«550 milliards F de prêts dans six semaines pour les projets camerounais»

Résultat de recherche d'images pour "Ömer Faruk Dogan"Son Excellence Ömer Faruk Dogan, ambassadeur de Turquie en fin de séjour.
Excellence, vous êtes arrivé au terme de trois ans de représentation diplomatique au Cameroun. Quels souvenirs gardez-vous de ce pays ?
J’ai commencé ma mission d’ambassadeur de la République de Turquie au Cameroun le 1er juillet 2012
et nous en sommes à la mi-septembre 2015. Cela fait plus de trois ans. Je garde plein de souvenirs du Cameroun. Il y a des souvenirs personnels, il y a des émotions, il y a des humeurs mais un des plus importants que j’ai pu garder c’est d’avoir appris à lire dans les yeux des Camerounais. Le Camerounais s’exprime avec ses yeux. C’est un caractère fort, calme mais très efficace.
En mars 2014, vous avez déclaré que le Cameroun occupe une place prépondérante dans la stratégie de déploiement économique et commercial de la Turquie en Afrique centrale. Qu’est-ce qui justifie ce choix ?
Dans le monde, il y a des groupements économiques. Tout le monde essaie de trouver un partenaire solide, soutenable et émergent. La Turquie a beaucoup d’intérêt économique, structurel, politique et social avec le continent africain. Nous voulons élargir et approfondir toutes nos relations. Il nous faut des partenaires stratégiques. Le Cameroun qui est le pays modèle, la plaque tournante et la porte d’entrée dans la sous-région occupe une place géostratégique comme la Turquie qui se retrouve entre l’Asie et l’Europe.
Nous avons beaucoup de similarités. Le partenariat stratégique entre le Cameroun et la Turquie est profond. En produisant ici au Cameroun, nous pouvons nous adresser à 300 millions de consommateurs de la sous-région. Avec l’expérience, le savoir-faire et le surplus du secteur privé turc, nous pouvons accompagner le Cameroun vers son émergence à l’horizon 2035. C’est pourquoi le Cameroun est très important pour son partenaire stratégique, la Turquie.
Quelle évaluation faites-vous des relations entre la Turquie et le Cameroun ?
La première visite officielle d’un chef d’Etat turc au Cameroun a été effectuée par le président Abdullah Gül en 2010. Nous avons signé des accords. A la suite de cette visite, j’ai eu le plaisir de voir Son Excellence Monsieur Paul Biya effectuer une visite d’Etat en Turquie en mars 2013. Ce fut une étape importante dans les relations entre les deux pays.
Immédiatement après, la compagnie aérienne Turkish Airlines s’est implantée au Cameroun pour offrir ses services sur 269 points du monde aux Camerounais. Nous avons aussi créé un centre d’exposition appelé le Turcam Hall ici à Yaoundé où, pour une première fois, les Camerounais peuvent faire des expositions professionnelles. Nous envisageons de réaliser le deuxième à Douala en coopération avec la Communauté urbaine de Douala pour que nous puissions organiser l’exposition PROMOTE 2017 dans ce complexe professionnel.
En outre, nous avons déjà créé une usine de ciment à Douala avec une production de 600.000 tonnes par an. La construction est le leitmotiv de l’économie de marché. Donc, si nous pouvons donner une impulsion à la construction, je suis sûr que l’économie camerounaise sera boostée considérablement. Par ailleurs, plus d’une vingtaine d’entreprises turques sont venues s’installer ici au Cameroun et ont contribué à l’économie camerounaise avec leur production.
En parallèle, ils ont contribué à baisser le coût de la vie au Cameroun. Turkish Airlines a baissé le coût des déplacements. Turcam Hall a apporté un nouveau concept d’exhibition alors que les constructeurs turcs ont baissé les coûts de construction. Je dois dire que la concurrence est un facteur majeur dans l’économie camerounaise pour baisser les coûts de vie et pour permettre au trésor camerounais d’économiser.
Un des accords signés lors de la visite du président Abdullah Gül au Cameroun portait sur la coopération technique, scientifique et économique en matière agricole. Le Cameroun est tourné vers une agriculture de deuxième génération mais l’apport turc n’est pas encore perceptible. Qu’est-ce qui coince ?
Vous avez raison. Nous n’avons pas pu utiliser notre potentiel existant dans le secteur agricole. J’ai essayé pour plusieurs produits camerounais comme le coton, le sésame, le cacao, le café ainsi que pour les fruits comme les ananas, la banane, la papaye, entre autres qui ne peuvent pas être produits en Turquie. Mais nous sommes obligés d’augmenter le niveau de production ici au Cameroun et nous arrimer aux normes.
Sur le terrain, nous avons déjà essayé de nous impliquer dans le coton sans succès. Nous avons également montré de l’intérêt dans la production du sésame mais nous n’avons pas pu trouver un container de sésame alors que nous avons offert des grandes pompes pour l’irrigation à l’ Extrême Nord. Nous gardons espoir qu’avec le temps, la production va suivre.
Avec la concurrence de l’agence turque de coopération et de développement, TIKA, nous travaillons avec une association de production de cacao pour créer des modèles afin d’augmenter la qualité du cacao et du café. Avec le temps, je crois que ces exemples pourraient êtres portés vers d’autres produits agricoles afin de capitaliser le potentiel agricole du Cameroun.
Il est possible de faire venir les investisseurs turcs dans l’agriculture, mais nous sommes obligés de créer les plateformes de rencontres. Jusqu'à présent, nous avons fait deux rencontres, mais il nous faut augmenter le nombre. Nous devons admettre que le terrorisme empêche la Turquie d’approcher ses partenaires. Mais une fois que cette secte terroriste sera complètement éradiquée, je suis certain que beaucoup d’investisseurs vont retourner et reprendre les dossiers qui sont sur la table pour créer des projets.
