Comptes en banque, accès aux crédits…: ces blocages persistants
Par Josiane TCHAKOUNTE, Cameroon Tribune
80% de
la population adulte de l’Afrique subsaharienne n’a pas de compte en
banque. En Afrique centrale (Cemac), le pourcentage de personnes ayant
un compte en banque (taux de bancarisation) demeure faible.
D’après les dernières statistiques communiquées par le gouverneur de
la BEAC le 23 mars dernier à la clôture d’une conférence sous-régionale
sur l’inclusion financière, il se situait à 18,51%. Le Cameroun, ne fait pas exception. Des estimations de la Banque mondiale indiquent que moins de 20 % des hommes et 10 % des femmes ont actuellement un compte auprès d'une institution financière formelle au Cameroun. De plus, une récente étude réalisée par le ministère des Finances a révélé que 190 milliards de F circulent dans les tontines (banques informelles) très courues au sein des couches sociales les moins nanties.
Aujourd’hui,
le débat sur l’inclusion financière (accès à des services et produits
financiers de base par les ménages et les entreprises) a dépassé le
stade du diagnostic pour s’intéresser aux obstacles à l’accès aux
services financiers. Dans l’ensemble, il s’agit principalement des coûts
élevés de l’intermédiation bancaire et des cadres juridiques et
institutionnels obsolètes par rapport aux transactions financières en
évolution. Au Cameroun, plusieurs blocages concourent à cet état de
choses. A l’image du fort ancrage de la tontine entretenue par une
faible culture financière des populations, il y a cet environnement
financier peu rassurant. En effet, les précédents cas de faillites
bancaires et les fermetures à répétition d’établissements de
microfinance (EMF) censés pourtant jouer un rôle important dans
l’inclusion financière n’encouragent pas les potentiels clients à
accourir. Même pour les personnes disposant d’un compte en banque, ayant
accès au crédit, bénéficiant d’une police d’assurance ou pouvant
effectuer des paiements via des moyens modernes (paiement en ligne ou
via téléphone), les coûts pratiqués créent encore beaucoup de suspicion
sur l’intérêt certain à évoluer dans le système financier formel. Le
crédit bancaire coûte encore cher, notamment pour les Petites et
moyennes entreprises (PME) qui paient les intérêts les plus élevés selon
les révélations du dernier conseil national du crédit. Dans la zone
Cemac, le pourcentage de la population active ayant accès au crédit est
d’environ de 2 %.
Pourtant,
selon des experts, l’inclusion financière joue un rôle-clé dans la
croissance économique parce qu’elle permet aux individus de tirer profit
des opportunités d’affaires, d’investir dans l’éducation et la
formation, d’épargner pour la retraite et de s’assurer contre certains
risques. Pour ne rien arranger, la réglementation en la matière n’est
pas très propice au développement de services financiers adaptés à
toutes les couches sociales. Les textes en vigueur devraient permettre
de promouvoir les technologies financières innovantes, comme la banque
mobile et le paiement électronique. La banque mobile ou mobile-banking
fait encore ses premiers pas au Cameroun. Dans un pays où le taux de
pénétration du téléphone portable a connu une progression remarquable au
cours des dix dernières années (de 9,8% en 2004 à près de 50% en 2014),
les services du mobile-banking (comptes bancaires mobiles, transfert
d’argent, retrait d’espèces, etc.) restent utilisés par une partie
infime de la population, notamment celle possédant un téléphone
portable. Il reste encore à atteindre le stade des pays comme le Kenya
où le paiement mobile comptait en 2012, près de 15 millions
d’utilisateurs sur une population d’environ 43 millions d’habitants,
grâce à un service développé par un opérateur de téléphonie mobile.
L’amélioration
du cadre juridique, de l’environnement des affaires et la garantie des
sûretés jouerait un rôle important dans l’augmentation des prêts aux
PME. L’éducation financière est également un pas important en direction
d’une inclusion financière plus poussée. Le partage d’informations entre
la banque et les clients est aussi un plus. Tout comme la promotion de
la concurrence entre fournisseurs pour développer de nouveaux produits
financiers et spécialisés et l’utilisation des nouvelles technologies
pour donner plus de choix aux consommateurs.
En
septembre dernier, les 14 Etats-membres de la Conférence
interafricaine des Marchés d'Assurances (Cima) ont lancé la réflexion
sur le développement du concept de micro-assurance. Objectif :
concevoir des produits appropriés et adopter les meilleurs canaux de
distribution pour atteindre les populations démunies en alliant la
simplicité des procédures, les coûts réduits des primes et cotisations,
surtout la sécurité et la protection des assurés. Une autre voie vers
une inclusion financière plus poussée.
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