Fonctionnement des régions, statut des personnels communaux…: des textes réglementaires en vue

L’intégralité du propos liminaire du ministre de la Communication lors de son point de presse hier à Yaoundé.
Responsive image« Mesdames, Messieurs les journalistes,
Je vous ai conviés à la rencontre de ce jour, pour que nous puissions nous entretenir sur le processus de décentralisation tel qu’il est conduit dans notre pays, notamment depuis sa
constitutionnalisation le 18 janvier 1996.
Je vous souhaite donc à toutes et à tous une chaleureuse bienvenue à cette occasion.
Permettez-moi tout d’abord d’apporter des éclairages sur la notion de décentralisation, afin de nous assurer que nous serons tous au même niveau d’entendement et d’appréciation des informations que je m’apprête à vous communiquer.
S’agissant donc de la décentralisation, nous convenons de dire qu’elle consiste en un mode d’organisation et de gestion des affaires publiques caractérisé par un transfert de l’État vers les collectivités territoriales décentralisées, des compétences particulières et des moyens appropriés pour les exercer. On pourrait ajouter que cette décentralisation peut se faire au plan territorial ou au plan purement économique.
Je rappellerai rapidement que ce mode d’organisation et d’administration de l’État trouve ses origines dans l’histoire profonde du Cameroun, notamment dans les années qui suivirent la fin de la première guerre mondiale, avec l’institution du régime de mandat sous les auspices de la Société des Nations, puis de celui de la tutelle avec l’avènement de l’ONU.
Au cours de cette période, on avait alors assisté à une municipalisation progressive du territoire camerounais, guidée par le principe de « l’Indirect Rule » dans la partie occidentale du pays administrée à cette époque par la Grande-Bretagne et rattachée au Nigeria, ce pendant que la partie orientale administrée par la France était davantage gérée sur la base d’un modèle marqué par l’intégration des populations locales à l’administration française.
La période post-indépendance va se traduire quant à elle par un certain ralentissement de cette tendance, notamment dans l’ex-Cameroun oriental.
De fait, la parenthèse fédérale de 1961 à 1972 laissera subsister deux systèmes de gestion des affaires locales, avec une autonomie plus poussée dans l’État fédéré du Cameroun occidental que dans celui du Cameroun oriental.
La Constitution du 2 juin 1972 n’offrira en réalité que des perspectives réduites à l’enracinement de la décentralisation.
La Constitution le 18 janvier 1996 donne une nouvelle impulsion et un contenu plus ambitieux à la décentralisation. Cette mutation fondamentale ouvre alors la voie à un véritable enracinement d’un processus de la décentralisation.
En son article 1er en effet, la Constitution de 1996 stipule que le Cameroun est un État unitaire et décentralisé. Mais au-delà de cette affirmation de principe, une triple évolution se dessine clairement. Elle porte à la fois sur l’amélioration au plan institutionnel de la représentativité des collectivités territoriales décentralisées de par la création du Sénat, l’avènement des Régions et la consécration des principes directeurs de la décentralisation qui sont l’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées, la tutelle de l’État sur lesdites collectivités, le transfert de certaines compétences de l’État vers ces mêmes collectivités.
Suivront dans la foulée, l’adoption d’importantes lois et la signature de nombreux textes réglementaires visant à assurer l’encadrement juridique du processus de décentralisation.
Dans le même temps, les principaux organes de suivi de ce processus sont mis en place et rendus opérationnels, notamment le Conseil national de la Décentralisation, le Comité interministériel des services locaux, le Comité national des finances locales et la Commission interministérielle de coopération décentralisée.
C’est dans ce contexte qu’interviennent dès l’année 2010 les premiers transferts de compétences et l’entame de la dévolution des ressources au bénéfice des collectivités territoriales décentralisées.
Outre le socle juridique et institutionnel mis en place pour impulser le processus de décentralisation et dont je viens de tracer les contours, le bilan à ce jour de l’évolution de ce processus révèle des faits significatifs au plan opérationnel, en ce qui concerne principalement le transfert des compétences et des ressources, ainsi que les questions spécifiques à la fiscalité.
S’agissant du transfert des compétences et des ressources, on peut affirmer que le bilan est globalement satisfaisant. L’échéance de l’année 2015 fixée par le Conseil National de la Décentralisation pour le transfert de l’entièreté des compétences aux collectivités territoriales telles que répertoriées par la loi a été respectée à près de 97%.
Ainsi :
- au 31 décembre 2015, 60 compétences sur les 63 prévues à ce titre à partir de 20 départements ministériels, ont effectivement été transférées par l’État aux communes et communautés urbaines. Le transfert des trois compétences restantes a été quant à lui rendu effectif à la faveur des décrets y afférents signés par le Premier ministre, chef du gouvernement en date du 16 décembre 2016.
- Pour ce qui est des ressources financières légalement dévolues aux collectivités territoriales décentralisées par transfert de fiscalité, par dotation ou par les deux, le montant alloué pour la période 2010-2015 se chiffre à quelque 251 milliards de francs CFA.
- S’agissant de la fiscalité elle-même, l’État a déjà transféré aux collectivités territoriales décentralisées les droits de timbre automobile communément appelés « vignette », la taxe de développement local, une quote-part des centimes additionnels communaux, ainsi qu’une quote-part de la redevance forestière annuelle.
Le produit de toutes ces taxes collectées par le Trésor Public et reversées aux communes par le FEICOM s’élève à environ 337 milliards de francs CFA.
Au total, en cinq ans, l’État a reversé aux collectivités territoriales décentralisées près de 600 milliards de francs CFA au titre du transfert de compétences et des ressources financières.
