Pourquoi les prix du ciment ne baissent pas



Par Rousseau-Joël FOUTE, Cameroon Tribune, 21-05-2014
Le Cameroun ambitionne de devenir à l’horizon 2035 un pays à revenu intermédiaire tranche supérieure (pays émergent). Pour que cela soit possible, le pays doit densifier ses équipements dans divers domaines.
C’est-à-dire, construire davantage d’infrastructures énergétiques (barrages hydroélectriques et de retenue) et de communications (ports, aéroports, routes, ponts, etc).
Bref, tout support physique dont l’économie à besoin pour croître à un rythme accéléré pendant plusieurs décennies. Dans le même temps, le niveau et la qualité de  vie des populations sont appelés à s’améliorer. Ce qui va entraîner la construction de centaines de milliers de logements sociaux et de maisons individuelles. La mise en place de tous ces équipements ne peut se faire sans l’utilisation accrue d’un matériau essentiel dans les bâtiments et les travaux publics (Btp), à savoir, le ciment.                                                                                                        
Issu du latin caementum, signifiant moellon, pierre de construction, le ciment est une matière pulvérulente (cendreuse, poussiéreuse), formant avec l’eau ou avec une solution saline une pâte plastique liante, capable d’agglomérer, en durcissant, des substances variées. C'est une gangue (enveloppe) hydraulique, durcissant rapidement et atteignant en peu de jours son maximum de résistance. Après durcissement, cette pâte conserve sa résistance et sa stabilité, même sous l’eau. Il est employé plus fréquemment sous forme de poudre, mélangée à de l'eau, pour agréger du sable fin, pour produire du mortier, des graviers, ou encore du béton. En clair, rien de solide et de durable ne peut se faire dans le Btp sans le ciment.                             
Seulement, il se trouve qu’au Cameroun, dans les quincailleries, le prix du ciment n’est pas à la portée des petites bourses. Le sac de 50 kg, que ce soit le CPJ 35 ou le 42,5 R, coûte entre 4 750 F et 5 000 F dans les principales agglomérations. Dans les zones enclavées, le ciment est vendu  bien plus cher, compte tenu de l’ajout des coûts supplémentaires liés à la longueur du trajet et aux conditions difficiles de  transport. Cela pourrait se comprendre, car les fondamentaux du marché créent actuellement des conditions pour qu’il y ait une certaine tension sur l’offre, alimentée par seulement deux producteurs locaux : le plus ancien est  Cimencam (Cimenteries du Cameroun), filiale du groupe français Lafarge  et, depuis quelques mois seulement, Cimaf (Ciments de l’Afrique) du groupe marocain Addoha.  En théorie, cette situation de duopole ne favorise pas la concurrence, puisqu’elle n’écarte pas la possibilité d’une entente entre les deux cimentiers pour continuer à tirer les prix vers le haut. D’autant plus que les deux entreprises ont une capacité annuelle de production  d’environ 2,1 million de tonnes (1,6 million de tonnes pour Cimencam et 500 000 tonnes pour Cimaf). Alors que la demande locale actuelle est estimée à 2,8 millions de tonnes. Il y a donc là un important gap à combler. D’où le recours aux importations pour satisfaire la demande en forte croissance, du fait, entre autres, des grands projets structurants en cours d’exécution. La question de fond est dès lors celle de savoir pourquoi, malgré les importations, les prix du ciment  ne baissent pas ? Au contraire, on observe sur le marché que le ciment importé, vendu à 5 000 F le sac de 50 kg, coûte même plus cher que celui produit localement. Pourquoi ? Qui a intérêt à ce que les prix du ciment ne baissent pas ? L’entrée en scène annoncée pour le mois prochain des premiers cas issus de l’usine de Dangote Cement (investisseur nigérian) à Douala pourrait-elle faire bouger les lignes, dans le mesure où la compétition entre producteurs nationaux se jouera désormais à trois, en attendant l’arrivée, au cours des prochaines années, d’Afko Cement Company (Sud-Coréens) basée à Limbe.

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