Comment former efficacement les managers à l’entrepreneuriat
De plus en plus d’entreprises mettent en place des formations pour encourager l’intrapreneuriat. Voici les conditions pour les réussir.
By Janice Byrne
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(HBR France) « L’intrapreneuriat » est un outil efficace au service de
l’innovation, de l’organisation et de la performance. Mais comment de
grandes entreprises existant depuis longtemps, parfois bureaucratiques,
peuvent-elles nourrir et faciliter les comportements entrepreneuriaux
parmi les managers? En collaboration avec le Dr. Frédéric Delmar (Lund
University, Suède), le Dr. Alain Fayolle (EM Lyon Business School) et le
Dr. Wadid Lamine (ESC Troyes), nous avons étudié un programme de
formation professionnelle destiné aux cadres à haut potentiel, dans une grande entreprise française de plus de 100 000 collaborateurs dans le monde.
L’objectif de ce programme était de développer l’entrepreneuriat
chez
les managers, capables de lancer, d’évaluer, de gérer et/ou de soutenir
de nouveaux projets innovants. La formation s’est déroulée sur quatre
mois, incluant une session de trois semaines de formation hors site.
Proposer une telle configuration semblait important pour encourager les
participants à se détacher de leur lieu de travail habituel et à se
mélanger avec d’autres salariés de l’entreprise qu’ils ne côtoyaient pas
habituellement. Au total, en sept ans, environ 400 cadres ont participé
à cette formation, répartis en groupes de 25 managers à haut potentiel.Une mise en situation réelle
Les concepteurs de ce programme ont décidé de recourir à
« l’apprentissage par l’action » tout au long de cette formation. Cette
dernière a donc été structurée autour de la création de projets
innovants pour une entreprise existante. En petits groupes, les
participants devaient concevoir un nouveau produit ou service accompagné
d’un business plan.
Les équipes étaient suivies par un coach dédié tout au long du
développement de leur projet. En parallèle, les participants assistaient
également à des modules sur la finance, le marketing, l’innovation et
la stratégie. Des animateurs ont abordé les questions de conception, de
planification, de vente et de mise en place des projets d’innovation en
réponse aux opportunités organisationnelles et environnementales. Deux
compétences de base ont particulièrement été développées lors de cette
formation : les compétences interpersonnelles (création et développement
d’équipes, leadership situationnel et gestion de conflit) et les
compétences en management entrepreneurial (identification des
opportunités, définition de la valeur, promotion d’idée et vente en
interne).
Grâce à nos recherches basées sur des enquêtes réalisées auprès des
participants, de retours écrits, de la documentation de l’entreprise et
des entretiens avec des participants et des concepteurs de la formation,
nous avons identifié six principaux facteurs clés de succès dans la
conception et le déroulement du programme.
1. La diversité des participants
Les équipes projet ont été créées dans le but d’exposer les
participants à des personnes différentes. Ces dernières venaient de
diverses entités organisationnelles, de différents pays et avaient des
compétences fonctionnelles variées. Le travail en équipe intensif a
abouti à des prises de décision difficiles, à un riche échange de
connaissances, à de la créativité, mais aussi à des conflits. Maximiser la diversité parmi les membres des différentes équipes,
tout en offrant une opportunité de se montrer créatif, peut en effet
entraîner des conflits interpersonnels importants.
2. L’encadrement des équipes
Les managers participants ont pu bénéficier de l’accompagnement d’un
animateur par équipe qui les a aidés à gérer les conflits et les
problèmes interpersonnels qui sont apparus. Beaucoup de participants ont
cité l’encadrement comme un réel avantage, car c’est cet élément de la
formation qui a permis aux managers de remettre en question beaucoup de
leurs présupposés. Un apprentissage entrepreneurial efficace requiert
d’apprendre à se connaître soi-même et la présence de coachs a facilité
cela. Les membres des différentes équipes ont également joué le rôle de
coach, et parfois exprimé des opinions qui ont poussé des managers
expérimentés à s’interroger sur leur style de management. Un élément clé
pour favoriser l’action entrepreneuriale.
3. La production d’un business plan
En s’engageant dans le développement d’un nouveau produit ou service
de A à Z, l’équipe en apprentissage a dû développer un véritable
business plan. Ceci a nécessité l’utilisation de compétences
entrepreneuriales concrètes : études de marché approfondies,
identification de sponsors ou de sources de financements, préparation de
projections financières et de tests de faisabilité, mobilisation de
contacts en interne et en externe… Le programme de formation s’est
achevé avec la présentation à la direction de l’entreprise du business
plan de chaque équipe. Ce programme a donc permis aux participants
d’expérimenter l’innovation et l’intrapreneuriat, tout en améliorant
leur notoriété dans l’entreprise.
4. Les mises en situation ludiques
Les participants ont été engagés dans un jeu de stratégie qui leur a
permis de partager des informations à propos de leurs départements et de
leurs postes respectifs. Les participants ont également pris part à des
mises en situation qui les ont préparés aux rôles de potentiels
« vendeurs » et « négociateurs » de l’innovation. Les jeux de rôles avec
le public ont permis aux participants d’apprendre en observant les
autres (apprentissage par la pratique indirecte), tout en leur
permettant de recevoir un retour immédiat sur leur performance.
5. La sélection des participants
Quand les participants ont eu l’impression qu’ils avaient été
« spécialement choisis » pour participer à la formation, cela a créé un
sentiment de valorisation et accru leur motivation. Les aspirations des
différents membres de l’équipe (« je veux briller » au lieu de « je veux
terminer ceci ») ont eu un fort impact sur les acquis individuels.
Quand les participants éprouvaient un fort désir d’apprendre grâce à la
formation et ressentaient que les autres participants voulaient aussi
apprendre plutôt que seulement « être performant », ils étaient plus
actifs et plus engagés dans leur apprentissage.
6. Le soutien de la hiérarchie
Nos recherches ont également mis en évidence l’importance des
conditions dans lesquelles a lieu la formation lorsque l’objectif de
tels programmes est d’améliorer la performance organisationnelle.
L’entreprise a un rôle à jouer pour faciliter la mise en place de
conditions de formation optimales. Pour que les objectifs
d’apprentissage soient atteints et qu’un réel changement comportemental
apparaisse, les participants doivent sentir qu’ils sont soutenus par leurs responsables.
Bien que beaucoup de participants aient ressenti l’envie de travailler
différemment et d’être à l’initiative de changements dans leur
entreprise, certains étaient sceptiques quant à l’engagement réel de
leur direction. Certains participants se sont plaints de ne pas avoir
été soutenus pendant la formation ; leurs supérieurs hiérarchiques
attendaient d’eux qu’ils effectuent leur charge de travail habituelle
malgré la formation intensive.
Le dispositif de formation et le travail en équipe intense a permis
aux participants de mieux prendre conscience de leurs approches et de
leurs présupposés concernant le management et, par conséquent, ont
appris à mieux se connaître. Pour déclencher des comportements
entrepreneuriaux dans des organisations déjà existantes, remettre en
question des hypothèses profondément enracinées et changer la façon de
penser est en effet une première étape indispensable.
L'auteur est Professeur de management à l’Iéseg School of Management et directrice
académique du programme d’encouragement à l’entrepreneuriat féminin Led
By Her. Docteur en management de l’EM Lyon Business School en 2012, ses
recherches portent principalement sur les liens entre genre et
entrepreneuriat et sur la conciliation du travail et de la famille pour
les […]
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