Gestion du changement : les pièges à éviter

C’est un sujet qui fait partie du quotidien des dirigeants : la gestion du changement. A l’heure de la transformation numérique, les modèles organisationnels et les modes de travail évoluent mais aucun changement ne peut être bien mené sans accompagnement des salariés. Ni sans une compréhension des enjeux et des différents facteurs qui entrent en ligne de compte pour permettre au changement de se réaliser.

(HBR France)Le changement, pour une entreprise comme pour toute société humaine, est porteur de risques et d’opportunités. Pour limiter les risques et saisir les opportunités en termes de développement et de croissance, les équipes dirigeantes doivent avoir une vision claire de l’ensemble des éléments qui constituent
l’environnement de l’entreprise. Quels facteurs technologiques, économiques, politiques, fiscaux, juridiques et environnementaux notamment, sont susceptibles d’avoir un impact sur l’objectif fixé ? Quels effets ce changement aura-t-il, potentiellement, pour l’entreprise en matière de relations avec ses salariés, ses clients et ses fournisseurs, de positionnement par rapport à la concurrence ou aux nouveaux entrants . Car la recherche de performance, de compétitivité qui passe par des optimisations en termes d’organisation, de fonctionnement et de coûts aura nécessairement des effets secondaires. La mission des dirigeants est de les contenir, de les réduire au maximum afin de préserver l’intégrité des salariés, autant que de l’entreprise.
C’est pourquoi il est essentiel de prendre le temps nécessaire pour préparer le changement à venir. Pour éviter les mauvaises surprises, il faut analyser la situation de l’entreprise avant le changement (outils, ressources, culture, process, …) et imaginer à quoi elle devra ressembler, en fonction des objectifs visés et des facteurs connus, dans « l’après-changement ».

Repérer les facteurs de risque, c’est aussi identifier les facteurs de réussite

La préparation du changement, c’est l’analyse, la mesure, la planification mais aussi et surtout l’accompagnement, la pédagogie. La vision de l’entreprise doit être claire, reprécisée à l’ensemble des collaborateurs. Le changement ne peut se réaliser sans leur adhésion. Il est par conséquent essentiel d’en expliquer les raisons comme la finalité, d’en détailler les étapes et leurs implications en toute transparence et de donner à chacun la possibilité de s’emparer du rôle qu’il aura à jouer à l’avenir. Si l’on ne crée pas la confiance nécessaire à la réussite d’un projet de transformation, si l’on ne donne pas aux salariés les moyens d’y parvenir, alors il est à parier que de nombreux points ne seront pas à la hauteur des attentes initiales.
Le changement repose largement sur un plan d’action prenant en compte les aspects clés que sont les besoins en matière de compétences, d’outils et de ressources et l’identification des leviers de motivation pour les parties prenantes. Seul un plan d’action détaillé, maîtrisé et exhaustif permettra d’atteindre les objectifs voulus. On peut avoir une vision définie, fait l’acquisition de nouveaux outils censés améliorer la productivité mais sans stratégie, sans une répartition cohérente des actions à mener, sans objectifs en termes de timing, l’échec est assuré.
Il est crucial de ne pas négliger la durée des phases de transition. Le « tempo » est un élément essentiel. Le bon sens également.