Pour ce qui est des ressources humaines, les personnels affectés au fonctionnement des entités décentralisées bénéficient à périodicité régulière, d’un renforcement de capacités appréciable, à travers la prise en charge par l’État de séminaires et ateliers, ainsi que des programmes de formation dispensés par le CEFAM, le Centre de formation pour l’administration municipale et le Centre national  de formation aux métiers de la ville.
Au registre des rémunérations des personnels des collectivités territoriales décentralisées, le chef de l’État a rendu exécutoires les dispositions du décret allouant aux membres des exécutifs municipaux une rémunération statutaire, de même que certains avantages et indemnités.
Dans le même ordre d’idée, les indemnités des conseillers municipaux ont été revalorisées.
Voilà donc globalement présentés les acquis à l’heure actuelle du processus de décentralisation dans notre pays.
Mais nous ne serions pas tout à fait complets dans la présentation de ce tableau, si nous ne notions pas que, quoique substantiellement appréciable en termes de progression vers l’optimum projeté, le processus de décentralisation comporte encore certains points d’insatisfaction, qu’on peut regrouper en deux catégories : les problèmes de financement et ceux portant sur la gestion des compétences transférées.
Au chapitre des insuffisances en matière de financement, il faut relever :
-une certaine inadéquation entre la nature et l’ampleur des missions dévolues aux collectivités décentralisées, l’exercice des compétences qui leur sont transférées et le volume des ressources allouées et rendues disponibles ;
- l’inadaptation des procédures de délégation des crédits aux impératifs de flexibilité et d’opérationnalité des projets à exécuter ;
- la faible capacité des collectivités territoriales décentralisées à tirer profit de leur autonomisation et des potentiels locaux pour générer des ressources endogènes.
En ce qui concerne la gestion des compétences transférées, les difficultés portent principalement sur les points suivants :
- le déficit de collaboration entre les collectivités territoriales décentralisées et les services déconcentrés de l’État ;
- la complexité de certaines compétences et des procédures requises pour leur exercice, en rapport avec le faible niveau d’expertise des ressources humaines disponibles pour le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées.
Dans l’optique du parachèvement de ce processus de décentralisation, des actions précises se doivent naturellement d’être envisagées et mises en œuvre au niveau du Gouvernement, tant au plan juridique, institutionnel qu’opérationnel.
Au plan juridique et institutionnel, il s’agit de mettre la dernière main à des textes règlementaires dont la plupart sont déjà parvenus à l’étape ultime de leur élaboration.
Ces textes concernent principalement les statuts des personnels et des élus locaux et le fonctionnement des Régions.
Par ailleurs, certaines dispositions législatives devront venir compléter celles déjà existantes pour la gestion des domaines non encore encadrés ou insuffisamment réglementés.
La mise en place effective des Régions nécessite pour sa part une démarcation précise entre les domaines de compétence desdites Régions et ceux de l’État central, y compris ses structures déconcentrées.
Un tel impératif nécessite une révision du texte organique du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, en vue de son adaptation au contexte actuel, c’est-à-dire celui de la prise en compte des territoires de compétence des structures décentralisées.
Au plan opérationnel, il apparaît nécessaire de renforcer l’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées, de relever de manière substantielle la dotation générale de la décentralisation dans son volet investissement, notamment en ce qui concerne les domaines jugés prioritaires en matière de développement local, à savoir l’éducation, la santé, l’eau, l’électrification rurale, l’assainissement, etc.
Mesdames, Messieurs les Journalistes,
Comme vous pouvez donc le constater, le processus de décentralisation est loin d’avoir été statique au cours des vingt dernières années.
Beaucoup de chemin – je dirais même l’essentiel du chemin – a été parcouru. Et ce processus va se poursuivre en s’accélérant.
Il s’agit non seulement d’une prescription constitutionnelle, mais aussi d’une volonté constante et irréversible du président de la République, Son Excellence Paul Biya. Il s’agit là d’une composante essentielle de son projet politique à l’intention du peuple camerounais dont il incarne la souveraineté.
Pour le chef de l’État, la réussite du processus de décentralisation n’est donc pas une option, mais un impératif librement choisi pour porter l’émergence de la nation tout entière.
Je voudrais à ce sujet rappeler à notre mémoire, et sans être exhaustif, ces propos du Président de la République parlant de décentralisation lors de son traditionnel message à la nation le 31 décembre 2009, je le cite : « Nous avons une obligation de réussite car il ne s’agit rien de moins que de donner aux Camerounais au niveau local la possibilité d’être associés à la gestion de leurs propres affaires », fin de citation.
Mais nous devons garder présent à l’esprit que loin d’être une panacée pour la satisfaction de tous nos besoins d’émergence et d’épanouissement, la décentralisation n’en est qu’une modalité et qu’elle se doit de préserver d’autres équilibres majeurs et j’allais même dire supérieurs en termes de valeur fondamentale, au premier rang desquelles l’unité nationale et l’intégrité territoriale.
Et pour citer à nouveau le chef de l’État sur cette même question de la décentralisation, je reviendrai sur une de ses adresses à la nation au cours de laquelle il s’exprimait en ces termes. Je le cite donc : « Cette nouvelle relation entre l’État et le citoyen prendra tout son sens lorsque nous aurons avancé dans la voie de la décentralisation. J’ai déjà dit qu’il s’agissait d’une démarche délicate et complexe qui commandait la prudence, dans la mesure où elle concerne notre unité nationale. Je n’en pense pas moins que la participation des citoyens à la gestion des affaires qui les touchent directement est à encourager, afin qu’ils se sentent mieux intégrés à notre communauté nationale. Nous mènerons ce projet à bien », fin de citation.
Je vous remercie de votre aimable attention».
 

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