Ma super idée ? C’est un secret !
Par Stéphane DEGONDE, blogs.lentreprise.com
"S’enfermer dans le secret, c’est travailler contre son idée et
réduire les chances d’en faire un succès. Convenez qu’il y a eu des
silences plus profitables !" - Stéphane DEGONDE
Ils ont le verbe mystérieux, le regard brillant des ambitions
majeures et le sourire presque empreint de malice : “J’ai une super
idée…mais je ne peux pas en parler”. Combien de fois l’avons-nous
entendu ce “teasing” à double entrée : une amorce qui interpelle et
suscite la curiosité
; une fin qui supprime toute possibilité d’échange,
au risque même de condamner la meilleure des idées. Si elles sont
nombreuses celles qui ont été présentées de la sorte, elles sont presque
tout autant à être restées coincées dans le songe, puis définitivement
oubliées.
Il est vrai que communiquer sur son idée n’est pas le plus naturel
des réflexes chez bon nombre d’entrepreneurs en devenir. Il y a tout
d’abord la crainte de voir l’idée reprise ou copiée par un autre
entrepreneur qui aura su faire preuve d’opportunisme. L’histoire de
Facebook a ainsi conforté les plus virulents partisans du secret. La
peur du jugement n’est pas anodine non plus, car parler de son idée,
c’est la confronter à l’avis des tiers, et donc l’exposer à la critique
et aux objections qui démotivent. Et puis avoir une idée, c’est faire
partie du “club” de ceux qui ont des idées. Combien rêvent en effet de
créer une entreprise…sans jamais passer à l’acte faute d’inspiration ?
Donc quand on a une bonne idée, on la protège ! Un peu comme le ticket
gagnant de l’euro-million. Sauf qu’en faisant cela, on oublie une chose
pourtant essentielle : au stade de l’idée, les bons numéros n’ont pas
encore été tirés.
Car la bonne idée ne fait pas tout… Et même pourrait-on dire, elle ne fait presque rien.
On la pense géniale, mais c’est souvent par manque d’information ou
de réflexion. D’autres ont-ils pu avoir la même idée, tenté de la mettre
en œuvre, pour finalement abandonner pour de bonnes raisons ? A
regarder au travers du seul prisme de son intime conviction, on finit
par s’aveugler et perdre en lucidité. Qui plus est, la bonne idée
survient souvent, du moins le croit-on, dans un domaine que l’on ne
connait pas. Si la fraîcheur change le regard porté sur les besoins et
pratiques d’un secteur d’activité, elle tient aussi éloignée de la
connaissance des contraintes et des freins. Etre un novice n’est pas
forcément être plus malin que les autres. C’est aussi être moins initié.
La prudence s’impose donc.
On la pense unique aussi. Mais si une chose est quasiment garantie en
matière de bonne idée, c’est que beaucoup d’autres ont eu la même au
même moment. Et pour une raison toute simple : les signaux faibles ! Si
vous avez su les capter, vous n’êtes pas le seul. L’évolution d’une
réglementation, l’apparition d’une nouvelle technologie, le lancement
d’un nouveau concept à l’étranger…autant de signaux qui amorcent,
consciemment ou inconsciemment, de nouveaux raisonnements, des
déductions logiques, des associations d’idées. Beaucoup vont les
percevoir. Un assez grand nombre va les intégrer et en déduire l’idée
d’une nouvelle offre. Quelques-uns vont y travailler. Très peu vont
lancer véritablement le projet et en faire une réalité. Un ou deux
seulement en feront une réussite.
On considère enfin la communication de l’idée comme un risque. Celui
de se la faire voler. Et pourtant ce risque est quasi nul. Car une idée
émise, c’est une information parmi beaucoup d’autres pour celui qui la
reçoit. Si l’écouter est une chose, l’entendre au sens de “se
l’approprier” en est une autre, et décider de s’investir véritablement
sur le projet une toute autre histoire… Il faut avoir le temps, l’envie,
l’énergie, un contexte personnel favorable, des réseaux et relations
pour nourrir les réflexions, la volonté, et la capacité d’entreprendre
aussi. Ça en fait des si pour une seule idée ! Et puis avoir commencé à
travailler sur une idée, c’est déjà avoir pris beaucoup d’avance sur les
autres. Une avance que l’on a toujours tendance à sous-estimer.
Rattraper le premier initiateur de l’idée demande du temps et des
investissements souvent conséquents.
Enfin, s’il y a bien une chose dont il faut savoir se persuader,
c’est que l’idée n’est rien à côté de son exécution. Une idée
d’entreprise est un peu comme une partition de musique : des notes
identiques, mais mille interprétations possibles, et un résultat chaque
fois différent.
En refusant de parler de son idée, le futur entrepreneur lui refuse
la chance d’être enrichie, reconsidérée, adaptée, améliorée par l’avis
des autres, nourrie de la culture et de l’expérience de ses
interlocuteurs. Communiquer sur son idée, c’est accélérer et gagner du
temps vis-à-vis de ses concurrents éventuels. La confrontation permet
d’éviter et corriger les erreurs d’appréciation et de jugement. La
verbalisation aide à formuler, reformuler, clarifier et valider le
message, pour mieux vendre et convaincre, avec un mot d’ordre : se
demander si l’on sait facilement expliquer son idée. Si ce n’est pas le
cas, il faut retravailler son message ; Et si ce n’est toujours pas le
cas, changer d’idée! Enfin la communication permet de rallier
spontanément des compétences et expertises au projet, sans avoir à
engager des démarches actives. Si l’idée est vraiment bonne, nombreux
seront ceux qui voudront aider, sous des formes diverses.
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