Des privatisations aux partenariats publics privés : Quelles opportunités pour les entreprises camerounaises ?


Des privatisations aux partenariats publics privés : Quelles opportunités pour les entreprises camerounaises ?(LEGICAM) Privatisations – Contrats de partenariats public/privé – Développement du secteur privé, c’est autour de ce triptyque que le GICAM a convié un panel de haut niveau pour échanger avec les patrons d’entreprises à l’occasion de l’Acte 2 de son nouveau rendez-vous sur les questions économiques, le Débat Patronal.

Sous la modération de M. Vincent KOUETE, Secrétaire Exécutif Adjoint du GICAM, trois interventions et exposés
ont planté le décor des échanges autour de ces problématiques.

Le Pr Valérie ONGOLO ZOGO, Consultante internationale, experte en planification et évaluation des politiques de transport et en Contrats de Partenariat Public-Privé et par ailleurs Conseiller Technique N°1 au Ministère des Transports, Key Note speaker de la soirée a ouvert le bal en dressant un cadrage général de la thématique.

Evoquant le contexte et l’historique des privatisations au Cameroun, elle a indiqué que ce processus, introduit en Afrique dans les années 90 dans le cadre des Programmes d’Ajustement Structurels, trouve son ancrage dans le Consensus de Washington qui prône le désengagement de l’Etat de l’activité économique.

Au Cameroun, il a surtout pris la forme de cessions d’actifs et a effectivement abouti pour dix-huit entreprises dont quelques unes ont malheureusement disparu depuis lors, notamment : COCAM et CAMSUCO.

Le bilan économique et social des privatisations au Cameroun affiche cependant des résultats plutôt mitigés, caractérisés notamment par le non-respect des cahiers de charges par les repreneurs ; la mauvaise couverture des zones rurales ; les tarifs prohibitifs des services publics et la faible densité des services publics notamment dans les zones rurales. Si le bilan financier paraît positif pour l’Etat, les résultats en termes d’amélioration des performances productives ont été obérés par les coûts cachés, la pratique de l’optimisation fiscale et les prix de transfert.

Les Partenariats Publics Privés (PPP) sont une forme plus subtile mais aussi plus complexe des privatisations. Ils consistent à associer des opérateurs privés, au financement des investissements publics, tout en leur confiant l’exploitation des infrastructures financées (construction des stades, des ports…), à travers un contrat spécifique qui définit les droits et obligations de chacun des partenaires.

D’après l’experte, les risques sont inhérents à la nature des PPP. Ils sont d’ordre technologique, organisationnel, financier, contractuel, et institutionnel et confèrent aux PPP un caractère couteux et une complexité qui implique des négociations longues et difficiles. Si les avis sur leurs impacts sur le développement restent partagés, les PPP continuent de prospérer et de s’étendre à des secteurs divers.

Le Cameroun n’est pas resté en marge de ce mouvement et s’est doté d’un cadre législatif et institutionnel de promotion et de mise en œuvre des contrats de partenariat public/privé. Pour les entreprises camerounaises, en plus d’une implication directe, les PPP ouvrent des opportunités importantes en termes de sous-traitance, de services connexes, de maintenance et même de conseil.
Ces opportunités devraient se multiplier dans la perspective de la réalisation des ODD qui constituent aujourd’hui le nouvel agenda mondial de développement.

Aussi, qu’il s’agisse des PPP ou des privatisations, il revient aux entreprises de se doter des capacités nécessaires pour en faire des leviers de développement pour elles et pour le pays.

Très attendu, le premier panéliste, le Pr Dieudonné BONDOMA YOKONO, en sa qualité de Président du Conseil d’Appui à la Réalisation des Partenariats (CARPA), a structuré son exposé autour de la présentation des différents types et formes de PPP, du cadre normatif des PPP, et du lien entre les privatisations et les PPP.

Il en ressort essentiellement que les PPP peuvent être de type institutionnel (création d’une structure) ou contractuel (contrat entre un partenaire public et un partenaire privé). Depuis sa création en 2006, le CARPA intervient essentiellement dans les PPP contractuels et a déjà évalué 54 projets.

Parmi ceux-ci, 21 contrats de partenariat ont effectivement été signés. Deux (02) d’entre eux sont déjà arrivés à échéance et 9 s’exécutent normalement pour un montant de près de 140 milliards de FCFA d’investissement. Les secteurs concernés sont l’aménagement urbain, la santé, l’immobilier, les systèmes informatiques, la construction d’entrepôts et le transport urbain. Fait notable, la majorité des contrats ont été signés avec des entreprises et des investisseurs nationaux.

Pour le Président du CARPA, le recours aux PPP assure et rassure sur la garantie d’un service public de qualité aux populations, contrairement à une privatisation où la quête du profit est souvent le facteur prédominant. Aussi, il a appelé les entreprises à s’y intéresser davantage et réaffirmé la disponibilité du CARPA à les accompagner.

Le second panéliste, le Dr Daniel ETOUNGA MANGUELLE, Président Directeur Général de Société Africaine d’Etudes et d’Exploitation et de Gestion (SADEG) a porté la voix des chefs d’entreprises.

Considérant qu’il est indispensable d’aller au delà de « l’arbre qui cache la forêt", il a davantage insisté sur les causes profondes des privatisations qui sont notamment liées au modèle économique de la plupart des pays africains hérité de la colonisation et reposant essentiellement sur la production et l’exportation des produits de rente ainsi qu’à la mauvaise gouvernance et à la corruption qui gangrènent presque tous les compartiments de la société. Pour améliorer la situation actuelle, l’orateur propose notamment de mettre en œuvre le concept d’e-Gouvernement, de revoir la fiscalité, et privilégier l’intérêt collectif.

Au cours des échanges, les chefs d’entreprises ont fait part de leurs préoccupations notamment en matière de :  

-La gestion des risques dans les contrats PPP ;
-La spécificité des contrats PPP par rapport aux marchés publics traditionnels ;
-L’informatisation des processus et des démarchés pour pallier l’insuffisance des capacités ;
-Le bilan mitigé des privatisations et des PPP au Cameroun ;
-Le rôle capital des analystes économiques dans le processus de privatisations ;
-Les secteurs de souveraineté qui ne devraient pas faire l’objet de privatisations comme l’électricité et l’eau ;
-Les PPP comme une autre forme d’endettement ;
-La capacité des entreprises camerounaises dans le cadre des PPP ;
-Les mesures pour assurer une plus grande implication des entreprises camerounaises dans les PPP.

Au terme de l’Acte 2 du débat patronal du GICAM, on peut retenir qu’en dépit de la complexité des contrats des PPP, l’Etat est engagé à promouvoir cette nouvelle forme de contractualisation qui met le secteur privé au cœur de la réalisation des infrastructures et de la fourniture des services publics. Il appartient désormais aux entreprises de s’y engager notamment dans le cadre de la sous-traitance mais également en prenant le leadership comme l’on déjà fait certains pionniers au Cameroun et comme cela est déjà le cas dans d’autres pays africains.

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