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