Parlant du terrorisme, un accord de coopération en matière de sécurité entre les deux pays vient d’être ratifié au Cameroun. Que peut-on attendre de l’application de ces accords ?
Nous avons trois accords en question ; un accord d’échanges dans le secteur de la défense, un autre accord pour la formation dans le secteur de la défense et un autre accord pour les matériels techniques qui peuvent êtres échangés pour le secteur de la défense. Pour une première fois dans son histoire, une cinquantaine d’experts camerounais sont partis en Turquie pour être formés par les forces de défense turques.
C’est le premier pas qui a été réalisé. Mais dans les prochaines années, je crois que le nombre des experts ou les domaines de formation vont augmenter. Je crois que les problèmes communs vont nous rapprocher de plus en plus en coopération, en échange d’expérience, mais surtout en échange de matériels techniques pour lutter contre les terroristes.
Qu’en est-il de l’application de cet autre accord signé en 2010 qui portait sur l’exemption réciproque des visas pour les détenteurs des passeports diplomatiques, de passeports de service et de passeports spéciaux ?
L’application ne me satisfait pas car nous avons un alinéa qui stipule que « tout titulaire de passeport de service, de passeport diplomatique etc est exonéré de visa à condition qu’il possède un ordre de mission ». Ceci, je n’accepte pas car, si nous sommes là pour donner une exonération, il faut que cela soit une exonération complète.
Demander un ordre de mission, c’est apporter un autre empêchement pour la bonne application de la procédure. A cet effet, nous avons adressé une correspondance au ministre Camerounais des Relations extérieures en disant que nous sommes prêts à enlever cet alinéa qui empêche la libre application d’exonération de visa. Je crois que nous l’aurons dans les prochains jours.
Concernant les échanges commerciaux, quel est le niveau d’engouement des hommes d’affaires camerounais pour la destination turque ?
Nous avons sept vols par semaine de Douala et Yaoundé à destination d’Istanbul. Depuis le début des vols de Turkish Airlines en Décembre 2012, le taux de rentabilité n’a jamais baissé en dessous de 70%. C’est déjà un très fort indicateur. Un autre indicateur se trouve à Istanbul nous avons des quartiers où il y a des marchandises vendues en gros tels que du textile, du cuir et des matériels de construction, entre autres.
Les Camerounais qui vont à Istanbul font leurs achats et ils les confient aux transporteurs. Ils reviennent au Cameroun et les marchandises arrivent après. Je crois que les échanges d’affaires se chiffrent déjà à 200 millions de dollars ou 117 milliards de FCFA pour le commerce de valise Istanbul-Douala-Yaoundé.
Le Cameroun est lancé vers son émergence. Quels sont les secteurs qui intéressent les Turcs dans leur désir de l’accompagner vers l’atteinte de cet objectif ?
Les secteurs les plus importants pour le partenariat avec la Turquie c’est d’abord le secteur de construction. Le Cameroun a besoin de la construction des infrastructures comme les routes, les chemins de fer, les aéroports et les logements sociaux qui sont capables d’impulser l’émergence. Mais cette secte terroriste a empêché le déroulement du secteur de construction. Nous sommes très efficaces. Dans les 230 premiers constructeurs du monde, nous comptons 43 entreprises turques. Cela veut dire que nous avons un potentiel énorme.
Chaque année, nous avons 15 milliards de dollars de réalisation dans 69 pays du monde. Nous voulons aussi contribuer au processus d’émergence du Cameroun, non pas en construisant, mais en échangeant notre savoir-faire. Compte tenu du potentiel du secteur agroalimentaire au Cameroun, nous sommes obligés de créer des zones agro-industrielles où nous allons transformer les produits agricoles. Et le Cameroun a ce potentiel de fournir les besoins de tous ces 300 millions de consommateurs dans les pays voisins.
Je dois dire que l’Agence de promotion des Investissements du Cameroun est une institution qui a fait énormément des progrès. Il faut les soutenir et les élever à l’échelle internationale pour qu’ils puissent faire venir tous les investisseurs du monde, pas seulement de la Turquie. Le Cameroun a besoin de forger beaucoup de partenariats alternatifs pour créer la libre concurrence. Nous ne voulons qu’un climat de libre concurrence. Nous ne voulons aucune faveur. L’application de la libre concurrence nous sera satisfaisante pour augmenter la satisfaction de ce partenariat camerounais-turc.
Le Cameroun a aussi besoin de financements pour ses projets d’urgence et d’émergence. Vous faisiez savoir le 23 décembre 2014 à Yaounde qu’Exim Bank Turquie était prêt à fournir des financements. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Il n’y a pas uniquement Exim Bank Turquie qui peut amener des financements. Le secteur privé a aussi un fort potentiel pour amener des financements à des conditions mieux que d’ailleurs. L’organisation par le Cameroun de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 demande un certain nombre d’infrastructures. Le secteur privé turc a amené le financement de 550 milliards de FCFA qui est prêt à l’utilisation du gouvernement camerounais pour les projets prioritaires du gouvernement camerounais, pas uniquement pour les infrastructures sportives.
Ce financement peut être multiplié en plusieurs formes, selon la demande du gouvernement camerounais. Je garantis que cette somme de 550 milliards de F sera au Cameroun dans six semaines pour être utilisée pour la réalisation des projets camerounais. C’est au gouvernement camerounais de choisir les projets prioritaires. Mais les autorités camerounaises doivent prendre une décision qui n’est pas encore arrivée. Je comprends que cette secte terroriste a un certain impact sur le déroulement, mais activer l’économie c’est aussi un combat qui existe contre la secte terroriste. Je peux garantir que c’est un des financements les plus favorables pour le Cameroun.

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