« Le football est le miroir le plus déformant des succès et échecs de management »
(Les Echos Entrepreneur) Christophe Chenut a été successivement président du club de foot du Stade de Reims, directeur général de « L'Equipe » puis de Lacoste, et enfin CEO de l'agence de mannequin Elite World. De son expérience dans le ballon rond, il tire des parallèles entre management et football.
Le football est une source d'inspiration
pour l'entreprise, que ce soit au niveau de l'effort, du
perfectionnisme et du collectif. Je ne crois pas qu'un beau discours
règle tout. Un beau discours, c'est un moment
dans une année mais après
cela se passe au quotidien. Il faut s'inspirer du football pour gérer ses talents : le développeur informatique, le meilleur commercial. Ce qui marche dans l'extrême marchera d'autant mieux dans la norme.
Quelles valeurs du football peut-on transposer ?
Le football est le miroir le plus déformant et le plus connu des succès et des échecs de
management
de talents. C'est celui dont on peut le plus s'inspirer
pour des situations traditionnelles dans des entreprises. Le football
est un sport individuel qui se joue à 11, et c'est probablement dans une
équipe de
football
que l'on retrouve la plus forte concentration de
talents et d'ego. Arriver à gérer ça est beaucoup plus complexe que de
gérer une équipe dans une entreprise où il y a un, deux, voire trois
personnages compliqués.
Comme c'est médiatique, on en
parle partout, donc c'est assez facile dans une conférence ou dans un
coaching d'utiliser un exemple que tout le monde connaît pour dire : ce
succès est lié à ça, cet échec est lié à ça, en caricaturant. Qui peut
le plus peut le moins : si on est capable de gérer un cas d'équipe de
football complexe, on est capable de le faire dans une entreprise.
Qu'entendez-vous par « le football est comme une start-up » ?
Les jeunes générations, qui ont baigné dans le digital,
arrivent dès vingt-cinq ans sur le marché du travail avec la sensation
d'être des stars. Elles se comportent un peu comme des footballeurs,
alors qu'elles démarrent dans la vie professionnelle.
Pourquoi les jeunes sont-ils comme ça ? Parce que depuis l'âge de quinze ans, avec les outils digitaux
ils sont leur propre média. Certains sont populaires. Ils pensent avoir
une liberté totale vis-à-vis des entreprises qui les embauchent, et
même en repartir au bout d'une semaine. Dans cette génération start-up,
il y a des personnes qui sont un contre-pouvoir parce qu'elles ont du
talent. Dès leur entrée dans l'entreprise, il faut les gérer si on veut les garder.
Quelles situations de tension peut-on vivre dans le football et en entreprise ?
Des jalousies de statut. Gérer et investir oblige soit l'entraîneur, soit le président à accorder des passe-droits, et vous avez des fractures dans le vestiaire parce que certains n'ont pas le même statut.
Dans l'entreprise, vous avez des gens qui voyageront en 1re classe
et d'autres en classe économique, certains feront des entretiens de fin
d'année et d'autres non. Ces traitements différenciés, on les retrouve
dans une équipe de football et en entreprise. La différence est que,
dans un cas, c'est médiatisé, dans l'autre, ça reste dans la sphère de l'entreprise. C'est plus facile pour le manager dans une entreprise classique parce qu'il n'a pas à gérer la crise médiatique.
Avec les réseaux sociaux, a-t-on de plus en plus de mal à gérer ce genre de crise en entreprise ?
A la dimension de l'entreprise classique, les
choses se sont accentuées. On parle beaucoup de transparence. Il faut
partir du principe qu'une information va toujours sortir. Cela sortira à la télé
quand c'est du foot, ou dans le réseau de l'entreprise. Aujourd'hui,
vous mettez l'information sur Facebook, c'est parti, « fake news » ou
non.
On a toujours tendance à parler des trains qui
arrivent en retard. Il y a aussi des jolies histoires dans le football,
en Coupe de France, les champions de France avec Montpellier ou Nice
qui a failli l'être, des réussites construites autour d'une alchimie. L'effectif n'est pas le meilleur, mais le manager, le relais qu'il avait dans l'équipe, cela a constitué un ensemble assez homogène qui a permis de niveler l'équipe vers le haut.
Les Bleus de 1998 ont su le faire. On peut essayer de décrypter ce qu'a fait Aimé Jacquet en se privant de certains
joueurs
et en trouvant des relais dans l'équipe. Il y a eu un
certain nombre d'éléments de management qui ont permis de souder
l'équipe. A l'inverse du drame de Knysna [l'incident dans l'autobus lors
de la Coupe du monde 2010], qui est le contre-exemple de management.
Inversement, en entreprise on parle peu des échecs et beaucoup plus des réussites…
Tout le monde veut se protéger ou se
valoriser, on parle seulement de ses succès. Or, on apprend plus pendant
ses échecs. Et puis, c'est plus difficile de reconnaître un échec.
Souvent on sait identifier la raison de l'échec, alors que la raison du succès est une addition de plusieurs petites choses.
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