Le filon de l’aquaculture
Par Jean Marie NZEKOUE, Cameroon Tribune
La détermination du gouvernement à réduire les importations de
poisson à travers la promotion de l’aquaculture est à l’ordre du jour
avec la récente initiative du ministère des Pêches, de l’Elevage et des
Industries animales (Minepia)
visant à encourager les promoteurs privés à s’investir dans l’élevage du
poisson en bassin. C’est connu : les produits halieutiques constituent
avec la viande, l’une des principales sources
en protéines de nos
populations. Seulement voilà : la frénésie de la consommation est allée
crescendo avec la croissance démographique et l’augmentation des
bouches à nourrir. Ce qui a créé au fil des ans un énorme gap entre une
offre nationale très limitée et une demande en forte hausse. Selon une
récente évaluation du Minepia, la production nationale au Cameroun est
estimée à 180. 000 tonnes par an. Une quantité en-deçà des besoins qui
explosent littéralement. Résultat : le secteur de la pêche est très
dépendant aujourd’hui des importations en tous genres. Même des espèces
jugées moins nobles, il y a quelques décennies, comme le maquereau ou le
tilapia (carpe) sont importées à grands frais de la lointaine Asie pour
faire face à une pénurie galopante. C’est ainsi que chaque année,
environ 100 milliards de francs sont dépensés pour importer 200.000
tonnes de poisson nécessaires pour combler un déficit persistant. Une
telle saignée de devises a pour conséquences, non seulement d’importer
indirectement le chômage, mais aussi d’aggraver la dépendance
alimentaire et surtout le déséquilibre de la balance commerciale. Cette
situation est d’autant plus intolérable que le Cameroun dispose
d’énormes potentialités pour accroître de manière substantielle la
production de poisson, à travers la pêche et l’aquaculture. Depuis des
lustres, la pêche industrielle pratiquée sur nos côtes est confrontée
au manque d’équipement et de savoir-faire, sans oublier les ravages des
bateaux clandestins. La pêche artisanale n’est pas mieux lotie malgré
l’existence d’un vaste réseau hydrographique d’environ 4 millions
d’hectares, constitué de sources, de rivières, de fleuves, de lacs et
autres plans d’eau. Et pourtant, les importations de poisson augmentent
d’année en année. Si le problème persiste, il est pourtant loin d’être
une fatalité. Des solutions existent, à condition qu’il y ait une vue
globale de la situation, à travers un diagnostic sans concession.
Plusieurs ébauches ont été formulées et parfois mises en œuvre à travers
la formation des pêcheurs et leur fourniture en pirogues, filets,
hors-bord et carburant. Mais cela n’a pas suffi visiblement pour faire
décoller véritablement la pêche.
Face aux multiples blocages enregistrés jusqu’ici, quoi de mieux que
l’aquaculture pour sortir de l’ornière. L’élevage du poisson est une
pratique très mondialisée qui a fait ses preuves dans beaucoup de pays
sans accès à la mer. Longtemps pratiquée sur une base familiale, cette
activité attire de plus en plus d’opérateurs économiques camerounais.
Ici et là, se créent de vastes exploitations de plusieurs hectares comme
celle d’Eco Park à Yaoundé. Selon les projections, la production
piscicole pourrait atteindre les 100.000 tonnes d’ici une décennie. La
création des milliers d’emplois devrait aller de pair avec
l’augmentation de l’offre nationale, la réduction des importations et
l’amélioration de la balance commerciale. Il n’en demeure pas moins que
c’est une activité délicate qui nécessite en aval des capacités
techniques, managériales et financières dont la mise en place requiert
l’appui des structures spécialisées. Les stations aquacoles de Jakiri,
Foumban, Maroua, Mbalmayo et Dschang ne sont pas toujours sorties du
cadre expérimental. Il a été prouvé que le plus dur ce n’est pas
l’ouverture des étangs, mais la disponibilité en alevins à forte
productivité, en aliments appropriés et autres inputs indispensables.
Les nouvelles structures de recherche à l’instar de l’Institut des
Sciences halieutiques de l’Université de Douala à Yabassi devraient
aider à mieux vulgariser la pisciculture auprès du grand public. Au même
titre que les structures de financement appelées à appuyer davantage
des initiatives privées qui ne demandent qu’à se multiplier dans
l’avenir.
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