Six leçons de Saint-Exupéry pour manager son équipe



Six leçons de Saint-Exupéry pour manager son équipeBy  Marie Sève, lentreprise.lexpress.fr, 13-05-2014
Pionnier de l'Aérospostale et écrivain, Antoine de Saint-Exupéry a traversé des moments où sa vie ne tenait plus qu'à un fil, perdu dans la tempête, échoué dans un désert hostile... Il s'est alors tourné vers l'essentiel, comme devraient le faire les managers. L'analyse de Jean Grimaldi d'Esdra, directeur pédagogique à l'Edhec Management. 
Sur la planète du travail, l'allumeur de réverbères du Petit Prince de Saint-Exupéry se réfère à "la consigne" sans en connaître le but, et il ne s'arrête jamais.
Nicholas Wang / Creative Commons
Saint-Ex a vécu la plus belle aventure "technique" de son époque. Homme d'action, bienveillant, visionnaire, il témoigne de profondeur sans idéologie. Ses écrits accessibles à tous (1), peuvent éclairer le manager, lui donner des clés pour retrouver la capacité de faire et d'aller vers ce qui est fondamental, pour soi, l'équipe, la collectivité. Voici six de ses principaux messages.  

1. La nécessité de repères stables

"Il faut, autour de soi, pour exister, des réalités qui durent. On ne peut pas vivre sans le soutien des invariants." (in Courrier Sud) 
>> Des points de stabilité permettent d'affronter ce qui bouge, vite, trop vite. Tout changer à la fois perturbe, et crée de la résistance à la nouveauté, même si c'est pour moderniser des méthodes, un outil, un environnement. Certaines habitudes de travail restent vertueuses, il faut les identifier pour les conserver.  

2. Le souci de la finalité des choses

"La grandeur d'un métier est peut être avant tout d'unir les hommes, mais il n'y a qu'un luxe véritable et c'est celui des relations humaines." (in Terre des hommes) 
>> La finalité fonde les efforts communs, crée l'efficacité, fédère les compétences. Une simple considération technique ne suffit pas. Il s'agit de donner une signification profonde à un projet (l'utilité d'un savoir, d'un produit, etc.) puis d'indiquer la direction, avec des jalons progressifs, ciblés à court ou long terme. L'autre avantage est d'apaiser les esprits, sinon le collaborateur risque de courir droit au burn-out. Sur la planète du travail, c'est ce que vit l'allumeur de réverbères du Petit Prince : il se réfère à "la consigne" sans en connaître le but, et il ne s'arrête jamais. 

3. La densité de l'instant présent

"Car il est bon que le temps qui s'écoule ne nous paraisse pas nous user et nous perdre, mais nous accomplir. Il est bon que le temps soit une construction". (in Citadelle).  
>> Mû par l'urgence, l'homme étouffe, stationnaire, il s'ennuie. Pour Saint-Ex, il faut savoir goûter l'instant, le rendre efficace et savoir s'en contenter. Le zapping déconstruit et épuise. Souvent, en entreprise, les solutions doivent être très rapides, le chiffre d'affaires s'arrache au jour le jour : c'est contradictoire avec le fait qu'on imagine des plans d'action sur le long terme. Il faut aussi viser l'essentiel, sinon, sa journée est gaspillée par l'accessoire. 

4. La force de l'échange

"Enseigner d'abord l'échange, car, hors l'échange, il n'est que racornissement." (in Carnets). "Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente." (in Lettre à un otage) 
>> Saint-Ex a établi des ponts entre les pays, les gens, les civilisations. Il a brassé des univers différents. Il nous dit que l'échange est la base de la confiance et qu'il présuppose le respect mutuel : on se parle à égalité. Il faut échanger l'action, la parole, le don de soi. Le manager doit laisser ainsi ses collaborateurs exprimer leurs idées, leur vérité, sinon ils se sentiront dévalorisés. C'est la condition de la performance authentique. A lui aussi de multiplier les échanges informels, s'il formalise des processus de communication, il perdra la vérité de l'autre et sa pensée intime. 

5. Le don ou l'intérêt du bien commun

"Force-les [les hommes] de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain." (in Citadelle) 
>> Transmettre, former et non pas user de son pouvoir hiérarchique, c'est la mission du manager. Sur sa planète, le roi donne des ordres au Petit Prince. L'autorité, dit Saint-Ex, ce n'est pas le titre, la contrainte, les privilèges, mais le fait d'aider l'autre à grandir. Et en entreprise, il faut savoir donner de son temps pour bâtir les équipes, intégrer les nouveaux, créer un élan collectif, etc. L'intérêt personnel ne crée que des envies et des frustrations. 

6. L'aveuglement par les chiffres

"Mais tu ne peux pas cueillir les étoiles ! - Non mais je puis les placer en banque... Ca veut dire que j'écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j'enferme à clef ce papier-là dans un tiroir." (in Le Petit Prince) 
>> Sur sa planète, le businessman ne pense qu'à compter, posséder, breveter, oublieux de la finalité des choses. Le manager devrait se détacher de l'obsession des résultats, des tableaux, des rapports. Qu'en fait-il? Lit-il vraiment tout ? Le réalité et la vérité d'un travail ou celle d'un individu ne se résume pas à des statistiques. L'intention et l'effort sont tout aussi importants. 

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