Le Cameroun doit remplir 55 conditions pour décaisser 31 milliards de FCFA du 2e appui budgétaire de l’Union européenne
(Investir au Cameroun) - On le sait depuis un mois. Le Cameroun devrait conclure un 2e
programme avec le Fonds monétaire international (FMI) après celui qui
s’achève au mois de juin 2020. L’Union européenne (UE), qui estime
« judicieux » que le pays poursuivre sa « collaboration fructueuse »
avec le FMI, vient de s’engager à l’accompagner dans ce sens à travers
un don de 50 millions d’euros, soit près
de 33 milliards de FCFA.
Une petite partie de cet
argent (2 millions d’euros, soit plus 1,3 milliard de FCFA) est destinée
aux « mesures complémentaires ». Le reste (48 millions d’euros, soit
31,44 milliards de FCFA) doit être transféré au Trésor public pour
contribuer au financement du budget. C’est la raison pour laquelle ce
financement est appelé appui budgétaire.
Mais le décaissement de
ces 31,44 milliards de FCFA est subordonné par la réalisation d’un
ensemble de réformes convenues entre Yaoundé et Bruxelles. Elles sont
contenues dans l’avenant du Contrat de réforme sectorielle (CRS), signé
le 16 décembre 2019, par le ministre de l’Économie, de la Planification
et de l’Aménagement du territoire (Minepat), ordonnateur national du
Fonds européen de développement (Fed) d’où est issu cet argent, Alamine
Ousmane Mey, et le chef de délégation de l’UE au Cameroun, Hans-Peter
Schadek. Cet avenant couvre une période de deux ans (2020-2021).
Conditions
Selon ce document, pour
bénéficier de la totalité du don européen, le Cameroun devra remplir, en
tout, 55 conditions. Elles sont scindées en deux catégories : 23
conditions générales et 32 cibles (objectifs de politique publique dans
le secteur rural), regroupées en huit indicateurs.
Le financement est divisé
en deux tranches : fixes et variables (voir tableau ci-dessous). La
satisfaction des conditions générales donne lieu au déblocage des
tranches fixes et est un préalable au transfert des tranches variables.
Celles-ci sont en plus subordonnées à l’atteinte des 32 objectifs de
politique publique dans le secteur rural.
Concrètement, en termes de
conditions générales, le Cameroun doit faire des évolutions dans la
mise en œuvre de la Stratégie de développement du secteur rural et du
Programme national d’investissement agricole (SDSR/PNIA) et en matière
de stabilité économique (réduction des déficits courant et budgétaire,
amélioration du climat des affaires, augmentation du taux de pression
fiscale), de gestion des finances publiques et de transparence
budgétaire (publication d’informations budgétaires, renforcement de
l’indépendance de la Chambre des comptes, adhésion continue à l’ITIE,
élaboration des budgets sensible au genre…).
Pour les conditions
spécifiques, il s’agit d’atteindre des objectifs précis en plusieurs
matières. Il sera question d’accompagner la mise en œuvre de la
politique nationale de semences végétales (ex. de cible: 70% des
semenciers de cacao et maïs doivent recevoir trois visites des
inspecteurs du Minader en 2020), de santé animale et de santé publique
vétérinaire (ex. : assainir le marché du médicament vétérinaire).
Il est également prévu de
désenclaver les bassins de production agropastoraux (ex. : le Mintp doit
signer un arrêté portant numérotation et inventaire des routes
communales dans 100 communes) ; d’améliorer le niveau de concertation et
d’inclusivité dans le développement des chaines de valeurs (ex. :
adopter un plan de structuration des filières cacao, coton, palmier à
huile et aquaculture), la qualité de la gestion des dépenses publiques
dans le secteur rural (ex. : 70% des projets et des établissements
publics du Minader doivent transmettre leurs rapports opérationnels et
financiers 2019 au plus tard le 20 mars 2020) et la redevabilité
mutuelle de la Sodecoton (ex : le paiement en 2020 du crédit de TVA, à
fin 2019, dûment approuvé par les différentes parties).
Il est par ailleurs
attendu l’augmentation de la transparence et de la mobilisation des
taxes affectées aux secteurs du cacao (ex : réformer le Fonds semencier)
et du bois (ex. : développer une base de données intégrant les
informations disponibles pour années 2018 et 2019).
Défis
La mise en œuvre du CRS
fait l’objet d’une évaluation au mois d’août de chaque année. En
fonction des conditions satisfaites, les transferts sont réalisés au
mois de décembre. Lors du 1er appui budgétaire, d’un montant
de 100 millions d’euros (65,5 milliards de FCFA), le Cameroun a perdu un
million d’euros (655 millions de FCFA) pour n’avoir pas réalisé, à
temps, le manuel de procédures pour l’octroi des intrants agricoles.
À en croire les parties, les risques de perte des fonds sont plus élevés pour ce 2e appui budgétaire. Pour Alamine Ousmane Mey, « il
faudra davantage d’implication active de tous les acteurs concernés
pour atteindre, dans les temps impartis, les cibles des huit
indicateurs 2020 et 2021 liés aux tranches variables de cet avenant ».
Afin d’anticiper les blocages, un atelier s’est tenu du 9 au 12 décembre à Ébolowa, la capitale régionale du Sud. « Il avait pour but d’approfondir la compréhension commune des actions à mettre en œuvre par les différentes parties prenantes »,
informe la Cellule d’appui à l’ordonnateur national du Fed, structure
qui assiste les autorités camerounaises dans la mise en œuvre de la
coopération avec l’Union européenne.
À l’issue de cet atelier,
il est notamment apparu que des activités liées à la réalisation de
certains indicateurs n’avaient pas été inscrites au budget 2020. Elles
courent donc le risque de ne pas être réalisées. Pour pallier le
manquement, les participants proposent au Minepat de faire recours aux
chapitres 94 et 95 du budget, souvent utilisés pour gérer les imprévus.
Cette question sera
assurément au centre de la table ronde des parties prenantes annoncée
pour le début de l’année 2020. Animée par les ministres impliqués dans
la mise en œuvre du CRS, l’un des objectifs de cette rencontre est en
effet de garantir une réalisation optimale de cet appui budgétaire.
Aboudi Ottou
Calendrier indicatif des décaissements
2020 |
2021 |
Total |
|
Tranches fixes |
5,24 milliards FCFA |
5,24 milliards FCFA |
10,48 milliards FCFA |
Tranches variables |
10,48 milliards FCFA |
10,48 milliards FCFA |
20,96 milliards FCFA |
Total |
15,72 milliards FCFA |
15,72 milliards FCFA |
31,44 milliards FCFA |
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