Le développement des compétences et le bien-être comme clés de l’évolution

Les périodes de changement demandent une plus grande résilience de la part des salariés, un engagement sans faille qui implique parfois des changements psychologiques ou physiologiques. Une surcharge de travail, même temporaire, peut affecter un collaborateur sur le plan personnel et engendrer, par exemple, un état de stress plus élevé avec des conséquences sur l’appétit et sur le sommeil. Des salariés qui ne sont pas capables d’atteindre les objectifs qui leur sont fixés seront en situation d’échec et de mal-être (lire aussi la chronique « Comment aborder un changement complexe« ). Là aussi, le dirigeant et les équipes investies dans la gestion du changement ont une mission clé d’anticipation : il s’agit d’adapter la politique interne pour proposer un accompagnement sur mesure et s’assurer que le bien-être des salariés est, plus encore qu’en période de stabilité, garanti.
Combien de fois a-t-on vu des dirigeants façonner un projet en omettant de prendre en compte l’aspect compétences ? Combien de salariés se sont trouvés en perte de confiance, démotivés car ils n’étaient plus à même d’assurer les nouvelles tâches qu’on leur avait attribuées, soit parce qu’ils n’avaient pas reçu la formation ou l’accompagnement nécessaire, soit parce que la division des tâches n’avaient pas été effectuée convenablement ?
Négliger l’aspect compétences, c’est prendre le risque de générer une perte d’adhésion des salariés et d’importantes frustrations.
Il est impossible de mener à bien un projet de changement sans aider les salariés à prendre en main leur nouveau rôle, sans soutenir leur montée en compétences, sans leur offrir une vision claire de leurs missions et objectifs. Et lorsque la compétence n’est pas disponible en interne, c’est le rôle du dirigeant d’anticiper et de garantir l’acquisition de celle-ci hors des murs de l’entreprise afin d’assurer le bon déroulement du projet.
Car le changement se « budgète » : il implique l’acquisition de compétences donc, mais aussi d’outils, d’espaces de travail parfois et le financement de projets. Sous-estimer l’un de ces éléments est un risque, et un écueil courant.
Arrêtons-nous justement sur l’acquisition de nouveaux outils (logiciels de comptabilité, de gestion des RH, outils marketing et commerciaux, …). Dans le cas d’une entreprise implantée à l’international, par exemple, le déploiement d’un outil unique sur l’ensemble des filiales aura pour but d’améliorer le fonctionnement et d’optimiser la performance de l’entreprise de manière globale (harmonisation des process, mises à jour et développements facilités, réduction des coûts…). Cela implique que les salariés revoient leurs pratiques, réapprennent à travailler, s’adaptent à un outil voire à un mode de fonctionnement différent pour suivre l’évolution de l’entreprise. C’est ici que l’accompagnement au développement du salarié et à sa montée en compétence est essentiel ; il passe par la formation, la mise en place d’ambassadeurs ou de « champions » qui serviront de guides et de relais d’accompagnement en interne, ou par l’intervention éventuelle de consultants externes.
Pour encourager la prise en main des nouveaux outils, les dirigeants pourront mettre en place des « incentives », par équipe, qui récompenseront les meilleurs utilisateurs, qui a leur tour pourront devenir des « champions » et transmettre les bonnes pratiques à leurs collègues. Il s’agit de permettre à chacun de participer au changement. La formation deviendra alors transverse, horizontale plutôt que verticale ce qui facilitera l’adhésion des équipes et la réalisation du projet.
Les actions de mentoring et de reverse mentoring sont d’autres leviers qui permettent de capitaliser sur les expériences et les compétences disponibles dans l’entreprise et de s’assurer qu’elles soient diffusées à tous les niveaux. Les salariés expérimentés pourront accompagner les nouveaux entrants et partager leur connaissance de l’entreprise et des enjeux, tandis que l’on s’appuiera sur les digital natives pour faciliter la transition numérique.
Par ailleurs, des sessions de coaching pourront venir en soutien de la formation. Pour accompagner des collaborateurs dans de nouvelles fonctions ou aider certains responsables d’équipe à adapter leur mode de management. Cela nécessitera peut-être de construire des plans de développement individualisés.
Activer différents leviers de motivation, par la mise en place d’initiatives internes favorisant l’épanouissement personnel (salle de sport, aménagement de salles de vie, ateliers bien-être…) et visant à garantir l’équilibre des temps de vie (mise en place du télétravail, flexibilité, crèche d’entreprise…), est également un élément important. Si ces mesures sont souvent pointées du doigt comme étant des « gadgets » ayant pour unique but de promouvoir la marque employeur de l’entreprise, elles ont dans les faits, et plus encore lorsqu’il s’agit de traverser une passe de transformation lourde, un impact qu’on aurait tort de sous-estimer.
Seule l’activation de l’ensemble des leviers simultanément permet la réalisation d’un changement fluide, défini dans le temps et pérenne qui portera ses fruits en matière de résultats.

Isabelle Bastide est Experte en ressources humaines et en management des talents, elle est notamment membre de l’association A Compétence Egale (lutte contre les discriminations, promotion de la diversité) et participe au développement de Women@Page pour la promotion […]

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