Les productions locales d'Huiles végétales raffinées en péril
Par Josiane TCHAKOUNTE, Cameroon Tribune
Il n’y a
pas mieux que les images pour décrire ce qui se passe actuellement dans
la filière des oléagineux au Cameroun. La vue des cartons et bidons
d’huiles végétales raffinées et savons s’étendant à perte de vue dans
les magasins des différentes
raffineries du pays confirme les déclarations des industriels locaux :
« Les produits ne se vendent pas ». 650 tonnes d’huiles végétales
raffinées stockées
chez Azur S.A et 150 000 cartons d’huiles en attente
de livraison chez la Société camerounaise de raffinage Maya et Cie. Le
constat a été fait il y a un peu plus d’une semaine (mardi 19 mai 2015),
lors de la descente d’une mission du ministère en charge de l’Industrie
à Douala. « Il y a à l’évidence, un problème de mévente généralisée,
dans toutes les entreprises qui raffinent l’huile de palme brute pour en
faire soit des oléagineux, soit du savon », commente un des membres de
ladite mission.
Pour le
cas spécifique des huiles végétales raffinées, les producteurs locaux
indexent les importations pour justifier la mévente de leurs produits.
Certaines unités de transformation sont à l’arrêt. D’autres ont mis
leurs employés en chômage technique et comme le prédisent déjà certains
observateurs, toutes les raffineries du Cameroun pourraient fermer d’ici
peu si rien n’est fait. D’ailleurs, au niveau des ventes, des
estimations font état d’une baisse des recettes d’environ 40%.
Visiblement
déterminés à sauver leurs investissements, les opérateurs de la filière
ont lancé le cri d’alarme en direction des pouvoirs publics. Avant
l’arrivée de la mission du ministère en charge de l’Industrie, les
producteurs locaux avaient déjà eu un entretien à ce propos quelques
jours plus tôt (le 15 mai 2015) avec le gouverneur de la région du
Littoral, Joseph Beti Assomo. De ce huis clos, on apprendra que les
35 000 emplois directs générés par cette filière sont menacés. Séance
tenante, la CDC, l’une des agro-industries de ce secteur, déclarait la
fermeture d’une première unité de transformation tout en envisageant
également la clôture de deux autres dans les jours suivants cette
rencontre. A la même date, Socapalm déclarait des stocks de 28 000
tonnes d’huile de palme brute en cuves en attente de clients, notamment
les raffineries, elles-mêmes en surstocks. Au niveau de l’Association
des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc), on annonce déjà la
fermeture d’une raffinerie.
Dans la
chaîne des raffineurs des oléagineux, on retrouve en amont, les
huileries (Socapalm, CDC, PAMOL, Safacam, Sodecoton, etc). Ce sont des
agro-industries qui détiennent des plantations industrielles de palmier à
huile pour la production d’huile de palme brute (65% de la production
domestique) et les palmeraies villageoises (35%). En aval de la chaîne,
il y a les raffineries et les savonneries (SCR Maya et Cie, Azur, Nosa,
CCC, Soproïcam, Saagri, SCS, SMS, CCO, etc.). D’après les informations
obtenues auprès du Comité de régulation de la filière huile de palme, le
secteur de la transformation de l’huile de palme brute connaît un
certain dynamisme avec la multitude d’industries locales qui naissent
dans ce secteur. La dernière en date, c’est une savonnerie qui s’est
installée à Leboudi, une banlieue de Yaoundé. Une situation qui est de
nature à creuser le déficit entre la production domestique et la demande
des industries locales. Et qui oblige à importer la matière grasse pour
satisfaire les besoins de ces unités de transformation de plus en plus
énormes. Pour la campagne 2015, le déficit structurel de la production
domestique est évalué à 160 000 tonnes. Le comité de régulation devrait
solliciter du gouvernement, l’importation de 66 000 tonnes d’huile de
palme brute et de ses dérivés. L’année dernière, ce sont 100 000 tonnes
qui ont été importées. Mais avec la situation qui prévaut, certains
doutent que ces importations se fassent.
Au
niveau des importations d’huiles végétales raffinées, il se pose d’après
l’Asroc, un problème de non-respect des tarifs de droits d’entrée de la
part des importateurs. En effet, la décision N° 488 du 27 mars 2009 du
ministre des Finances fixe la taxation pour l’importation des huiles
végétales raffinées à 1 500 F le kilogramme. « Le non-respect de cette
prescription par les importateurs rend les huiles raffinées locales
moins compétitives sur le marché puisque les consommateurs préfèrent
choisir les marques qui sont moins chères », explique un cadre au
ministère en charge de l’Industrie. Dans les marchés, la prolifération
de la vente du « vrac », huile végétale importée vendu au détail
concurrence fortement les huiles végétales raffinées en termes de prix.
La réduction des importations est donc préconisée pour sauver
l’industrie locale. De même que la poursuite des actions en vue de
l’assainissement de cette filière où de nombreuses marques continuent de
s’afficher sur les rayons, sans respect de la norme rendue
d’application obligatoire pour ce produit.
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