Comment faire pour vraiment apprendre de vos erreurs?

Par Olivier Schmouker, lesaffaires.com, 25-04-2014
Un nouveau prix a été lancé cette semaine, le Prix résilience entrepreneuriale BDC, qui entend récompenser une entreprise canadienne qui est ressortie plus forte d'un revers survenu au cours de la dernière année. Ce prix vise, on le voit bien, à souligner l'intérêt qu'il y a à connaître un échec, car on peut en ressortir plus fort qu'auparavant. Il a par conséquent la magnifique mission de faire en sorte que l'échec ne soit plus un tabou.
Mais voilà, on peut légitimement se demander si l'on gagne vraiment à échouer. Car, soyons francs, nous avons tous connus des revers dont nous ne nous sommes jamais complètement remis. Pas vrai?

Les initiateurs du nouveau prix sont, quant à eux, unanimes : il est bon d'échouer. Écoutons deux d'entre eux. Maxime Bernier, ministre d'État à la Petite Entreprise, au Tourisme et à l'Agriculture : «Les entrepreneurs savent qu'il n'y a pas de honte à échouer. En fait, nous devrions tous nous inspirer de leur capacité à transformer les erreurs en occasions, et, au final, à réussir». Et Michel Bergeron, premier vice-président, marketing et affaires publiques, de BDC : «L'échec fait partie du processus entrepreneurial. L'important, c'est que les entrepreneurs puissent mettre en pratique les leçons qu'ils en ont tirées».

Alors? Ont-ils raison? Ou tort, d'autant plus que M. Bergeron reconnaît que certaines erreurs sont «fatales»? Eh bien, je pense avoir trouvé une réponse intéressante dans une étude intitulée My bad! How internal attribution and ambiguity of responsability affect learning from failure. Celle-ci est le fruit du travail de : Christopher Myers, doctorant en management à l'École de commerce Ross (États-Unis); Bradley Staats, professeur en processus organisationnels à l'École de commerce Kenan-Flagler (États-Unis); et Francesca Gino, professeure en management à Harvard (États-Unis).

Les trois chercheurs ont procédé à trois expériences visant à identifier la meilleure façon pour une personne de tirer les leçons d'un échec. Je vais brièvement décrire chacune d'elles, et surtout vous présenter leurs résultats. Car, comme vous allez le voir, ceux-ci sont fascinants…
La première expérience consistait à analyser le travail de 233 employés de Samasource, une organisation à but non lucratif qui offre aux entreprises des pays pauvres des services d'entrée de données informatiques. Ces employés-là, qui œuvrent dans des pays d'Afrique de l'Est, sont rémunérés pour entrer des informations chiffrées dans des bases de données, un travail de moine, un travail rébarbatif, mais un travail qui permet de s'extirper de la misère.

Les chercheurs ont eu accès à l'ensemble du travail effectué par chacune de ces personnes entre juin 2012 et mars 2013. Et ils se sont intéressé à une chose : les progrès enregistrés par les uns et les autres au fil du temps.

Qu'ont-ils ainsi mis au jour? Ceci :

> On gagne à échouer. Les personnes qui avaient les plus forts taux d'erreurs à leurs débuts ont été, à la toute fin, ceux qui affichaient les plus faibles taux d'erreurs. C'est-à-dire que les plus performants étaient ceux qui avaient le plus échoué à leurs débuts.

Dans la deuxième expérience, il a été demandé à 85 volontaires de se prêter à un petit jeu. Ils devaient chacun s'imaginer à la tête d'une écurie de voitures de course, une heure avant le départ. Un souci mécanique préoccupait certains membres de l'équipe, et il fallait trancher : participer à la course, en dépit d'un risque de bris mécanique; ou bien annuler la participation, car il n'y avait pas assez de temps pour entreprendre une inspection et une éventuelle réparation.

L'astuce résidait dans le fait que, pour prendre la bonne décision, il fallait que le leader ait l'idée de demander à tous les membres de l'équipe ce qu'ils en pensaient, et ne pas se contenter des informations données par certains. Car cela permettait de découvrir que le risque était réel, et même fatal si la voiture roulait à pleine vitesse : il fallait donc absolument annuler la participation à la course.

Une fois que chacun a donné sa directive, les organisateurs de l'expérience ont rassemblé tout le monde et expliqué que ce scénario était une copie exacte de ce qui était arrivé en janvier 1986 à la navette spatiale Challenger : elle avait explosé peu après le décollage, alors même qu'une poignée d'ingénieurs savaient que l'accident avait 99,99% de chances de se produire! Ce drame était survenu parce que les hauts-dirigeants de la Nasa n'avaient pas pris la peine de les consulter.


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