Crédit bancaire: une loi pour contraindre au remboursement

Au cours du Conseil national du crédit tenu récemment à Yaoundé, un projet de texte pour amener les clients à s’acquitter de leurs dettes a été étudié.
(Cameroon Tribune) Le Conseil national du crédit (CNC) s’est réuni à Yaoundé le 24 juillet dernier sous la présidence de Louis Paul Motaze, ministre des Finances. Les communiqués rendant publiques les conclusions de ces assises viennent d’être dévoilés.
L’une des informations phares concerne le projet de loi
en gestation portant répression du non remboursement de crédit. Le président du Conseil, Louis Paul Motaze a invité les membres à une lecture approfondie du texte afin de s’«assurer que toutes les problématiques ont été prises en compte ». Ces derniers avaient un délai de dix jours pour lui transmettre leurs éventuelles observations afin d’achever très rapidement la finalisation dudit texte.
Cette question soulevée au Conseil national du Crédit vient remettre au goût du jour la thématique du non remboursement de crédit qui a fait couler plusieurs établissements. Elles sont nombreuses les banques qui ont dû faire banqueroute à cause de cette « indélicatesse des débiteurs ».
Une campagne de sensibilisation engagée il y a quelques années par le CNC visait déjà à les motiver. « En vous accordant un crédit, un établissement vous fait une avance de fonds prélevés sur l’épargne déposée par d’autres clients. Ce crédit vous engage et doit être remboursé, pour la survie de l’établissement qui vous l’a accordé, et pour le développement du pays.
Si vous ne remboursez pas votre crédit, vous bloquez la croissance et le développement du pays », avaient tenté d’expliquer les responsables du CNC. Le directeur du Crédit foncier du Cameroun (CFC), Jean Paul Missi l’avait d’ailleurs dénoncée en octobre dernier, au cours d’une session de formation de ses cadres par des experts de la COBAC, le régulateur du secteur bancaire dans la zone CEMAC. Il n’en était pas à sa première dénonciation.
En 2014 déjà, las d’attendre les remboursements de personnes physiques mais aussi morales, saisi le Contrôle supérieur de l’Etat pour recouvrer ses fonds en souffrance. En 2012, il réclamait près de 53 milliards de F à ses débiteurs.
D’après les statistiques du CNC, le montant des créances brutes en souffrance se chiffre à 328 milliards de F au 31 décembre 2013, soit 14% du total des crédits-clientèle non-financiers.
L’on se rappelle que des établissements tels que Comeci, Fiffa, Capcol avaient entre autres comme motifs de banqueroute : le non remboursement de crédits. Quelques actions sont néanmoins déjà entreprises par le gouvernement pour réduire au maximum ce fléau, notamment auprès des établissements de microfinances dont les créances en souffrance au 31 décembre 2017 cumulaient à 106,40 milliards de F, soit près de 23% de leur portefeuille de crédits.
La Centrale des risques des établissements de microfinance (CREMF) dont l’objectif est de mieux évaluer la capacité de remboursement du prêteur a été mis en service en juin dernier.

Berthe Eko Eko, directeur de la coopération financière et monétaire au ministère des Finances.
 « Le risque persiste »
Responsive imageQuelles mesures sont mises en place par le ministère des Finances pour accompagner les banques dans le processus de recouvrement de leurs créances auprès des mauvais débiteurs?
Le problème de non remboursement des crédits est un chantier important sur lequel le gouvernement s'est engagé avec le Programme économique et financier 2017 -2020. C'est ainsi qu'un document de stratégie d'apurement des créances en souffrance a été élaboré au ministère des Finances en collaboration avec le FMI et la COBAC. Le Gguvernement s'est engagé ainsi à sensibiliser: d'une part, les clients sur les conséquences néfastes du non remboursement et vous avez souvent vu des communiqués du Conseil national du Crédit; d'autre part les banques elles-mêmes sur le respect de la règlementation prudentielle en vigueur et les bonnes pratiques. Ainsi, il est prévu de privilégier les actions de renégociation et de restructuration des créances avec les débiteurs de bonne foi. C'est en vue de résoudre sur le long terme ce problème de créances douteuses notamment les lenteurs judiciaires, qu'il est prévu dans les prochains mois une formation des juges et greffiers en matière de résolution des conflits bancaires. Cette formation s'étendra avec le temps aux auxiliaires de justice. A cela s'ajoute au niveau des juridictions le projet au Ministère de la Justice, de création d'une chambre de mise en l'état.
Quelles sont les conséquences de cette pratique pour les établissements bancaires ?
Il convient de rappeler que la banque collecte les dépôts des épargnants qu'elle octroie en crédit. Ce qui veut dire que lorsque la banque donne un crédit à un client, cet argent appartient à quelqu'un d'autre qui voudra le récupérer à tout moment et lorsque ce crédit n'est pas remboursé, c'est l'autre client qui coure le risque de ne plus avoir son argent. Le non remboursement du crédit constitue ainsi la cause principale des difficultés financières des banques aujourd'hui les entrainant de ce fait à la liquidation. En effet, une banque doit conserver un bas niveau de créances douteuses si elle souhaite prospérer sur le long terme et pouvoir ainsi continuer à réaliser des bénéfices en accordant des prêts. Une banque détenant trop de créances douteuses ne peut accorder le crédit nécessaire aux entreprises qui souhaitent investir et créer des emplois. Lorsque cette situation concerne de nombreuses banques pour des volumes importants, l'économie est affectée globalement ainsi que ses différentes composantes.
Comment sera gérée la question de la surliquidité des banques au cas où le problème de recouvrement des créances est aplani ?
Malgré l'existence de l'Agence de Promotion des Petites et Moyennes Entreprises et du Bureau de Mise à Niveau des Entreprises créés pour accompagner les PME, le risque de non remboursement des crédits persiste. Ceci peut être le fait du manque de responsabilité des entrepreneurs quant à leur volonté à rembourser leurs emprunts. Ainsi, la surliquidité des banques peut s'expliquer non seulement par l'inexistence des projets bancables mais également par les risques de non remboursement de crédit très élevés. De ce fait, la possibilité de répression à travers l'adoption d'une loi sur la répression du non remboursement du crédit en tant mécanisme dissuasif, permettra aux banques de trouver un terrain plus favorable à l'octroi du crédit et par conséquent à la résolution de la question de surliquidité.

Commentaires